L’épopée peule du Fuuta Jaloo De l’éloge à l’amplification rhétorique , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2011

EAN13

9782811104726

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

2 Mo

Alpha Ousmane Barry
L’épopée peule du Fuuta Jaloo De l’éloge à l’amplification rhétorique
KARTHALA
L’ÉPOPÉE PEULE DU FUUTA JALOO
Publié avec le concours du Centre national du Livre
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Couverture : Femme peule du Fuuta Jaloo. Fonds Fortier, Dakar.
Éditions KARTHALA, 2011 ISBN : 978-2-8111-0472-6
Alpha Ousmane Barry
L’épopée peule du Fuuta Jaloo
De l’éloge à l’amplification rhétorique
Éditions KARTHALA 22-24, bdArago 75013 Paris
DU MÊME AUTEUR
Pouvoir du discours et discours du pouvoirLart oratoire chez Sékou Touré de 1958 à 1984, Paris, L’Harmattan, 2002. Parole futée, peuple dupéDiscours et révolution chez Sékou Touré, Paris, L’Harmattan, 2003.
Présentation générale
L’étude de l’épopée peule du Fuuta Jaloo que nous présentons dans cet ouvrage commence par le recueil des textes oraux. Si cetteétape est cru-ciale, plus importante est la phase d’établissement philologique du corpus qui débouche sur la traduction et se clôt par l’analyse rhétorique pro-prement dite. La problématique de notre réflexion est de savoir comment la communautépeuleévolue dans le temps tout en perpétuant selon diverses modalités d’expression son patrimoine culturel. Cette probléma-tique de la mémoire qui se pose dans les sociétés africaines en général, se présente différemment ici, car la fixation de la mémoire collective se fait aussi bien oralement que parécrit au Fuuta Jaloo. Il est en effetétabli que les Peuls connaissent l’écriture depuis plusieurs siècles. L’existence de textes en vers rimés, de traités de morale et de théologie est attestée dans tous les États théocratiques du Fuuta Jaloo, du Fuuta Tooro, du Macina, et du Sokoto. L’oralitécomme technique de conservation et de transmission de la mémoire collective garde sa vitalitéen dépit du modernisme et continue de se perpétuer parallèlement à la civilisation de l’écriture et aujourd’hui par la bande sonore et audiovisuelle. Gardant à l’esprit cette complémentaritéentre différents modes d’expression, nous allons donc nous pencher sur la relation entre le texte épique peul, la mémoire collective et la parole du griot en essayant de ré: Comment dpondre à quelques questions éfinit-on l’épopéQuellese ? sont les caractéristiques de l’épopé? Qui sont lese peule du Fuuta Jaloo producteurs de ces textesépiques ? Quelle est la structure du texteépique peul ? Comment l’orateurépique construit-il son image et celle des personnages de son réQuelles sont les formes d’cit ? éloges et comment fonctionne la louange dans l’épopée peule du Fuuta Jaloo ? Avant de répondre à ces questions, il est indispensable de parler du recueil et de la transcription de ces documents oraux ainsi que de l’orateur épique. Les textesépiques qui constituent nos objets de recherche sont des productions orales récitées par des griots contemporains dans différentes
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L’ÉPOPÉE PEULE DUFUUTAJALOO
manifestations qui ponctuent la vie quotidienne de la population peule où qu’elle se trouve. Comme nous allons le montrer, les récits qui font l’objet de notreétude sonténoncés dans des contextes bien déterminés. Les compositeurs animent une soirée dans le cadre d’une invitation par des notables de la place. L’auditoire se résume à la communautépeule réunie pour la circonstance dans le but d’écouter la mémoire collective de la bouche du griot. Les objectifs poursuivis diffèrent en fonction de la catégorie d’épopée. Le but recherché étant la conservation d’une trace sonore de la soirée culturelle pour la postérité, la plupart des enregis-trements sont réalisés par des curieux dans les conditions naturelles d’énonciation du récit, le plus souvent à l’insu même de l’orateurépique. Nous avons donc achetésur le marchédes cassettes audio déjà enregistrés par des amateurs. 1 Derive (1987) insiste, par exemple, sur la nécessitéde recueillir les textes oraux dans des conditions naturelles, c’est-à-dire non provoquées pour les besoins de l’enquête. L’aut eur avance deux raisons : cette disposition permet d’observer la performance d’un texte pris isolément et d’analyser la succession de textes dans l’unitéspécifique de la séance. Dans notre cas, au moment de l’enregistrement du récit, rien ne présageait la réalisation d’une recherche sur les traces sonores de ce patrimoine verbal. En effet, la capture sonore des différentes soirées de ritualisation collective avait pour but de garder une trace vivante de cesévénements pour la postérité. Mais très vite la réception publique de ces récits crée de besoins nouveaux et d’autres enjeux qui provoquent la reproduction et la commercialisation de cassettes audio sur les marchés populaires d’Afrique occidentale. Car l’écoute de ces récits déclenche un grand engouement de la part de la population peule. Ainsi, la commercialisation de cassettes audio de récitsépiques peuls est la réponse à une demande de plus en plus grande qui revêt ainsi un caractère lucratif. Le premier récit de notre corpus est l’épopée de Sayku Umaru Tall déclamée en 1979, tandis que le dernier, le cantique religieux de Bunduuji date de 1995. Farba Teela est le compositeur et le narrateur de l’épopée de Sayku Umaru Tall, qu’il a déclamée en 1979. La récitation s’étant faite sans répondant, le griot n’a pour seul compagnon que son luth, instrument de musique avec lequel sa voix ent re en résonance. Cetteépopée est récitée pour la première fois à Monrovia, capitale du Liberia. Comme on le verra d’ailleurs pour toutes les autresépopées, c’est à la demande d’un Guinéen distinguérésidant dans ce pays que la cérémonie est organisée. En effet, la sollicitation, qui prend la forme d’une invitation du griot, fait
1. Derive, Jean,Le Fonctionnement sociologique de la littérature orale. L’exemple des Dioula de Kong (Côte d’Ivoire), Paris, Institut d’Ethnologie.
PRÉSENTATION GÉNÉRALE
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partie des habitudes courantes chez les Peuls. Elle acquiert ainsi une portée publique et sociale par le fait que toute la collectivitéen général se mobilise et prend part à la cérémonie rituelle, attestant ainsi de l’intérêt et de l’attention qu’elle porte à la mémoire commune. Il est difficile de parler d’auteur dans le cas de ces œuvres orales, d’autant plus que ces récits appris par cœur se présentent en plusieurs versions. Ils circulent dans toute l’Afrique occidentale sans qu’on connaisse ni le premier auteur, ni la première version. Il n’est donc pas exagéréde soutenir l’idée que nous attribuons à Farba Teela une des versions du récit de la vie de Sayku Umaru Tall et non une composition 2 originale référable à un auteur bien déterminé. C’est là qu’apparaissent la place et le rôle de la mémoire dans la composition et la transmission des œuvres littéraires par voie essentiellement orale. Nous insistons ainsi sur le fait que la performance du patrimoine verbal propre aux civilisations qui accordent une part importante à la communication orale est loin d’être figée. En se soumettant à la variabilité, la performance s’inscrit dans la dyna-mique d’une perpétuelleévolution. Nous considérons ainsi que la varia-bilitépeut aussi bien affecter l’organisation du texte – figuration et cadre fictionnel – que la scénographie et/ou les configurations discursives résultant de la circulation des textes au fil desépoques et des cultures.
La variabilité[nous dit, Ursula l’oralité. Elle découle directement Ses manifestations sont multiples.
Baumgardt (2008 : de la performance
81)] est inhérente à et de l’énonciation.
Farba Iburahiima Njaala est l’un des griots à qui nous attribuons la paternitéde la version de l’épopée de Bokar Biro, celle de l’alfaa Yaaya et enfin celle de la bataille de Turuban qui met aux prises l’armée du Fuuta Jaloo sous la direction de l’almaami Umaru et celle de Janke Waali, roi du Ngaabu. Pour les deux premiers récits, le griot est un orateur sans compagnon. Quant à la récitation de l’épopée de l’almaami Umaru, la prestation orale de Farba Njaala – orateurépique – est ponctuée par la voix de Farba Abbaasi. Ces trois œuvres orales ontétéproduites dans les années quatre-vingt en Sierra Leone, pays limitrophe de la Guinée, où
2.
C’est ce qu’on désigne habituellement parperformance, terme employépar les Anglo-Saxons pour désigner l’ensemble des paramètres composant le procès de réalisation d’unénoncéexpriméoralement.Àpartir des travaux de Paul Zumthor, cette notion est utilisée dans le sens d’une production verbale oraleénoncée dans un contexte ritualisé. Celle-ciétant une version de touteénonciation du même type énoncée dans un contexte antérieur, ou touteénonciation verbale potentielle qui seraénoncée postérieurement.
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L’ÉPOPÉE PEULE DUFUUTAJALOO
réside une forte communautépeule qui s’est imposée dans les affaires, notamment le commerce du diamant et de l’or. Cette communautétrouve un intérêt dans l’organisation de cérémonies rituelles au cours desquelles des griots – sollicités pour la circonstance – racontent l’histoire du Fuuta Jaloo. C’est l’occasion pour ces hommes nantis de ressouder les liens communautaires et une identitépeule fragmentée par les vicissitudes de l’histoire guinéenne, mais aussi de se faire connaître et reconnaître. Nous devons donc nous attendre à ce que ces récits portent, d’une certaine manière, des indices se rapportant à la pratique professionnelle de cette diaspora peule vivant en Sierra Leone. En effet, comme nous allons le montrer tout au long de nos analyses, l’orateurépique parsème 3 constamment son récit de parérmies faisant éférence à l’or et aux métaux précieux. Le retour récurrent de métaphores se rapportant au commerce des métaux répond logiquement à une dimension laudative marquée à l’éteurgard de ces hommes d’affaires de la part de l’ora épique. Ainsi, l’orateurépique adapte toujours son discours à son public. Àla différence desépopées précédentes qui sont inscrites dans des contextes historiques, sociaux, culturels et politiques bien déterminés, l’épopée de Sammba Dannaa est un récit de chasse qui n’a ni repère spatial, ni repère temporel. C’est une fable animalière – une chantefable 4 selon Eno Belinga (1965) – qui se propose de dénoncer les vices en enseignant les vertus pour le bien-être de la communautépeule. Elle est composée et chantée par un ensemble instrumental traditionnel dirigépar Kariimu, artiste néà Sumbalako dans la préfecture de Mamu (centre de la Guinée). L’artiste et son groupe sont invités par Mme Jenabu Jallo qui tient un restaurant à Nzérékoré(sud de la Guinée). La cérémonie orga-nisée en 1988 dans cette ville de la région forestière de la Guinée répond logiquement à un enjeu publicitaire pou r le restaurant. L’enregistrement est réalisédans les conditions naturelles de production et de réception du récit. Si le récit de Sammba Dannaa est un exemple d’épopée corporative, les cantiques religieux de Bunduuji, d’oùnous avons extrait le récit du khalife Idiriisa, est uneépopée religieuse selon la typologie de Kesteloot et Dieng (1997) sur laquelle nous reviendrons dans le chapitre deux de cet ouvrage. Tout comme le récit de Sammba Dannaa, l’épopée du khalife Idiriisa est déconnectée de tout contexte temporel et spatial déterminé. C’est un récit satirique religieux dont la charge performative et argumen-tative repose sur l’exemplum. Tout porte à penser, d’ailleurs, comme nous allons le souligner tout au long de notre analyse rhétorique, que cette
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Notion qui sera amplement définie dans le chapitre 2. Eno Belinga,Littérature et musique populaire en Afrique noire, Paris, Cujas, 1965.
PRÉSENTATION GÉNÉRALE
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épopée entretient un lien génétique ou parodique avec les récits que l’on retrouve dans le Coran et la Bible. Cette œuvre littéraire, qui date de 1995, est postérieure à toutes les autresépopées qui composent notre corpus. L’enregistrement réalisédans la cour d’une mosquée à l’insu de l’orateur, respecte ainsi les conditions naturelles de production et de réception du récit. L’énonciation du récit, qui s’inscrit dans un contexte de communi-cation directe impliquant une intentionnalité– le projet de parole – est une scénographie de la poésie religieuse peule :waaju(sermon). Sa visée pragmatique et/ou moralisante se conjugue au genre de la prière et de l’invocation qui relèvent du sacré. Après cette brève présentation des conditions d’énonciation des récits qui font l’objet de notre analyse rhétorique, nous aborderons la délicate question de la transcription du corpus. En nous appuyant sur nos travaux antérieurs, notre connaissance de la langue et de la culture peules, et enfin de nos expériences en ce domaine, nous avons transcrit les textes en respectant les normes en matière d’établissement de corpus oraux. Nous avons à cet effet utilisél’alphabet graphique harmonisédes différentes variantes dialectales de la langue peule. Certains complexes articulatoires pouvant poser des difficultés de lecture aux non-initiés à la phonologie du pular, nous les avons adaptés à l’alphabet phonétique international.
5 [Comme le fait remarquer Paulette Roulon-Doko (2008 : 279)] , lorsque la connaissance de la langue, tant dans sa pratique que dans son analyse, est bonne, la transcription est bien plus rapide et on peut envisager des enregistrements qu’on ne transcrira pas systématiquement sur place, une fois reconnu qu’il s’agit d’une variante qu’on est à même de retrans-crire plus tard.
Il convient d’apporter quelques précisions sur les propriétés phono-logiques de la langue des récitsépiques du Fuuta Jaloo. En effet, lepular, variante de la langue peule parlée au Fuuta Jaloo (Guinée), ne connaît que trois degrés d’aperture vocalique, mais il existe une opposition de quantité (brève / longue). La longueur est représentée par un redoublement de la voyelle : aa – ii – ee – uu – oo. Ces voyelles longues s’ opposent de façon pertinente aux brèves correspondantes : a – i – e – u – o. Par opposition à son absence, le redoublement consonantique assume aussi enpularune fonction phonologique distinctive, comme dans l’exemple suivant :adugol«transporter » /addugol«apporter ».
5.
Roulon-Doko, Paulette, Collecte, enquête, transcription, p. 273-285,inBaumgardt U. et Derive J. (dir.),Littératures orales africaines. Perspectives théoriques et métho-dologiques, Paris, Karthala, 2008.
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