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Publié par
Nombre de lectures
15
EAN13
9782812933899
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
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EAN13
9782812933899
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Français
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Michelle Lavarenne
Le Rossignol des Tuilières
Après des études aux Beaux-Arts à Paris, Michelle Lavarenne s’adonne à l’écriture avec passion. Avec sa plume ravissante, l’auteure de La belle vie d’Anna ressuscite quelques personnages émouvants, quelques scènes, quelques anecdotes vécues. Une invitation à découvrir l’histoire d’une famille simple et attachante.
Du même auteur
Aux éditions De Borée
La belle vie d’Anna
En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.
© De Borée , 2017
© Centre France Livres SAS, 2016
45, rue du Clos-Four - 63056 Clermont-Ferrand cedex 2
À Valentine et à Céline,
conteuses inlassables
dont les souvenirs de jeunesse
étaient pour moi aussi passionnants
que les contes de fées.
Et à la mémoire de Régine,
dernière des Aliphat.
I. Un dimanche de neige
La première neige de l’année était tombée pendant la nuit, alors que Marguerite accouchait de son cinquième enfant. Marianne « la petite meunière », sa mère, et une voisine l’entouraient de leurs soins, tellement habituées l’une et l’autre à ce « mal d’enfant » dont on sourit après dit-on !
Mais entre deux contractions Marguerite se souvenait d’une autre naissance, il y a quatre ans maintenant, celle de Louise deux mois avant terme. Quand on la lui avait présentée, elle avait pleuré devant ce pauvre petit singe velu, qui n’avait même pas la force de pousser le premier cri. Et dire que c’était une fille, enfin, après trois garçons, une fille qui aurait été une aide, une complice qu’elle aurait cajolée, habillée joliment de ses mains habiles. Et voilà qu’elle avait fait un petit monstre mort-né.
La voisine, bonne chrétienne, l’avait tant secouée que le cri était venu, tout de suite suivi par les gestes du baptême, de peur que la petite vie ne s’éteigne bien vite et retourne aux limbes.
– Comment l’appelez-vous celle-là ?
– Louise-Yve, avait répondu Marguerite perdue dans sa déception.
Alors la brave femme avait cueilli de l’eau dans la cuvette avec sa main et la faisant couler sur le front de l’enfant, avait prononcé les paroles sacramentelles :
« Louise-Yve, je te baptise, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, Amen », tandis que Marguerite et sa mère se signaient.
La tante Suzanne, qu’on a toujours appelée la mère Suzie, était venue le lendemain chercher l’enfant pour l’emmener chez elle et la nourrir, comme convenu. Elle n’avait pas encore sevré Philomène, sa dernière fille d’un an et demi, croyant avoir encore deux mois devant elle. Enfin, on s’arrangeait puisqu’il le fallait.
Elle a pris dans ses bras le petit être chétif qui gémissait doucement.
– Ce n’est pas un enfant… c’est poilu et ça miaule. Si ce n’était pas la petite de mon neveu que j’aime tant, je craindrais de lui donner mon tétou.
Elle a eu bien du mal, la brave mère Suzie, avec cette nourrissonne souffreteuse qui ne grossit pas comme les autres petits qu’elle a nourris. Et avec cela, pleine de croûtes, de boutons suppurants, la scrofulose sans doute. Il faut dire que Pierre, le père, avait contracté la variole l’année d’avant, en 1870, lors d’une forte épidémie et qu’il avait mis du temps à s’en remettre. L’enfant conçu peu après portait donc les séquelles de la maladie.
Que de pèlerinages Marguerite a-t-elle fait à Arliquet et plus loin encore, sa petite dans les bras, entraînée par sa mère, pour implorer la guérison, puis désespérée, pour demander à Dieu de rappeler à lui cette enfant disgraciée… Oui, elle avait été jusqu’à demander la mort de sa fille afin qu’elle rejoigne les anges là-haut. Et de l’un de ses pèlerinages, elle avait rapporté un coup de froid dont elle ne s’était pas vraiment guérie. Puis le bon air des champs, le lait abondant de la nourrice avaient peu à peu transformé le bébé maladif en fillette maigrelette mais saine, lorsque Marguerite l’a reprise au bout de deux ans, une fois sevrée.
Les douleurs se rapprochent ; Marguerite mord le drap pour s’empêcher de crier, ce qui réveillerait les enfants dans la chambre à coté, tandis que Pierre se morfond dans la cuisine en attisant le feu sous la marmite d’eau dont les femmes vont avoir besoin tout à l’heure… Car c’est lui, la cause de cette souffrance, pense-t-il, et pour son plaisir égoïste d’homme ! Il faudra qu’il se maîtrise dorénavant malgré le corps si tentant de sa femme. Ce sera difficile… mais cinq petits à nourrir, c’est déjà beaucoup, même avec son salaire et celui de Marguerite. Car ils veulent leur donner de l’instruction, qu’ils ne soient pas de pauvres illettrés comme leurs parents, bien que lui sache lire péniblement et écrire les mots comme il les entend, sans orthographe.
– Cette fois le petit est gros, c’est pour ça qu’il met du temps à passer, dit la voisine, mais il vient bien.
Comme le jour se lève, l’enfant est là : une belle fille dodue, qui ne fait pas prier pour pousser le cri qui lui ouvre la vie. Marguerite s’émerveille : c’est le plus beau de ses petits.
Pendant que la voisine s’occupe à la délivrer, la mère Marianne a lavé et emmailloté le poupon bien chaudement. Puis, avec la voisine, elles ont refait le lit de propre et passé la bassinoire : Marguerite peut alors se détendre, goûter un parfait bien-être, après la grosse épreuve de l’enfantement.
Enfin, elles autorisent Pierre à entrer dans la chambre où il peut contempler sa seconde fille après avoir tendrement embrassé Marguerite ; on sent que ces deux-là s’aiment vraiment.
Alors, il pousse les volets sur la campagne enneigée tandis qu’un pâle soleil se lève. Il n’est pas besoin d’être poète pour apprécier la beauté ; Pierre est heureux devant ce moelleux édredon qui couvre les prés et les labours, efface les chemins, ourle les branches noires des arbres et va bientôt étinceler au soleil. Pierre est heureux, une belle petite fille est venue avec la première neige… et de plus c’est aujourd’hui dimanche.
II. Une famille heureuse
Dans la chambre à coté, les enfants réveillés depuis longtemps n’osent pas sortir. Les garçons savent que la mère a fait un nouveau bébé, mais Louise s’étonne du mystère qui enveloppe cette matinée, avec des bruits de voix qu’elle ne reconnaît pas alors que ceux familiers de la route sont étouffés par l’épaisse couche de neige qu’elle découvre quand Baptiste ouvre à son tour les volets. Elle a maintenant quatre ans et quoique fluette, elle n’inspire plus la pitié avec son visage fin, ses yeux d’un bleu perçant que font ressortir des cheveux bruns mousseux. Elle est tout heureuse d’avoir pu dormir avec Joseph, son frère préféré, alors que son petit lit est dans la chambre des parents où il semble se passer des choses inhabituelles.
Enfin, Pierre vient chercher ses enfants pour leur présenter la nouvelle petite sœur et les laisser embrasser leur mère. Marguerite semble bien fatiguée mais leur sourit tendrement.
François l’aîné, du haut de ses treize ans, a déjà des airs protecteurs devant le nouveau-né tandis que Baptiste, le boute-en-train de la famille, s’écrit en riant : « J’espère que celle-ci sera moins javigne 1 que la Louise », ce qui lui vaut naturellement des coups de pied dans les tibias de cette Louise qui ne semble pas apprécier du tout de voir sa place de petite dernière prise par le nouveau bébé au point de refuser d’embrasser sa mère. Joseph, le tendre, la prend dans ses bras et l’emmène dehors jouer avec cette chose blanche qu’elle avait oubliée depuis l’hiver dernier, tandis que s’engage une partie de boules de neige entre les deux aînés.
La v