130
pages
Français
Ebooks
2022
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Publié par
Date de parution
31 janvier 2022
Nombre de lectures
0
EAN13
9782342360592
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Mike Carrigan sombre dans le coma après un accident de voiture. Eva, sa femme, très pieuse, prie de toute ses forces pour que l’amour de sa vie s’en sorte, en vain. Mike décède à l’hôpital. Prise de colère, elle bannit Dieu et implore le diable en cette même église. Quarante-huit heures après son enterrement, Mike revient d’entre les morts... Est-ce lui ? Est-ce le diable ? Comment revivre psychologiquement avec lui, sans l’aide de personne ?
Publié par
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31 janvier 2022
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EAN13
9782342360592
Langue
Français
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1 Mo
Couverture
Copyright
Cet ouvrage a été édité par la Société des Écrivains,
Immeuble Le Cargo, 157 boulevard Mac Donald – 75019 Paris
Tél. : 01 84 74 10 20 – Fax : 01 41 684 594
www.societedesecrivains.com
client@societedesecrivains.com
Tous droits réservés pour tous pays.
ISBN numérique : 978-2-342-36058-5
© Société des Écrivains, 2022
La Rose et le Crucifix
Sur le carrelage ciré de ce couloir sombre, où dansent ses vieux démons, elle est là assise en tailleur, une longue chemise blanche enveloppe son corps maigre, frêle, qu’elle bascule d’un mouvement régulier. Des cheveux courts, blonds mal coiffés, des yeux bleus larmoyants, cernés par les antidépresseurs, n’en finissent pas de regarder le ciel, ses mains pâles aux doigts jaunis par le tabac, aux ongles rongés, s’entrelacent pour prier Dieu.
Il est dix-neuf heures, c’est la distribution des médicaments, je lui tends deux comprimés, accompagnés d’un verre d’eau, qu’elle avale machinalement, sans me parler, ni me regarder. Je décide alors de m’asseoir près d’elle pour la réconforter, mais je n’existe pas. Je reste là face à cette femme dans ce hall où règne un silence morbide, me demandant où est passée son âme. Je pense qu’il aurait mieux valu qu’elle réussisse son suicide, plutôt que d’être ce pantin aux veines cicatrisées. Sous ses airs usés, elle laisse percevoir une beauté infantile, un ancien bonheur venant du passé, cette belle époque où elle ignorait qu’un mauvais coup du destin s’acharnerait sur elle. Peu de personnes seraient sorties indemnes de cette tragédie. En quinze ans de carrière à l’hôpital psychiatrique, je n’ai jamais rencontré un cas semblable. Si j’essaie aujourd’hui de réveiller cette poupée de chiffon pour la sortir de son cauchemar, c’est parce qu’Eva est mon amie, que je connais bien son histoire. Pour vous la relater, je dois remonter trois ans en arrière, en juin 1970.
Les pneus arrière du cabriolet noir patinaient. Mike était très en retard, ingénieur de métier, il devait signer un gros contrat avec son meilleur client. De sa fenêtre, Eva, superstitieuse, croisa les doigts en guise de bonne chance au bolide qui s’éloignait, puis referma le rideau de dentelle blanche qui ornait les carreaux. C’était le jour du marché, comme tous les jeudis, on aimait s’y rendre, elle enfilait son petit tailleur rouge, montait ses cheveux en chignon, avalait une tasse de café et venait me chercher. Ce matin-là, elle s’apprêtait à sortir quand le téléphone sonna.
« Allô ?
— Madame Carrigan ?
— Oui c’est moi !
— Docteur Higgins à l’appareil, pourriez-vous venir à l’hôpital Milford d’urgence ?
— Oui, pourquoi ?
— Venez, je vous expliquerai. »
Anxieuse, elle prit un taxi, arriva aux urgences et se dirigea vers l’accueil.
« Bonjour, je suis madame Carrigan, le docteur Higgins m’a appelée mais j’ignore pourquoi. »
Une infirmière brune, antipathique, lui demanda de patienter, ce qui ne la rassura pas. Après cinq longues minutes d’attente, elle vit un homme en blanc sans expressions s’approcher d’elle.
« Êtes-vous l’épouse de monsieur Mike Carrigan ?
— Oui ! Que se passe-t-il ?
— Votre mari a eu un accident de voiture sur la route de Reedmond, ce matin, nous l’avons hospitalisé, son état est critique, il est dans un coma profond. Je ne peux rien vous confirmer pour l’instant. Il faut attendre quarante-huit heures. »
Eva n’écoutait plus, des perles d’eau coulaient sur son front, son cœur battait à l’étouffer, ses membres se firent lourds, elle se laissa tomber dans un fauteuil de cuir froid, ce fauteuil qui lui tendait les bras dans le couloir de la mort. Seuls les mots « quarante-huit heures » résonnaient. Comme une automate, elle se leva, se dirigea accompagnée par une infirmière en salle de réanimation. Inquiète, elle savait que derrière cette porte se trouvait la réalité, tandis que sa main indécise et moite poussait le battant, ses yeux apeurés entrevirent une pièce inerte, froide, dans laquelle son mari vivait artificiellement. Elle dévisagea cet homme plein d’entrain et d’ambition le matin même, et refusa de croire à cette caricature. Angoissée, elle détailla chaque partie de son corps comme une mère l’aurait fait pour son nouveau-né. Sans parler, ni pleurer, elle prit un siège, s’asseyant à ses côtés, comme une gardienne aux aguets, devant ces portes de l’occulte afin d’empêcher la mort de le pénétrer. Deux heures passèrent, le médecin fit une brève apparition pour vérifier l’état de Mike, Eva tourna légèrement la tête en sa direction en évitant son regard.
« Mais qu’est-ce qui s’est passé, docteur ?
— On ignore vraiment la cause, on sait juste qu’il conduisait trop vite, il a raté son virage et fait trois tonneaux. Il a pris un mauvais coup à la tête et depuis il est dans cet état.
— Est-ce que son état va s’améliorer ?
— C’est beaucoup trop tôt pour se prononcer, il faut attendre et prier. » Puis il partit.
Pour la première fois depuis l’accident, Eva se relâcha et pleura. Elle récita le « Notre Père » une bonne partie de l’après-midi, des « Je vous salue Marie », mais aucune réponse, elle demandait grâce à Dieu.
« Seigneur, je t’en supplie, ne l’emmène pas loin de moi, j’ai fait des erreurs dans ma vie, ne me le fais pas payer ainsi. Je n’ai jamais eu de famille, tu ne l’as pas mis sur mon chemin pour me le reprendre si vite ? Écoute cette prière. T’ai-je offensé ? Alors punis-moi, prends mon âme, pas la sienne, mon Père où qu’il soit, ramène-le-moi, je t’en supplie Seigneur ! »
Usée par ses prières vaines et ses pleurs, elle s’agenouilla à côté du lit et lui prit la main.
« Mike, mon amour, c’est moi Eva, réveille-toi, ouvre les yeux ! C’est facile, fais un effort ! Ouvre-les ! Regarde-moi s’il te plaît, bats-toi. Je sais que tu m’entends ! Tu ne vas pas laisser ces deux jours nous pourrir la vie, au nom de notre amour bats-toi, je t’aime Mike, ne laisse pas la mort t’envahir, tu entends ! Ne la laisse pas t’envahir ! »
Il ne réagissait pas. Elle se releva en colère.
« Mais ce n’est pas vrai ! Tu le fais exprès ! Je souffre et tu ne m’aides pas ! Tu ne fais aucun effort, je suis là, à pleurer, à me morfondre pour toi et toi tu dors ! Tu ne ressens donc plus rien pour moi, que tu me laisses dans le doute ? Ça suffit ! Ta blague est terminée, tu as voulu m’effrayer, c’est réussi, réveille-toi maintenant, tu entends ! »
Sanglotant comme une enfant devant son inertie, elle l’enlaça de ses bras langoureux, tandis que sa tête appuyée sur son torse écoutait désespérément les battements de son cœur. La porte s’ouvrit, une infirmière intriguée par le ton qu’elle avait employé s’avança.
« Vous devriez rentrer, madame Carrigan. »
Surprise et gênée à la fois par l’intrusion de celle-ci, elle relâcha son étreinte à contrecœur.
« Vous rigolez, je ne peux pas le laisser seul ici !
— Je suis là, il n’est pas seul.
— Pas seul ? Je ne connais même pas votre prénom !
— Kathrine.
— Kathrine, je dois rester là cette nuit, être à ses côtés quand il reprendra connaissance, je lui expliquerai ce qu’il s’est passé, le rassurerai, il sera confiant.
— Je vous comprends, madame, ne vous inquiétez pas, s’il se réveille nous vous avertirons immédiatement, mais pour l’instant, il faut rentrer et essayer de dormir, cette journée exécrable vous a fatiguée.
— Dormir ! Mais je ne pourrai jamais, je sais qu’il va revenir et qu’il aura besoin de moi cette nuit.
— Rien n’est sûr.
— Ne dites pas n’importe quoi ! Vous ne le connaissez pas, il va se réveiller ! »
Kathrine passa son bras autour de ses épaules, l’entraîna hors de la salle de réanimation.
« Venez, je vais vous donner un somnifère, ça vous aidera et vous serez plus reposée demain.
— Merci, mais ce n’est pas ce petit bonbon qui me fera oublier mon mari, même pour quelques secondes, je n’en veux pas. »
Résolue, elle lui serra la main afin de la saluer.
« Vous devriez…
— Je serai là de très bonne heure, à demain Kathrine. »
Eva tourna les talons puis partit. Une lueur jaunâtre éclairait sa fenêtre, elle était de retour. Empressée de la voir, je traversai la pelouse qui unissait nos maisons, m’introduisis dans cette bâtisse éteinte, où seule la cuisine vivait de sa lumière. Je m’approchai, Eva fumait une cigarette assise devant sa table et contemplait, les yeux vides, les murs blancs de celle-ci.
« Tout va bien Eva ?
— Bonsoir, Shonna.
— Tu n’es pas venue ce matin, je t’ai vue partir en taxi, qu’est-ce qu’il se passe ? »
Elle cacha son visage de ses mains en s’effondrant.
« Oh mon Dieu, Shonna ! Mike a eu un accident de voiture ce matin, il est dans le coma ! Le docteur se prononcera mieux demain.
— Mike ! Un accident ! Mais pourquoi tu n’es pas venue ? Je t’aurais conduite à l’hôpital, qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— Je ne sais pas, il conduisait vite, il a fait des tonneaux et maintenant il risque de mourir.
— Ne dis pas ça ! Il est battant, il aime la vie, son travail, il t’a toi et rien que pour ça il ne mourra pas ! »
Le cœur serré je m’approchai d’elle, essayant de la réconforter en lui caressant tendrement ses longs cheveux blonds qu’elle avait détachés.
« Tu te rends compte qu’hier à la même heure nous étions ensemble dans cette demeure, heureux, amoureux, tout ce que nous avions construit avait un sens, mon buffet, ma chambre, même cette table avait de l’importance. Aujourd’hui je m’aperçois plus que d’habitude qu’il est le vrai sens de ma vie, car tout ce qu’on a bâti, sans lui n’a plus de valeur, dis-moi qu’il ne va pas mourir !
...