271
pages
Français
Ebooks
2018
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2018
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Publié par
Date de parution
08 mars 2018
Nombre de lectures
2
EAN13
9782363157522
Langue
Français
Publié par
Date de parution
08 mars 2018
Nombre de lectures
2
EAN13
9782363157522
Langue
Français
L Alliance
Frédérique de Lignières
2018
ISBN:9782363157522
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
Pour Héléna et Irina, mes filles chéries, qui lorsqu’elles ouvrent un livre pour leur plaisir, ne lisent que de l’héroïque fantasy.
« Un cœur bat dans tout, une idée se concentre en tout, même dans les pierres du chemin, et de même que tous les organismes s’orientent vers le soleil, ce cœur et cette idée s’orientent vers l’idée suprême et le cœur souverain du monde. »
« L’imagination, voilà notre seule richesse. Nul impôt, aucune servitude… Le monde visible, qu’est-ce en vérité ? De l’invisible à la longue solidifié par l’appétit humain. »
« Ce matin, sans doute en mémoire de sa rédemption, un Mot infiniment petit laissa sur le premier degré du seuil une pâquerette du vallon. »
Saint Pol-Roux
I
Cette année-là, sa vie changea complètement. Au solstice d’hiver, Exalte eut quinze ans et Akkhlis, l’homme qui l’avait élevée et protégée, mourut.
Elle devait se souvenir toute son existence de ce sombre matin d’hiver où la neige tombait et où le vent soufflait violemment sans discontinuer. Akkhlis, sentant son agonie venir, l’avait fait appeler. Dans la chambre silencieuse, qui donnait sur le cloître du couvent, Iris, l’apothicaire, se tenait immobile, debout à la tête du lit. Par la fenêtre, on voyait au-dehors, dans la lumière réfractée par la neige, tous les desservants qui priaient l’Unique en se livrant à la danse de méditation. Ces silhouettes effectuant à l’orée de la forêt leurs lents mouvements pensifs, accompagnées par les sons lancinants des hauts tambours, donnaient au paysage quelque chose d’irréel et paraissaient avoir arrêté la course du temps.
D’une voix basse, cassée, méconnaissable, Akkhlis demanda à Exalte de s’approcher de lui. Elle se pencha pour lui embrasser la main dont elle nota l’extrême maigreur. Akkhlis la retint et colla sa bouche près de son oreille :
— Écoute-moi bien Exalte, car ceci est vital. Pour toi, bien sûr, mais surtout… surtout, pour toute l’humanité. À la veille de mourir, je m’aperçois que je me suis trompé. J’ai eu beau faire et refaire tous mes calculs astronomiques, regarder à m’en user les yeux dans mon diamant sorcier, interpréter encore et encore le vol des oiseaux, celui dont j’attendais la venue, celui qui devait sauver le monde, n’est pas un garçon comme je le croyais…
Akkhlis reprit péniblement sa respiration qui devenait sifflante. Puis il poursuivit en hésitant :
— Tu sais que… bien qu’on ne connaisse pas ta date et ton jour de naissance… j’ai fait ton thème astral. J’ai pris comme jour de ton anniversaire le jour du solstice… aujourd’hui. Comme lieu de naissance, la clairière la plus proche du monastère où je t’ai souvent emmenée. Et bien… je n’ai jamais voulu te le dire… tellement j’étais sûr de me tromper… tellement je craignais que tu n’aies pas la force aussi…
— Mais Akkhlis… interrompit Exalte avec passion, vous savez bien que je mets toujours toutes mes forces à faire ce que vous m’ordonnez…
— Je sais, je sais ma chérie. S’il te plait, ne m’interromps pas, je veux aller au bout de ce que j’ai à te confier et je n’ai plus qu’une heure à vivre. Ton horoscope… Et bien quelle que soit l’heure de naissance que je retienne, ton horoscope me dit que tu es celui que j’attendais. C’est toi, l’Envoyée. C’est toi qui devras partir à la recherche des mots de l’alliance pour sauver le monde.
— Mais quelle alliance Akkhlis, interrompit à nouveau Exalte, interdite.
— L’alliance suprême, l’alliance entre tous les êtres vivants, celle qui sauvera le monde d’un péril terrible, d’une destruction totale qu’ont commencé à orchestrer les forces du mal… Écoute bien et retiens par cœur tout ce que je te dis à partir de maintenant. Les mots de l’alliance sont au nombre de sept. Chacun des sept compagnons dont je t’ai déjà parlé connaît l’un de ces mots. Pour que l’alliance puisse se réaliser, l’Envoyée devra non seulement retrouver les sept compagnons pour réunir les sept mots, mais surtout croire en la vertu de ces mots. Le sortilège restera inopérant si tu ne crois pas au pouvoir des mots.
Akkhlis leva la main pour imposer le silence à Exalte. Reprenant péniblement son souffle, il se lança :
— Tu as trouvé l’un des sept compagnons depuis longtemps, car je suis celui-là. Je vais te confier à l’oreille le premier des sept mots de l’alliance. Dans notre langue, puis en langue ancienne. Il faut que tu retiennes ce mot en langue ancienne, que tu le retiennes pour toujours. Pour cela, tu devras te le répéter matin et soir pendant ta danse de méditation. Et tu feras ainsi avec tous les mots que tu auras recueillis. Ensuite, je vais mourir, je le sais. Il faudra partir cette nuit même. Choisis un compagnon qui pourra te protéger. Et prends Hautelune, mon cheval-fée. Personne ne doit savoir que tu as quitté le monastère. La neige, qui va continuer à tomber durant plusieurs jours, recouvrira vos traces. Iris, seule, sera au courant de votre départ. À minuit, elle vous aidera sans que personne ne le remarque.
Akkhlis tendit la main vers Iris qui était demeurée silencieuse durant tout ce temps.
— Adieu, Iris. Veux-tu sortir que je puisse confier le mot secret à Exalte ?
Iris s’approcha du vieil homme et, les larmes aux yeux, l’embrassa sur le front. Puis elle s’éclipsa silencieusement.
Exalte se mit alors à protester :
— Mais, si vous devez mourir, je ne veux pas partir sans prier devant votre bûcher pour que votre âme puisse gagner un monde meilleur. Je veux rester près de vous jusqu’à la fin… Vous et Iris m’avez servi de parents. Vous êtes tout ce que j’ai…
— Je sais ma fille, je sais. Mais tu devras faire ce sacrifice. C’est important pour l’avenir du monde. Car si tu refuses de te consacrer à cette cause, il n’y aura plus de monde. Le Mal qui rôde, que je sens rôder depuis quelques années, nous envahira et détruira tout. Ce sera une catastrophe sans précédent. Bien plus grave et définitive que celle qui a détruit il y a plus de deux cents ans le monde d’où je viens, l’île merveilleuse de Lollendelle. Si tu ne parviens pas à faire ce qu’il faut, c’est tout notre univers qui disparaîtra à jamais. Iris t’aidera. Elle te rejoindra plus tard. Pour l’instant, il faut qu’elle demeure ici pour protéger ta fuite et s’occuper de ma succession à la tête du monastère… Et maintenant, retiens bien le premier mot de l’alliance.
Et Akkhlis lui dit le mot dans le langage ancien. Il le lui fit prononcer plusieurs fois jusqu’à ce qu’elle y arrive correctement. Puis il ferma les yeux et son souffle s’éteignit.
Alors Exalte se mit à sangloter convulsivement et tituba jusqu’à la porte qu’elle entrouvrit avec difficulté ; ses larmes lui brouillaient la vue. Iris qui se tenait adossée au battant la repoussa à l’intérieur de la pièce et referma sur elles. Embrassant la pièce d’un rapide coup d’œil, Iris comprit qu’Akkhlis n’était plus. Elle étreignit affectueusement Exalte et la laissa un moment épancher son chagrin sur son épaule. Puis elle dit :
— Je sais que ta peine est grande, mais il faut te reprendre. Il est important pour ta mission que tous au monastère ignorent la mort d’Akkhlis jusqu’à demain. C’est-à-dire jusqu’à ce que tu sois déjà loin d’ici. Gagne le réfectoire, choisis-toi un compagnon et, pour le reste, fais comme si de rien n’était. Je t’attendrais avec deux chevaux à la poterne nord à minuit. Habille-toi de façon à ce qu’on te prenne pour un garçon. Chaudement aussi. Et prends tes armes. Puis sans laisser à Exalte le temps de répliquer, elle la poussa dehors et referma la porte de la chambre.
Encore choquée, la jeune fille traversait de biais le grand cloître pour gagner le réfectoire lorsqu’elle aperçut la haute silhouette mince de son amie Ludysia qui marchait devant elle. D’une voix étranglée, elle l’appela. Ludysia se retourna et courut à sa rencontre. Lorsque Ludysia s’approcha, elle remarqua immédiatement que sa compagne était bouleversée.
— Que t’arrive-t-il ? Tu as pleuré ! Que se passe-t-il ?
Devant les questions pressantes de Ludysia, les larmes montèrent aux yeux d’Exalte. Ludysia la serra dans ses bras et elles restèrent un moment, debout enlacées, tanguant sous les flocons de neige qui tombaient de plus en plus dru. Lorsqu’Exalte se fut calmée, elle entraîna son amie à l’écart et les jeunes filles s’abritèrent dans l’ombre d’une grange dont la porte était restée demi-ouverte.
Pressée de questions par son amie inquiète, Exalte ne put longtemps cacher à Ludysia ce qui était arrivé, ni la mission que lui avait confiée Akkhlis avant de mourir. Bien que bouleversée par la nouvelle de cette mort, Ludysia éprouvait une soudaine excitation, frémissait en sentant l’effleurer le vent de l’aventure.
— Emmène-moi avec toi Exalte, je suis le compagnon qu’il te faut.
— Je ne sais pas. J’aimerais t’emmener, mais…
— Mais quoi enfin ?
— Akkhlis m’a recommandé de prendre un garçon avec moi pour me protéger.
— Ne suis-je pas meilleure que tous les garçons de notre âge au sabre et à l’épée ? Je suis bonne à la lutte, au corps à corps aussi. Et à nous deux, avec ton talent pour tirer à l’arc, nous serons invincibles. Et puis nous avons l’habitude de combattre côte à côte…
— Oui, c’est vrai, mais…
— Je t’en supplie, Exalte, ne me laisse pas derrière toi. Maintenant que je n’ai plus Akkhlis pour me protéger, mon père va venir me reprendre. Il va m’enfermer dans son château et je ne pourrai plus échapper au mariage que je redoute. Ne me laisse pas, vraiment, je t’en supplie… Cette mission dont t’a chargé Akkhlis, c’est providentiel pour moi. C’est la seule, l’unique occasion que j’aurais jamais d’échapper à mon père. Je t’en supplie à genoux : je ne veux pas finir comme ma mère…
— D’accord, tu as gagné, je te prends comme compagnon. Et puis d’ailleurs parmi toutes les brutes avec lesquelles nous nous exerçons aux armes, je ne vois pas quel garçon j’aimerais choisir pour me sec