Impuissants vs Insoumis , livre ebook

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Qu’est-ce qu’il fait, cette nuit, son si discret voisin qui se cache derrière un parfum d’hydrocarbure ? Beatrix l’entend travailler, au-dessus de chez elle, et elle imagine n’importe quoi. Mais cette nuit, c’est plus fort qu’elle. Cette nuit, elle grimpe chez lui et découvre derrière la porte ouverte un jovial assassin, qui va lui en faire voir… J. Stern, c’est son guide, son bourreau, mais aussi son esprit protecteur. Sans qu’elle sache comment lui dire non, il l’embarque sous la ville, vers d’anciens souvenirs dont Beatrix ne garde que des bribes. Ils se rendront dans cet étrange lieu enfoui dans les catastrophes.
Du temps, plus rien ne reste que des couches désorganisées qui s’effritent entre les doigts. De la ville qu’elle a connue, jusqu’au littoral, tout le paysage est transformé, asséché et ranci par un événement dévastateur dont elle ne se rappelle rien, mais qui a fait naître une société qui se défonce à l’oxygène. Transfuge, entre ascenseurs et stations-services, assignée à de sales besognes, Beatrix ramassera sa mémoire brisée, au hasard des rencontres et des caprices de J. Stern, qu’elle ne connaît pas, mais qui la connaît bien.
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Date de parution

29 janvier 2011

Nombre de lectures

10

EAN13

9782923916101

Langue

Français

Impuissant vs Insoumis
ALINE JEANNET
© ÉLP éditeur, 2010 www.elpediteur.com elpediteur@yahoo.ca
ISBN 978-2-923916-07-1
Illustration de couverture : Cédric Bourquin
Polices libres de droit utilisées pour la composition de cet ouvrage : Linux Libertine et Libération Sans
ÉLP éditeur, le service d’éditions d’écouter lire penser, un site dédié à la culture Web francophone depuis 2005, vous rappelle que ce fichier est un livre numérique (ebooks). En l’achetant, vous vous engagez à le considérer comme un objet unique destiné à votre usage personnel. En format PDF, ce livre a été conçu pour être lu sur un lecteur de livres numériques (ebook reader) ou une tablette tactile.
En souvenir de J. qui m’accompagne
What do the waves have to say now?
Interpol,The Lighthouse
I
Mon voisin du dessus dort durant le jour et travaille la nuit. Je ne sais pas ce qu’il fait. Il rentre toujours avant l’aube, alors j’entends le sifflement aigu d’une bouilloire. Je le sais parce que je travaille également la nuit, chez moi. Chez nous les murs ne valent rien et les plafonds non plus. Je sais que rarement il peut aller se coucher dès qu’il rentre. Je sais qu’il est nerveux. Il fait les cent pas. Je ne crois pas qu’il regarde la télévision, ni qu’il écoute de la musique. Ou alors très bas. Quand je le croise devant l’ascenseur, il s’ar% range toujours pour prendre l’escalier. Même s’il habite au cinquième. Il répond quand je lui dis bonjour, mais si je ne le fais pas en premier, il se tait. Quand il le fait, c’est très doucement. Sa voix est un peu éraillée, comme celle du matin quand on prononce ses premiers mots. J’imagine qu’il ne parle pas beaucoup. Le soir quand il sort, je peux entendre le crissement de la barre de sécurité qu’il a fait poser quand il a emménagé. Elle est lourde et doit avoir du jeu car quelque chose cogne contre sa porte à chaque fois
qu’il la verrouille. Il descend les escaliers rapidement avec un jeu de jambes très spécial. Quand vous le voyez, vous ne pouvez pas comprendre comment il peut aller aussi vite. A son retour, c’est une autre histoire. J’entends souvent la porte d’en bas claquer vers cinq heures du matin. Je peux l’entendre parce qu’à cette heure-là il n’y a vraiment aucun bruit dans l’immeuble. Il prend rarement l’ascenseur. Ça doit faire partie de son hygiène de vie. Ses pas se succèdent sur les cinq volées de marches avec une grande régularité mais aussi avec lenteur, interrompus seulement par le silence des paliers. J’ai parfois l’impression qu’il porte une charge : sa foulée est lourde et fatiguée. Je m’imagine qu’il exerce un métier éreintant. Une fois, j’ai ouvert la porte, pour voir, juste après son passage. J’ignore s’il m’a enten% due. Je n’ai rien vu mais j’ai senti une forte odeur d’essence. Je me demande s’il ne travaille pas dans la zone industrielle, où il a y ces grands silos à pétrole, ou alors à l’aéroport. Mais je dois l’avouer, depuis qu’elle m’a percutée dans l’escalier après son passage habituel de cinq heures du matin, cette odeur m’obsède. o0o
Je me rue dans un souterrain, pourchassée par une lumière blanche, comme celle d’un vigile qui me traque%
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rait avec sa lampe de poche. Je comprends confusément que je dois répondre aux questions que me pose le méde% cin - une grosse tête aux cheveux roux - qui court avec moi en tenue de jogger et masque stérile. Mais ses ques% tions sont trop compliquées et je dois calculer tout un tas de choses pour pouvoir lui répondre. Le vigile se rap% proche, il n’est pas particulièrement menaçant, mais je sais que si je ne réponds pas rapidement au médecin, il va finir par me tirer dessus. Je ne distingue pas bien ce qui m’entoure, l’environnement est flou. Suis-je en train de devenir aveugle ou est-ce que j’ai toujours vu comme ça ? Le médecin ne peut pas m’aider. Le vigile se rapproche. Un bruit me réveille. J’allume, il est 17h40. J’écoute le silence de la chambre, dénaturé par de faibles bruits de voitures. À travers les persiennes, je constate qu’il fait encore soleil. Je me retourne dans mes draps emmêlés quand le bruit se répète. Il est sourd. Il vient du dessus, exactement. De la chambre. De chez mon voisin. C’est un peu comme si on jetait quelque chose de lourd et de mou par terre. J’entends ensuite une sorte de raclement étouffé comme un corps qu’on traîne. Pourquoi est-ce que j’imagine toujours le pire ? Il doit être seulement en train de déménager ses meubles.
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Les bruits se multiplient. Je peux le suivre à la trace. Il déplace des objets, j’imagine des fauteuils, des canapés, des lits, des bibliothèques, des frigos. Est-ce qu’il va bien% tôt déménager ? Par moments, il y a aussi un bruit d’écoulement, comme si on remplissait un seau métal% lique avec du liquide. Cuisine, salon, chambre à coucher : tout est transformé.
La nuit tombe et le tapage perdure. C’est inhabituel : à cette heure-ci, il devrait partir travailler. Je prends mon repas distraite, énervée. Je suis coincée chez moi, quelque chose m’empêche de sortir : une soif dévorante de connaissance, la peur de rater le moment clé de l’acti% vité du voisin du dessus. Je dois me mettre à travailler, j’essaie bien, mais le bruit m’empêche de me concentrer. À onze heures, je suis effectivement sur les nerfs. J’essaie autre chose. Comme je travaille souvent avec de la musique en fond sonore, je décide de lui faire de la concurrence.Interpol sonne fort, comme un avertisse% ment, une prière. De l’impuissant à l’insoumis. Un com% bat s’engage. Sans issue : j’ai l’impression que plus je monte le son, plus il se démène. À une heure du matin, je renonce à travailler. Désœuvrée, je vais jeter un coup d’œil sur mon palier. Tout est calme. Mais la rumeur du
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cinquième me parvient avec plus d’acuité, comme si sa porte était ouverte. Il y a deux appartements par étage. Je me demande si ses voisins directs sont aussi mûrs que moi ou s’ils sont sourds ou en vacances. Personne dans l’immeuble ne semble vouloir réagir. Je me dis qu’il est temps. Et puis je tergiverse. Je ne le connais pas mais il ne m’a jamais paru particulièrement agressif. Je me dis que peut-être, submergé par ses déménagements, il a oublié le temps. À trois heures, je me décide.
Singulièrement, les dix-huit marches qui conduisent au cinquième me paraissent innombrables, pénibles. Je les gravis un peu comme on escalade un sommet, en res% pirant lentement pour économiser l’oxygène. Je me sens en expédition solo sur une quelconque face nord et cette impression dégage un effet direct : la peur. Le sentiment d’une chute libre me submerge d’un coup, m’anesthésie. Mes sens se retrouvent étouffés sous une forme d’an% goisse lointaine, vitrifiée. Mes semelles de caoutchouc ne grincent même pas sur la pierre polie des marches, ce qui pourrait me rassurer. Et plus je monte, plus l’apesanteur m’atteint. Je commence alors à ressentir une nette impression de voyage spatial. Le moindre mouvement me fait parcourir des années-lumière, abandonnant der%
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rière moi de vagues souvenirs d’une Terre originelle. L’inconnu m’avale et ma vitesse augmente alors que mes gestes ralentissent au-delà du perceptible. Je glisse. Des heures durant.
o0o Après cette interminable traversée d’un univers déformé par d’invraisemblables lois physiques, je touche enfin du pied le cinquième palier comme la terre meuble d’une planète inconnue. Je suis en territoire étranger, étrange et sans repères : un animal de laboratoire dans une cage flambant neuve de laquelle on soustrairait l’oxygène, lentement, pour observer ses réactions, cobaye cosmique. Tout est pareil et rien, pourtant, n’est familier. Même l’air que je respire. Surtout l’air que je respire. Le silence emplit le vide, interrompu par les bruits du voisin qui s’interposent entre moi et la réalité. Je conçois être toujours ici, dans la cage d’escalier de mon immeuble, ce dernier ayant glissé, subrepticement, dans une autre dimension à travers laquelle le temps s’écoule plus lentement, où les distances prennent des formes bizarres. Le rai de lumière qui s’échappe de la porte entrouverte me saute aux yeux. Rationnellement,
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j’ai du mal à imaginer que mon voisin, distrait, ait pu oublier de la fermer. C’est un carton d’invitation. J’ap% proche lentement du fuseau lumineux. Le visage collé à vingt centimètres de l’embrasure, je fais une pause. Et regarde. Je ne vois personne. Presque rien ne semble dérangé dans l’intérieur que je découvre : au-delà de l’en% trée, dans un salon similaire au mien, un canapé disposé face à la fenêtre du balcon, et devant lui une table basse, une bibliothèque à gauche, un poste de télévision, de biais sur la droite. Plus près de moi, du côté de la cuisine, trois chaises, une table en bois qui recueille quelques papiers, deux livres, de quoi écrire et de la musique. Dans un coin, vers la porte de la chambre, une petite stéréo. Pas de car% tons, pas de piles de livres entassés par terre, pas d’objets insolites amoncelés, pas d’appareils électriques débran% chés, pas de cadres posés en équilibre contre des murs nus, pas de valises. Rien que des objets à leur place et de l’ordre. Un ordre qui sent la benzine.
Cosmonaute, je progresse et pousse la porte qui s’ef% face sans bruit, je fais un pas à l’intérieur et plonge.
Tout est silencieux. En attente du son qui va certaine% ment déclencher toute une série d’événements contre les%
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