151
pages
Français
Ebooks
2012
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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Gariépy, Roger, 1953-
La ville oubliée
ISBN 978-2-89 455-511-8
I. Titre.
PS8613. A755V54 2012 C843’.6 C2012-940 086-6
PS9613. A755V54 2012
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) ainsi que celle de la SODEC pour nos activités d’édition. Nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de publication.
Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC
© Guy Saint-Jean Éditeur inc. 2012
Conception graphique : Christiane Séguin
Révision : Nathalie Viens
Illustration de la page couverture : © iStockphoto.com / Peter Zelei.
Dépôt légal — Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Bibliothèque et Archives Canada, 2012
ISBN : 978-2-89 455-511-8
ISBN ePub : 978-2-89 455-512-5
ISBN PDF : 978-2-89 455-513-2
Distribution et diffusion
Amérique : Prologue
France : De Borée/Distribution du Nouveau Monde (pour la littérature)
Belgique : La Caravelle S.A.
Suisse : Transat S.A.
Tous droits de traduction et d’adaptation réservés. Toute reproduction d’un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie ou microfilm, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.
Guy Saint-Jean Éditeur inc.
3440, boul. Industriel, Laval (Québec) Canada. H7L 4R9 • 450 663-1777
Courriel : info@saint-jeanediteur.com • Web : www.saint-jeanediteur.com
Guy Saint-Jean Éditeur France
30-32, rue de Lappe, 75 011, Paris, France. (1) 50 76 40 28 • Courriel : gsj.editeur@free.fr
À Johanne, Hugo et Janie.
Vos encouragements et votre tranquille confiance
m’ont permis d’achever cet ouvrage.
« Ne laissez jamais tomber vos rêves.
Ce sont eux qui façonnent l’espoir. »
Lesser Slave Lake
Au lever de ce jour d’août 1909, un épais brouillard chargé d’humidité et de fraîcheur, contrastant avec les journées trop chaudesdes semaines précédentes, surprit le capitaine Coolidge sur lepont du Victoria . Ancré au milieu de la rivière Athabaska, aunord d’Edmonton, Coolidge dut se rendre à l’évidence : il devraitpatienter avant que le bateau à aubes de la Northern TransportationCompany puisse reprendre son cours. Les passagers à son bordprovenaient pour la plupart de l’est du Canada. Des gens simples,sans histoires, alléchés par les nouvelles terres et la promesse d’unavenir meilleur, comme sans doute l’avaient été leurs ancêtresplusieurs générations auparavant.
Leur périple avait d’abord vu s’écouler plusieurs jours d’unelongue et harassante randonnée en train jusqu’à Winnipeg, aucentre du pays. Malgré une nuit passée à l’hôtel, aucun d’eux neréussit vraiment à chasser la fatigue accumulée. Elle s’accrochaitfarouchement à chaque voyageur et s’imprégnait dans les traitsde leurs visages rompus. Ils s’étaient tout de même entassés debonne grâce avec les nouveaux passagers, plus dispos, dans leswagons du train qui les avait emmenés brinquebalant jusqu’àEdmonton, beaucoup plus à l’ouest. De là, ils avaient poursuivileur route en voiture à cheval jusqu’à Athabaska Landing. À cetendroit, soulagés de quitter la route cahoteuse, ils s’étaient enfin embarqués sur le Victoria à destination de Lesser Slave Lake, unepetite ville isolée au nord de cette nouvelle province canadienne que l’on avait nommée Alberta.
Territoire autrefois habité exclusivement par des tribus indiennes, puis connu par la suite comme lieu de passage des chercheurs d’or chevauchant vers le Yukon, Lesser Slave Lake étaitdevenue une ville en plein essor. L’évêque missionnaire de l’endroit, M gr Grouard, attirait à lui seul bon nombre de Canadiensfrançais venus grossir les rangs de cette population à la croissance fulgurante.
Malgré l’heure matinale, les voyageurs fourbus s’éveillèrentles uns après les autres à bord du Victoria , sans doute tirés de leursommeil par le tintamarre du cuistot brassant sans ménagementses casseroles. Le premier passager à paraître sur le pont semblaitd’humeur maussade. Ses cheveux grisonnants en bataille luipoussaient encore au milieu de la tête jusqu’à l’arrière du crâne.Une barbe de quelques jours et des vêtements débraillés n’arrangeaient en rien sa mine rébarbative. Il pivota lentement sur lui-même en plissant davantage ses yeux ridés, cherchant à percer lebrouillard opaque qui s’était abattu sur la rivière. Son regards’arrêta ensuite sur le capitaine immobile. Il glissa les mains dansses poches et s’en approcha en se traînant les pieds.
— Est-ce qu’on va rester coincés icitte encore longtemps,gériboire ?
— C’est pas moi qui peux décider de ce que fera le brouillard,Charron. Mais tant qu’on verra pas à vingt pieds en avant dubateau, on bouge pas de là.
Le capitaine connaissait fort bien Charron pour l’avoir maintesfois pris à son bord. Celui-ci renâcla et s’éclaircit la gorge. Il sortitune main de ses poches et pointa son index encrassé sous le nez deCoolidge.
— Écoute ben ! vociféra-t-il. Moi, j’ai autre chose à faire que de niaiser icitte à attendre que le beau capitaine soit prêt à leverl’ancre. Ça fait qu’arrange-toi donc pour faire tourner tes maudites roues à aubes, qu’on puisse se remettre à avancer un peu !
Tournant aussitôt les talons devant le capitaine médusé, il sedirigea de son pas traînant vers la cuisine. Il lança au passage uncrachat dans la rivière et s’engouffra à l’intérieur par la portequ’il avait laissée entrebâillée.
D’autres voyageurs, alertés par ses éclats de voix, se présentèrent à leur tour sur le pont du bateau. Étonnés devant le paysagefantomatique qui s’offrait à eux, ils saluèrent le capitaine Coolidgeavec un mélange de respect et de consternation. Gardant soncalme, Coolidge se contentait de hocher la tête sur laquelle s’écrasait sa casquette de marin défraîchie. Il s’alluma une pipe dont lesvolutes de fumée se confondirent rapidement avec les nuées brumeuses qui flottaient dans l’air et enveloppaient son bateau.
Il y avait, parmi ces personnes venues sur le pont, la familleHarper. Les deux plus jeunes enfants s’accrochaient timidementà la longue robe grise de leur mère. Leur sœur aînée, Laura, avaitenfilé une robe marine à large col blanc expressément pour levoyage en bateau. Elle toussotait et reniflait encore derrière sesparents, comme elle l’avait fait depuis le début du voyage. LesHarper étaient des gens modestes du nord de l’Ontario. Ilsétaient partis dans l’espoir d’échapper à la misère des travailleurssaisonniers. Monsieur Harper souhaitait trouver dans l’Ouestun lopin de terre où ils pourraient faire l’élevage d’animaux deboucherie. C’est du moins ce que les racoleurs leur avaient promispour les attirer si loin.
Tout près d’eux se tenaient, guindés, monsieur et madameDonnelly. Ceux-là, habillés en noir de la tête aux pieds, étaientde prospères commerçants de Lesser Slave Lake rentrant à lamaison. Ils avaient séjourné trois semaines à Kingston, appelésau chevet de la sœur mourante de madame Donnelly. Cette sœur mal aimée avait eu l’impudence de se montrer plus coriace queprévu, avant de s’éteindre enfin dans un excès de délire. GordonDonnelly était un homme aux principes autoritaires pour qui ladignité des gens devait prévaloir jusqu’à leur dernier souffle. Ilavait toutefois eu du mal à cacher sa satisfaction lorsque sa femme,le visage à demi enfoui dans un mouchoir brodé, avait mis lamain sur une somme rondelette de l’héritage légué par la défunte.
Plus loin, un jeune couple aux cheveux foncés et aux formestout en rondeurs s’amena, sourire aux lèvres, en tenant un petitgarçon de deux ans par la main. Honoré Corbeil avait été contre-maître en construction dans une région agricole du Québec. Enmanque de travail, il avait gratté les fonds de tiroir pour se lancerdans cette aventure vers l’Ouest. Téméraire et orgueilleux, ilrêvait de faire fortune et d’étaler son succès aux yeux de tous.Antoinette, sa femme, l’avait suivi à contrecœur. Celle qui affichait habituellement une attitude de meneuse s’était laissé séduireen ces temps difficiles par la perspective d’un avenir meilleurpour ses enfants et, bien entendu, par l’enthousiasme débordantde son mari. « Qui prend mari prend pays