127
pages
Français
Ebooks
2018
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Publié par
Date de parution
01 mai 2018
Nombre de lectures
22
EAN13
9782374535494
Langue
Français
150 ans après la montée des eaux et l’engloutissement de l’Europe, les anciens Blancs vivent en vaincus dans les quatre pays d’Afrique encore à sec. Pourtant, grâce à ses inventions, c’est l’un d’entre eux qui a rétabli la paix et la sécurité dans la nouvelle confédération, avant de disparaître. Roseau, une jeune blanche, sait cependant qu’il n’est pas le héros que l’on croit. À la recherche de son identité, elle part sur ses traces, mais son chemin est semé d’embûches. Poursuivie par les machines du savant et flanquée d’un improbable poète, fasciné par le monde d’avant et amoureux des vers du Doré, Roseau doit affronter sa réalité.
Sophie Moulay, auteur de la saga fantasy L’élu de Milnor, revient à l’anticipation qu’elle a déjà explorée avec la novella Traque : d’un homme à l’autre. Elle nous livre cette fois-ci un texte singulier, alliant la légèreté d’un poète à la dureté de la jeune héroïne.
Publié par
Date de parution
01 mai 2018
Nombre de lectures
22
EAN13
9782374535494
Langue
Français
Présentation
150 ans après la montée des eaux et l’engloutissement de l’Europe, les anciens Blancs vivent en vaincus dans les quatre pays d’Afrique encore à sec. Pourtant, grâce à ses inventions, c’est l’un d’entre eux qui a rétabli la paix et la sécurité dans la nouvelle confédération, avant de disparaître.
Roseau, une jeune blanche, sait cependant qu’il n’est pas le héros que l’on croit. À la recherche de son identité, elle part sur ses traces, mais son chemin est semé d’embûches. Poursuivie par les machines du savant et flanquée d’un improbable poète, fasciné par le monde d’avant et amoureux des vers du Doré, Roseau doit affronter sa réalité.
Sophie Moulay , auteur de la saga fantasy L’élu de Milnor , revient à l’anticipation qu’elle a déjà explorée avec la novella Traque : d’un homme à l’autre . Elle nous livre cette fois-ci un texte singulier, alliant la légèreté d’un poète à la dureté de la jeune héroïne.
INHUMAINE
Retour aux sources
Sophie Moulay
Collection du Fou
— Il paraît qu’avant, les livres étaient destinés à être lus.
Un silence surpris accueille la déclaration du vieux conteur. Abdullah, le plus vif des enfants du village, est le premier à le rompre.
— Non, je te crois pas. Les livres, tout le monde s’en sert pour s’essuyer les fesses.
— Ou pour faire du feu, ajoute sa sœur Hasna.
— Je vous parle du temps d’avant la Grande montée des eaux, les enfants, reprend le conteur. En ce temps-là…
Au dernier rang, la petite Roseau écoute sans mot dire.
— À cette époque, les Blancs habitaient l’Europe. Ils étaient des centaines de millions et…
— C’est quoi des millions ? demande Abdullah.
— Des milliers de milliers.
— Comment ils tenaient tous sur leurs îles, s’ils étaient si nombreux ?
Le conteur adopte une expression faussement fâchée et fronce les sourcils.
— Mais vas-tu me laisser raconter correctement !
Une seconde de silence s’installe. Le feu crépite doucement. Sa lueur rassure les enfants autorisés ce soir à veiller tard. Le conteur sourit et reprend :
— L’Europe était une vaste étendue de terre, si vaste qu’on n’en voyait pas le bout. Il y avait des villes, tellement de villes qu’elles se touchaient. Le Blanc régnait alors en maître.
Des exclamations de stupeur jaillissent de quinze bouches enfantines.
— Eh oui, c’est difficile à croire, n’est-ce pas ?
— Qu’est-ce qui s’est passé ? interroge Hasna.
— L’eau a doucement submergé l’Europe, l’a transformée en une multitude d’îles. Tout d’abord, les Blancs ont abandonné les villes des plaines. Certains ont essayé de vivre les pieds dans l’eau et de se déplacer en pirogue. Ah les fous ! Ils n’y ont récolté que des maladies. L’eau a continué à monter. Les villes des plateaux n’ont bientôt plus suffi. Sans champs à semer, la nourriture a commencé à manquer. Alors, faute de place, les Blancs sont venus chez nous, la bouche pleine de suppliques et l’estomac vide. Et nous les avons accueillis… à nos conditions.
Chapitre 1
Roseau déposa le petit paquet sur le bureau. Une tache de sang auréolait le tissu grossier. La jeune fille songea avec un frisson qu’il ne faisait pas bon devoir de l’argent à Hicham. Un certain gratte-papier du palais l’apprendrait bientôt à ses dépens. Qui ? se demanderait-il. Auquel de ses proches avait-on coupé un doigt pour le punir de son retard ?
Roseau s’essuya les mains sur son pantalon comme pour en effacer le souvenir néfaste du paquet encore tiède. Avant de quitter le bureau du gratte-papier, elle se composa une mine affairée, puis ouvrit la porte. Dans le couloir, les lumières tremblotaient. Le changement de quart ne tarderait plus guère. Toutes les quatre heures, un nouveau contingent de pédaleurs prenait place sur les vélos convertisseurs et, luxe infini, alimentaient en électricité le palais toute la nuit. Roseau remonta le couloir d’un pas pressé. Elle ne se sentait pas dans son élément ici. Les murs étaient trop rapprochés et les issues, bien trop rares. Son territoire à elle, c’étaient les rues à ciel ouvert et les passants à la bourse rebondie. Mais Hicham ne lui avait guère laissé le choix lorsqu’il lui avait confié cette mission :
— Allez ma belle, je n’ai que toi de disponible. Et je veux que ce soit livré ce soir, tant que la marchandise est encore fraîche !
Nul ne contrecarrait les ordres du marchand de rêves sans en payer le prix, aussi Roseau s’était-elle exécutée. À présent, elle s’efforçait de refaire en sens inverse le trajet mémorisé deux heures plus tôt. À la seconde intersection, elle croisa un garde en pleine ronde. Les battements de son cœur s’accélérèrent. Allait-il noter le foulard noué autour de sa tête, seule anomalie dans son accoutrement, qu’elle s’était refusé à ôter en dépit des risques ? Le regard de l’homme glissa sur le pantalon de lin noir et le chemisier sans manches de Roseau, puis se détourna bien vite. Dans cet uniforme, la jeune fille ressemblait à toutes ces Blanches employées au palais. On leur accordait un coup d’œil. Jamais deux. Roseau salua le garde d’un rapide signe de tête. Il ne se donna même pas la peine de répondre. La bouche sèche, la jeune fille tourna à droite et disparut à sa vue. Après quelques mètres, elle réalisa s’être trompée de direction. Elle aurait dû prendre tout droit, mais déconcentrée par le garde, elle n’avait pas réfléchi. Et maintenant, elle ne pouvait pas faire demi-tour. Inutile d’attirer l’attention sur elle par des hésitations. Roseau poursuivit son chemin jusqu’à passer devant un meuble bas, surmonté d’un bouquet de roses odorantes.
Soudain, quelque chose siffla dans le couloir. Très vite, le bruit se transforma en stridulations suraiguës, désagréables. Roseau se figea. Le son provenait de l’intérieur de sa tête. De sa puce électronique, plus précisément ! Non ! La jeune fille inspira profondément afin de libérer sa poitrine de la peur qui l’écrasait. Ce n’était qu’un appareil du palais qui générait des interférences avec sa puce, rien de plus, tenta-t-elle de se convaincre. Elle devait s’en aller au plus vite, retrouver la quiétude de sa mansarde surchauffée. En sécurité.
Alertée par un crissement sur le carrelage, Roseau baissa les yeux. Une araignée d’acier quittait l’abri du meuble bas, ses pattes griffues cliquetaient doucement sur le sol. La jeune fille bondit en arrière et heurta le mur. Elle s’y raccrocha, les jambes flageolantes. Les parasites s’intensifièrent, et au milieu :
— Petite ombre, c’est toi ?
Cette voix, comme dans son enfance !
— Non !
Elle ne sut si elle avait crié. Elle pressa sa main sur le foulard qui dissimulait la puce aux regards des autres, appuya le plus fort possible, espérant la faire taire. L’insecte de métal s’approcha un peu plus.
— Tu étais là, presque sous mes yeux, pendant toutes ces années. Qui l’aurait cru ? Eh bien, petite ombre, viens avec moi. Allons voir Linker !
Des picotements familiers fourmillèrent sur le côté de son crâne. Non, pas ça, supplia-t-elle. La jeune fille ne se souvenait que trop bien de ce qui allait suivre. Elle s’enfuit en courant, mais elle n’avait pas parcouru un mètre que son corps cessa de lui appartenir. Il était toujours là, seulement un autre en avait pris le contrôle. Roseau eut beau bander sa volonté, elle ne put empêcher ses jambes d’accomplir les pas maladroits que la voix lui imposait à distance. Elle voulut crier, appeler. L’autre ne lui autorisa pas même un gémissement. Prisonnière de son propre esprit, comme avant.
L’araignée d’acier frotta ses pattes avant l’une contre l’autre. Elle s’impatientait.
— C’est ça , susurra la voix. Un pied devant l’autre.
Sa démarche titubante ramena Roseau à hauteur du meuble bas. Son pied heurta le bois. Le vase posé sur le plateau bascula et, dans un fracas de verre brisé, l’eau se répandit sur le sol jusqu’à lécher les pattes de l’araignée d’acier. L’insecte recula sous le meuble à cliquetis pressés. Dans la puce de Roseau, les picotements cessèrent enfin. Ses jambes menacèrent de se dérober, elle se rattrapa au mur. Une vive douleur pulsait dans ses orteils, mais elle était de nouveau maîtresse de son corps. L’autre avait disparu de son esprit.
— Qu’est-ce qui se passe ici ? Tu as crié ?
Roseau se retourna. Le garde qu’elle avait croisé une minute plus tôt était revenu sur ses pas.
— Tu as cassé le vase ?
— Je…
Les mots se coincèrent dans sa gorge. La terreur refusait de se dissiper. Pourtant, elle devait se ressaisir, sans quoi le garde ne tarderait pas à se douter de quelque chose. Il me voit comme une servante, je dois agir comme une servante . Elle baissa la tête et inspira profondément à plusieurs reprises . L’étau sur sa gorge se desserra un peu.
— J’ai trébuché et j’ai… renversé le vase, balbutia-t-elle.
— Pourquoi tu trembles comme ça ? insista le garde. Et dis, je ne t’ai jamais vue au palais. Tu sors d’où ?
Il la scrutait, le soupçon inscrit dans ses prunelles sombres de Natif. Il commença à s’approcher d’elle. Roseau repoussa sa peur au plus profond d’elle-même, se concentra sur l’instant. Elle glissa la main dans sa poche et serra le manche de son couteau, le doigt sur le bouton, prête à déplier la lame. S’il le fallait, elle n’hésiterait pas. Avec l’effet de surprise, elle l’aurait avant qu’il réalise ce qu’il lui arrivait. Une idée lui traversa soudain l’esprit.
— C’est mon premier soir, geignit-elle. Ils ne voudront pas me garder s’ils apprennent que j’ai cassé un vase.
Il s’immobilisa. La lueur soupçonneuse disparut de son regard, remplacée par la compassion.
— Dégage ! grogna-t-il. Je n’ai rien vu.
La jeune fille fila sans demander son reste. Elle avait l’impression que son cœur tambourinait dans sa poitrine, à lui en défoncer les côtes. Le regard du garde pesait sur ses épaules, elle le sentait. Elle s’obligea à marcher d’un pas mesuré et à ne pas se retourner.
Un long crépitement la fit sursauter. Plusieurs secondes lui furent nécessaires avant de comprendre que le bruit ne venait pas de sa puce, mais du com’ du garde.
— Premier étage, j’écoute.
— I