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Présentation
Yvon Le Cam et Robert Ménard sont assassinés à la veille de la grande semaine nautique qui va faire régater les splendides Dragon sur l'eau bleue de la baie.
Deux hommes, qui avaient navigué ensemble jusqu’aux rivages du Brésil, sont étranglés de façon identique, à une heure d'intervalle. L'un place de l'Enfer, l'autre sur le quai de Tréboul. Deux amis sans histoires. Sans histoires vraiment ?
Un cargo blanc fait escale au port. Une vache folle met en échec un réseau de trafiquants de drogue. Des poupées de porcelaine sont retrouvées aux quatre coins de la ville. Ensanglantées…
Assisté d’un journaliste alcoolique et d’une Penn Sardin de quatre-vingt ans qui n’a pas sa langue dans sa poche, Landowski va s’employer à mettre fin à la série noire…
Poupées sanglantes à Douarnenez
Les enquêtes du commissaire Landowski
Serge Le Gall
38, rue du Polar Les Éditions du 38
L’eau trouble du fleuve Charrie des souvenirs fatigués. La douleur s’en va vers la mer. Avec le flux éternel, Elle reviendra. UCHEN YANG, infatigable voyageur chinois, période des Cinq Dynasties, Xe siècle. Heureux celui qui pénètre la cause secrète des choses. VIRGILE
1
Mercredi 30 avril.
Il était environ trois heures de l’après-midi. Difficile de préciser davantage, le soleil timide ne donnant aucune indication. Le ciel passait du voile translucide au gris « souris effrayée » sans se décider à se stabiliser. Un temps mitigé hésitant entre la vie et la mort. Un temps à tuer.
Une voiture noire descendait lentement vers le port en empruntant la rue Jean Jaurès. Sa carrosserie luisante comme la robe d’un félin musclé et combatif forçait le respect. Les ouvrières besogneuses à souhait, dociles entre les grèves, mais hargneuses dans les coups de sang, toutes celles qui sentaient la sardine, n’auraient pas espéré un tel cadeau pour le Jour de l’An.
Avec une pincée d’imagination lancée vers le ciel par un marchand de sable, on aurait pu se croire transportés sur les lieux de tournage d’un clip publicitaire pour un nouveau modèle. Une de ces pubs où les grands espaces mettent en valeur ce qui n’est, somme toute, qu’un vil tas de ferraille potentiellement meurtrier caché sous des couches de peinture appliquées au micron près par des robots consciencieux.
Pourquoi pas un tournage ? Enfin une occasion en or d’être témoin VIP d’une aventure commerciale pleine de promesses sonnantes et trébuchantes. Pleine d’espoirs aussi.
Le retour sur investissement est attendu comme le Père Noël. Certes, on s’amuse, mais on vise à toucher le pactole en créant le modèle de l’année. Peu importe si les masses laborieuses se trouvent obligées de souscrire un crédit étrangleur pour l’acquérir !
Balayés les strass, les paillettes. Exit le réalisateur un peu fou, un peu crade, affublé de lunettes de soleil alors que ciel est plombé. Plombé, comme la fausse blonde qui se prête au jeu de rôle sans trop comprendre ce qu’elle fait là, plombée comme cette affaire pourrie. Erreur de casting, de lieu, de victimes, de tout. Viva la muerte .
Ce n’était pas le désert du Kalahari ni le Grand Lac Salé. Il ne s’agissait pas de grands espaces inexplorés ni d’images léchées, retouchées, comme c’est pas Dieu possible pour faire vrai. Nous étions en Finistère. Ouest, plein ouest. C’est là que commence l’océan nourricier et brutal.
La scène se passait à Douarnenez. Tout simplement.
Une jeune fille vêtue de noir et de violet traînait ses trop nombreux kilos sur le trottoir presque désert. Génération hamburger, frites et cola. Son tee-shirt arborait un portrait de star. Le vêtement fatigué était vraiment trop court et les rondeurs flasques de la groupie tentaient une sortie en masse. La peau qu’elle laissait voir à qui avait envie de regarder était rose bonbon. Graisse et sueur faisaient certainement bon ménage pour donner cet aspect velouté rappelant les loukoums. Des entrelacs de griffures rougeâtres, souvenirs peut-être d’une étreinte un peu musclée acceptée faute de mieux lors d’une rave quelconque, assombrissaient le tableau. Le nombril violacé était orné d’une grosse perle brillante et grise. Piercing à la mode.
Le bar était ouvert. Elle poussa la porte dans un profond soupir comme si le geste lui pompait sa dernière énergie. Elle perdit une godasse mal serrée. Rien d’étonnant pour des chaussures pesant quatre livres la paire qu’elle traînait comme deux boulets. Talon noir de poussière et de crasse caramélisées. À l’instar du look. Noir, très noir.
L’orage aussi court que violent qui s’était abattu une heure plus tôt sur la région avait eu facilement raison du voile de poussière qui maculait la carrosserie toute neuve du fauve d’acier. La gravure du numéro minéralogique n’avait pas encore été effectuée sur la vitre arrière du véhicule. Dans le foisonnement d’articles de son contrat volontairement touffu, la société d’assurance l’exigeait cependant. Pour s’apercevoir de cette négligence, il aurait fallu s’approcher et constater. Pas sûr qu’on vous aurait laissé le faire naturellement. Le bolide n’avait pas encore ses deux mille kilomètres au compteur. Pas touche, minouche !
Même avec un œil exercé, on ne distinguait rien de l’extérieur à cause des vitres légèrement teintées sur lesquelles subsistaient quelques traînées de pluie froide.
À vrai dire, la météo de ces derniers jours d’avril n’avait pas été très clémente. Elle ne préfigurait en rien la canicule incroyable que le mois d’août allait connaître. Les vacanciers de la zone A qui avaient opté pour la première semaine des vacances de Pâques avaient pu profiter d’un ensoleillement plutôt agréable. Celles et ceux qui avaient choisi la deuxième période pouvaient s’en mordre les doigts.
On était à deux pas de suivre d’un œil morne un mauvais téléfilm. Le quadragénaire boudiné dans un « marcel » douteux s’oppose à sa femme. La ménagère de moins de cinquante ans, si prisée par les sondages d’opinion, s’obstine à porter une robe à fleurs alors que le temps est au gris chagrin. Elle a les jambes nues et blanches. Elle est venue pour le soleil et tant pis si celui-ci fait faux bond. Les mômes piaillent et se chicanent tandis que l’aîné de la fratrie se cure le nez consciencieusement.
Le couple se déchire devant les enfants grognons et fatigués. C’est le moment idéal pour resservir une fois de plus les rancœurs accumulées et les déceptions inévitables que la vie sait vous coller sur le dos avec un malin plaisir. Le destin n’a pas d’autre satisfaction que de mettre en l’air des équilibres trop fragiles. On rejoue inlassablement la Damnation de Faust .
On se reproche tout et rien avec une aisance de théâtre de boulevard. Chacun refile la responsabilité du mauvais choix à l’autre. Pas toujours aisé d’harmoniser RTT, congés scolaires et ensoleillement maximum. La climatologie n’en a que faire des acquis sociaux. On ne joue pas dans la même cour, ce serait trop facile. Il y a toujours un reproche à faire à Adam et Ève. C’est vrai que le coup de la pomme…
Le premier mai s’annonçait exécrable avec un temps mitigé et des vents fous. À ne pas mettre un brin de muguet dehors. D’ailleurs, la télévision avait prévenu que les clochettes nantaises allaient être plus chères, compte tenu d’une baisse significative de la production pour cause de climat peu coopératif.
À l’intérieur de la voiture noire, le revenu des petits vendeurs à la sauvette n’était certainement pas la préoccupation principale. La motivation était tout autre et le passage à l’acte imminent. Moment crucial , comme aurait dit Pierre Bellemare.
Le véhicule descendait maintenant la rue Jean Bart derrière une balayeuse qui brossait une dernière fois le bord de la chaussée dans un ronflement de coléoptère affairé. Une camionnette de service ouvrait la marche, le gyrophare allumé. Inutile de préciser que l’allure était réduite au minimum.
Rien de tel pour un tir aux pigeons. On ne s’imagine jamais assez le cadeau que l’on est en train de faire au tireur embusqué quand la foule en délire ralentit le cortège. Dallas 1963.
Ici, les rôles étaient intervertis, mais personne ne le savait. Ou presque.
La berline doubla en douceur avant de s’arr&