LES Chevaliers d'antarès , livre ebook

DROITS
© Wellan Inc., 2017. Tous droits réservés. Ce roman, incluant les personnages et l’histoire exprimés, est protégé par le droit d’auteur en vertu de la Loi canadienne et des conventions internationales sur le droit d’auteur. Wellan Inc. est le titulaire exclusif du droit d’auteur sur le roman. Aucune partie de cette œuvre ne peut être utilisée ou reproduite sous quelque forme ou en quelque plateforme que ce soit en l’absence de l’autorisation écrite et préalable de Wellan Inc.
ANNE ROBILLARD


Tome 4
Chimères


Novembre 2017
ISBN : 978-2-923925-95-0
CITATION
« La seule chose promise d’avance à l’échec, est celle que l’on ne tente pas. »
— Paul-Émile Victor

CARTE D’ALNILAM



BLASON DE L’ORDRE
DES CHEVALIERS D’ANTARÈS




Chapitre 1 SUPERSTITIONS
S itué au beau milieu d’Alnilam, le pays d’Antarès représentait le centre névralgique du continent. Sa région septentrionale comprenait les plus importantes mines et la majorité des usines qui fournissaient à tous les royaumes ce dont ils avaient besoin. Il était donc crucial de protéger ce territoire.
Dès qu’il avait été nommé grand commandant, Audax avait posté les Chimères, sa propre division, sur la frontière entre Antarès et les terres des Aculéos. Les Chimères avaient un haut degré de discipline et un excellent sens de l’organisation. Il savait que ces Chevaliers utiliseraient toutes leurs ressources pour empêcher l’ennemi de saccager les installations industrielles et les centrales électriques dont dépendait la forteresse d’Antarès.
Même si Sierra avait l’âme d’une Manticore, Audax l’avait placée parmi les Chimères afin d’assouplir son caractère et de lui apprendre la discipline et le discernement. C’était elle qu’il avait choisie pour le remplacer un jour à la tête des Chevaliers d’Antarès. Sierra avait d’abord rué dans les brancards, mais elle avait finalement réussi à dominer son impulsivité... enfin, la plupart du temps.
Cette année-là, après avoir observé une aurore boréale à Arcturus, Sierra avait décidé que son séjour chez les Manticores devait prendre fin. Elle avait demandé à Wellan, en qui elle avait de plus en plus confiance, même si théoriquement il était toujours son prisonnier, de les emmener tous les deux chez les Basilics à l’aide de son vortex. Après avoir révélé à Chésemteh qu’il y avait un traître dans l’Ordre, Sierra s’était empressée de se rendre auprès d’Ilo pour le mettre en garde à son tour.
À leur arrivée chez les Chimères, Sierra et Wellan avaient trouvé tous les soldats debout au milieu du campement, malgré l’heure tardive. Ils regardaient l’aurore boréale avec beaucoup d’appréhension. Seul Ilo ne semblait pas impressionné par le phénomène atmosphérique. « Sans doute parce qu’il est un érudit, lui aussi », songea Wellan. Sierra glissa sa main dans celle d’Ilo.
– Ce ne sont que des superstitions, affirma-t-il.
Wellan prit la sage décision de ne pas s’en mêler. C’est alors que Cercika, qui possédait des dons de voyance, lui dit, avant d’aller se réfugier dans son abri, que plus rien ne serait jamais pareil et que des millions d’ennemis descendraient du ciel. « Achéron possède-t-il autant de guerriers ? » se demanda Wellan.
Les magnifiques reflets vert émeraude s’estompèrent dans le ciel, mais leur disparition n’apporta aucun apaisement aux Chimères.
– Allez vous coucher, ordonna Ilo. Il n’y a plus rien à voir.
Les Chevaliers lui obéirent en silence et regagnèrent leurs tentes de la même couleur que les sapins environnants. Quant à Wellan, il resta sur place à réfléchir. L’aurore boréale représentait-elle vraiment un signe prémonitoire ? Pour ne pas indisposer Ilo, il alla s’asseoir devant le feu le plus éloigné de lui.
– Qu’avez-vous fait de Nemeroff ? demanda le chef des Chimères à Sierra.
– Il est retourné chez les dieux ailés, où il se sentait plus utile.
– Pourquoi Wellan n’est-il pas reparti avec lui ?
– Parce qu’il veut apprendre à mieux connaître les Chevaliers d’Antarès.
– Tu ne trouves pas que c’est un comportement suspect ?
– Pas du tout. Wellan est un homme aussi curieux que toi. Est-ce qu’on pourrait poursuivre cette conversation en privé ?
Ilo entraîna la grande commandante dans sa tente. Celle-ci se dressait à l’écart de toutes les autres, car, comme la plupart des Eltaniens, il préférait garder une certaine distance avec les humains. Slava remarqua alors que Wellan n’avait nulle part où aller et s’approcha de lui.
– Vous êtes décidément mieux organisés qu’à mon premier passage par ici, lui dit l’ancien soldat.
– Nous venions à peine d’arriver dans le Nord à ce moment-là. Ce que tu vois ici, ça nous ressemble davantage.
– Vos abris ne sont pas dissimulés sous les arbres comme ceux des Basilics ni dispersés comme ceux des Manticores.
– Nous sommes plus méthodiques.
– C’est Ilo qui insiste pour que vous les installiez en rangées bien droites ?
– Non. Les Chimères agissaient déjà de cette façon avant qu’il devienne leur chef. En attendant d’avoir un coin à toi, que dirais-tu de partager ma tente, cette nuit ? Contrairement à mes compagnons, je dors seul dans la mienne. Les autres sont deux par deux pour la plupart.
– Avec plaisir.
Wellan ramassa ses affaires et suivit Slava. Les tentes étaient si rapprochées les unes des autres que tout le monde devait entendre ses voisins. « C’est sans doute pour cette raison qu’Ilo a planté la sienne en retrait », devina Wellan. À la lueur d’un fanal, il fut agréablement surpris de trouver dans l’abri de Slava ce qui ressemblait à un gros matelas posé sur le sol ainsi que plusieurs caisses en métal qui servaient sans doute de rangement. La Chimère retira de l’une d’elles un curieux rouleau noir, qu’il déplia jusqu’à ce qu’il se transforme en un long rectangle.
– Qu’est-ce que c’est ? demanda Wellan, étonné.
– Ton lit.
– Il est tout plat.
– Attends ! Je ne l’ai pas encore gonflé.
– Gonflé ?
Slava fixa un petit appareil dans une ouverture ronde du grand morceau de caoutchouc et se mit à presser sur la pompe à pied. Un ronronnement semblable à celui d’un chat se fit entendre. Sous le regard émerveillé de Wellan, le rectangle se mit à grossir. En quelques minutes à peine, il devint aussi ferme que celui qui servait de lit à son compagnon.
– Et voilà.
– Mais c’est le grand confort !
– Nous sommes douillets, répliqua Slava en riant. Nous ne dormons sur le sol que dans nos campements temporaires, pendant nos déplacements.
– Je ne vous ai pas vus traîner ces malles lorsque vous êtes partis de la forteresse.
– Nous les cachons dans les ruines de Maxbourg ainsi que nos tentes pendant le répit, au cas où les Aculéos décideraient de descendre de leurs falaises avant notre retour. Ils saccagent toujours tout.
– Vous êtes drôlement bien organisés.
– C’est ce qui fait notre force.
Wellan appuya sur son matelas soufflé avec la main.
– Il supportera ton poids, le rassura Slava.
L’ancien soldat y étendit sa cape puis y prit place.
– Les Chimères croient-elles vraiment que cette aurore boréale est un signe prémonitoire ? demanda-t-il.
– La dernière fois que ça s’est produit, les Aculéos ont commencé à attaquer les Alnilamiens.
Pendant que Slava racontait cet épisode de l’histoire d’Alnilam à Wellan, Sierra et Ilo continuaient de discuter dans la tente de ce dernier. Ilo lui avait d’abord demandé pourquoi Nemeroff avait creusé un large fossé au pied de la falaise, juste au nord du campement.
– C’est sa façon de nous venir en aide, répondit Sierra. Rien ne prouve par contre que ça empêchera les Aculéos de continuer à descendre sur nos terres.
Elle résuma ensuite à son amant son séjour chez les Basilics et chez les Manticores, avant de lui dévoiler sa véritable préoccupation :
– Il y a un traître dans nos rangs.
Ilo ne cacha pas sa surprise.
– Qui t’a annoncé ça ? As-tu reçu une missive de la haute-reine ?
– Non. C’est Apollonia.
– Ne me dis pas que tu accordes encore de l’importance à ce qu’elle prétend voir dans ses cartes.
– Tu prêtes attention aux visions de Cercika et tu refuses de croire aux prédictions d’Apollonia ?
– Cercika est une Chimère.
– Elles possèdent toutes les deux des dons, Ilo, sauf qu’ils ne se manifestent pas de la même façon. J’insiste pour que tu prennes cette menace au sérieux.
– Tu crois sincèrement qu’un Chevalier d’Antarès vendrait des secrets à l’ennemi à l’insu de son commandant ?
– C’est malheureusement une possibilité que nous ne pouvons pas écarter.
– Et si Apollonia avait mal interprété ses cartes ? As-tu pensé à ça ?
– Elle les a consultées plusieurs fois.
L’air agacé d’Ilo fit comprendre à Sierra qu’elle n’arriverait pas à le convaincre.
– Tout ce que je te demande, c’est de garder l’œil ouvert et de m’avertir si tu as quelque soupçon que ce soit.
– Je t’obéirai parce que tu es la grande commandante, mais ne t’attends pas à trouver un traître chez les Chimères. Tu en as fait partie, toi aussi, alors tu sais à quel point elles sont loyales.
– Je t’en prie, ne courons aucun risque.
– Resteras-tu avec moi, cette nuit ?
– Oui, mais tu connais le règlement.
– Aucun contact.
Heureusement que Wellan avait accepté l’offre de Slava, car Sierra avait complètement oublié sa présence. Moralement épuisée par sa conversation avec Ilo, elle s’allongea près de lui et s’endormit aussitôt.
Au matin, la vie poursuivit normalement son cours, malgré l’arrivée de la grande commandante. Wellan se réveilla un peu après Slava, qui lui indiqua dans quelle partie de la forêt il pouvait aller soulager sa vessie. L’ancien soldat quitta le campement et suivit le sentier en question. Il tomba sur l’énorme conteneur qui avait enfin été livré aux Chimères, puis s’enfonça entre les arbre