La vieille du Vel' d'Hiv' , livre ebook

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L’inspecteur Gonzague GAVEAU, dit « Le Professeur », pour se changer les idées, décide d’assister à un « critérium » au Vélodrome d’Hiver de Paris.


Alors que les deux favoris se livrent un duel acharné, l’un d’eux chute de son engin et ne se relève pas.


La course est arrêtée. Les officiels, bientôt rejoints par un homme que « Le Professeur » reconnaît pour être son chef, se ruent près de la victime.


Gonzague s’approche à son tour pour apprendre que le coureur a été abattu d’une balle...

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2

EAN13

9782373477238

Langue

Français

LE S E NQUÊ TE S DU P ROFE SSE UR
- 10 -
LAVIEILLE DU VELD’HIV
de René BYZANCE
C HAPITREPREMIER
UNE RÉ UNION SE NSATIONNE LLE
En ce dimanche de janvier, l'immense cirque du Vel' d'Hiv' était archi-comble. Depuis midi, la station du métro de Grenell e n'avait cessé de vomir des gens de toutes conditions et de toutes mines qui, à peine descendus de voiture, avaient pris leurs jambes à leur cou dans la direct ion de la rue Nélaton, qui serait une artère sans gloire si elle n'abritait le temple du Sport. Quelque bipède anonyme avait dû établir dans cette ruée vers les g uichets un record du monde de course à pied qui hélas ! ne sera jamais homolog ué.
Tout s'accordait pour que le succès de la réunion f ût complet. En plein air, le temps était exécrable : il neigeait et un vent coul is rougissait les nez et cinglait les oreilles : les terrains consacrés à l'améliorat ion de la race chevaline s'étaient révélés impraticables et Cyprien Melchior, directeu r du vélodrome, avait composé un programme sensationnel dont le clou étai t constitué par la finale du critérium d'hiver de demi-fond.
Gonzague Gaveau, dit le « Professeur », avait suivi la foule. La police judiciaire lui avait accordé un jour de congé. Aprè s avoir songé à consacrer ses heures de loisir à quelque étude studieuse, il s'ét ait senti lâche devant ses bouquins, dans une chambre glacée au sordide décor. Où aller ? Le cinéma n'offrait guère que des films de gangsters qui aura ient rappelé à Gonzague le métier dont il tenait à s'évader et des comédies se ntimentales, un peu doucereuses pour son goût. Un quotidien, en termes lyriques, vantait le grand gala cycliste de la rue Nélaton. « Nous assisterons cet après-midi, écrivait le chroniqueur, à une véritable débauche de luttes ach arnées, d'énergie et de vélocité avec la participation des cracks les plus réputés de la machine à deux roues ».
— Drôle de style ! avait observé le professeur en r epliant la feuille. Bah ! autant aller là qu'ailleurs. Ça me reposera les mén inges.
Gonzague n'était pas un fervent des joutes sportive s. Sa complexion peu athlétique, sa myopie lui interdisaient les efforts trop rudes comme les jeux d'adresse. Mais il n'était pas insensible à la beau té des longues foulées sur la cendrée ou sur le gazon, à la virtuosité des footba lleurs se disputant une balle ronde, à l'atmosphère passionnée et tumultueuse des grandes soirées de boxe, au pittoresque populaire d'une nuit des Six jours. Son esprit était curieux de toutes les manifestations humaines.
Assez inconfortablement assis sur l'une des banquet tes qui s'étageaient au-dessus des virages abrupts comme des falaises, du V el' d'Hiv', Gonzague contemplait d'un œil amusé le spectacle quoique la représentation elle-même ne fut pas encore commencée. Sur la piste de bois, des maillots de toutes les
couleurs et de toutes les nuances se poursuivaient, se mêlaient, se dépassaient, plongeaient, remontaient, composaient un ballet aux figures imprévues. Avant la bataille, les coureurs se dégou rdissaient les muscles, accueillis par les cris, les bravos, les quolibets des habitués saluant les champions et les « toquards », aussitôt reconnus.
Le professeur, partout où il se trouvait, avait le désir de comprendre. Il entreprit l'examen du programme, mais la feuille qu 'il avait achetée constituait pour lui un rébus : le sport a un vocabulaire, des formes mystérieuses pour le profane. La détonation d'un pistolet fit tressailli r Gonzague. Le crime, dont il était, par profession, un familier viendrait-il le retrouver jusque dans cette enceinte ? Il leva le nez. La piste, d'un coup, s'é tait vidée. Seuls, sur la ligne de départ, debout sur les pédales, quatre concurrents avaient engagé une course de lenteur, conspués par la foule.
— C'est-il pas malheureux, grogna quelqu'un au côté de Gonzague. Les débutants veulent singer les as et voici ce qu'il a rrive !
Un des cyclistes venait de s'affaler sur l'érable. Attaché par des cale-pieds à sa machine, il gisait, ridicule, comme un crabe retourné sur le dos.
— Hou ! hou ! Bécu ! retourne à la maternelle, cria le voisin du professeur en soulignant son interpellation d'un coup de sifflet strident, deux doigts enfoncés dans la bouche.
Gonzague considéra l'énergumène. C'était un grand g ars rougeaud et hilare, aux mains énormes, au torse puissant auquel un tout petit nez retroussé conférait une physionomie comique et quasi enfantin e. La casquette enfoncée sur des oreilles éléphantesques, il hurlait, se dém enait et, rigolard, jouait l'indignation pour se mettre en vedette.
L'autre voisin du professeur était plus calme. Coif fé d'un chapeau melon anachronique, engoncé dans un pardessus noir au col relevé, il avait l'apparence d'un paisible petit bourgeois de sous-p réfecture. Aussitôt qu'il s'aperçut que Gonzague le remarquait, il engagea la conversation :
— Je présume à votre allure, Monsieur, dit-il d'une voix douce, que vous n'êtes pas un habitué de ce lieu. Moi, je me rends ici tous les dimanches et jours de fête. Le sport est ma passion. Je me nomme Le Bo ulanger, Yves Le Boulanger. Mon nom ne dit plus grand-chose aux jeunes générations. Quoique, en 1908, j'ai terminé sixième des isolés, le tour de France. Ma famille n'a pas voulu que je persiste dans une carrière qui s'annonçait pleine de promesses. J'ai dû quitter le vélo pour la comptabi lité. Mais j'ai conservé une prédilection pour la bicyclette. Sans me vanter, je suis un connaisseur, un technicien hors ligne.
— Nous aurons cet après-midi un spectacle de choix.
— Oui et non, Monsieur ; Melchior, directeur de l'é tablissement est un malin. Il sait que, pour attirer une grosse affluence, il lui suffit de faire figurer un « clou » à l'affiche. Aujourd'hui, ce clou est cons titué par le critérium de demi-fond. Les autres épreuves ne sont que lever de ride au et délayage. Je m'en désintéresse.
Au bout de quelques instants, Gonzague adopta l'att itude de l'ancien « Tour de France ». Voir des gens tourner est vite monoton e. Il s'ennuya. La foule elle-même avait été prise de somnolence. Elle se recueil lait dans l'attente de la grande attraction qui l'avait attirée. Par chance p our l'inspecteur Gaveau, Le Boulanger était bavard et il lui demanda de le d ocumenter sur le fameux « critérium ».
— Monsieur, lui expliqua l'expert, je ne suis pas d 'ordinaire un...
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