339
pages
Français
Ebooks
2013
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2013
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Publié par
Date de parution
29 avril 2013
Nombre de lectures
43
EAN13
9782894358924
Langue
Français
Publié par
Date de parution
29 avril 2013
Nombre de lectures
43
EAN13
9782894358924
Langue
Français
LINDA SAYEG
Conception de la couverture et infographie : Marie-Ève Boisvert, Éditions Michel Quintin
Image de la couverture : David et Myrtille / Arcangel Images
Conversion en format ePub : Studio C1C4
La publication de cet ouvrage a été réalisée grâce au soutien financier du Conseil des Arts du Canada et de la SODEC.
De plus, les Éditions Michel Quintin reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition.
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC
Tous droits de traduction et d’adaptation réservés pour tous les pays. Toute reproduction d’un extrait quelconque de ce livre, par procédé mécanique ou électronique, y compris la microreproduction, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.
ISBN 978-2-89435-388-2 (version imprimée)
ISBN 978-2-89435-892-4 (version ePub)
© Copyright 2013
Éditions Michel Quintin
4770, rue Foster, Waterloo (Québec)
Canada J0E 2N0
Tél. : 450 539-3774
Téléc. : 450 539-4905
editionsmichelquintin.ca
À ma grand-mère Marie qui me manque tous les jours Et à mes deux amours, Julia et Jérôme Un grand merci à ma maman, à monsieur Quintin qui a réalisé un rêve et à son équipe qui a été géniale avec moi
PROLOGUE
La reine se leva et se dirigea vers le pied de son lit.
— Approche, Clémence.
Je la suivis, intriguée. Elle se mit à genoux et déplaça un bout de plancher bien découpé en une sorte de petite rondelle. Elle approcha son visage du sol et colla son œil gauche contre le trou. Se relevant, l’air satisfait, elle me fit signe de regarder à mon tour. Je me baissai et posai mon menton sur le plancher. Le trou donnait sur la pièce du dessous.
— Mais…
Mon incompréhension première se transforma en surprise au fur et à mesure que je compris ce qui se passait. La chambre de Catherine de Médicis était placée au-dessus de la chambre du roi. Cela, je le savais déjà. Mais ce que je voyais par le trou me troubla profondément. Il donnait directement sur le lit du roi qui s’y trouvait précisément, complètement nu. Diane de Poitiers était à califourchon sur le bas de son ventre, la tête renversée en arrière. Le haut de son corps restait couvert par une chemise blanche qui lui cachait la poitrine. Son bassin avançait puis reculait doucement d’avant en arrière. Elle poussait de drôles de gémissements, mais je voyais bien qu’elle ne souffrait pas. Je voyais pour la première fois un couple ainsi uni et je me sentis toute drôle. Et quel couple! Le roi et sa maîtresse!
Je me redressai. Bizarrement, je n’éprouvais pas de honte à avoir assisté quelques secondes à cette scène. Je me disais que la reine devait les observer régulièrement. Elle était ma souveraine. Alors, si elle le faisait…
« Que veut-elle me dire en me laissant voir cela? » Je la regardai droit dans les yeux. Émue, j’imaginais ce qu’elle devait ressentir en voyant celui qu’elle aimait, nu dans les bras de celle qu’elle haïssait. Pourquoi s’imposait-elle ce supplice?
— Ils s’accouplent, Clémence, lâcha-t-elle pour combler notre silence.
Elle boucha le trou et retourna s’asseoir. Je la suivis et me rassis à ses pieds.
— Imagine! J’avais ton âge lorsque je suis arrivée à la cour de France pour épouser le fils du roi, le duc d’Orléans.
J’ouvris grand mes oreilles, touchée et fière d’être la confidente de la reine de France.
— Déjà, il me rejoignait peu souvent le soir. Mais, le comble, vois-tu, c’est que c’était cette putain qui le poussait à venir me rejoindre. Nous n’arrivions pas à avoir d’enfant. Diane est devenue notre conseillère. Je devais composer avec elle, faire semblant d’être son alliée. Elle disait au roi quelle position adopter avec moi, la position la plus adéquate pour que je tombe enceinte, selon elle. Dix ans à attendre, dix ans sans enfants où j’ai tout, absolument tout essayé, y compris la magie. Je ne me suis pas arrêtée à la seule science de l’astrologie, Clémence. J’étais désespérée. Mais ce désespoir m’a rendue patiente. Il a même fait ma force. C’est par ce trou que j’ai fait percer que je suis parfois leurs conversations. J’ai vécu les pires humiliations, mais, si je ne voulais pas être répudiée, je devais m’allier à elle. Quant à cette courtisane, la seule raison qui la poussait à encourager Henri à me garder alors que tous me croyaient stérile, c’était son âge. Elle avait peur qu’il se marie à une femme plus jeune et qu’il en tombe amoureux. Toute la cour parlait de répudiation, le conseil royal se montrait favorable au divorce pour assurer l’avenir du royaume, les Guise, fidèles à leurs ambitions, avaient proposé l’une de leurs sœurs pour me remplacer. La peur de se désavouer elle-même tenaillait aussi la duchesse, car il ne faut pas oublier qu’elle et son mari avaient souhaité mon mariage avec le roi. C’était au manoir d’Anet, chez Louis de Brezé 1 , grand sénéchal de Normandie, que le contrat de mariage avait été signé. Elle est talonnée par la crainte de perdre le pouvoir qu’elle détient sur le roi et qui lui permet d’en tirer un maximum, que ce soit en avantages pécuniaires, car elle est vénale, ou en pouvoir sur la cour. L’appréhension de perdre tout cela l’empêchait de dormir, tout comme moi. Je me suis donc alliée à la personne que je hais le plus au monde. Savais-tu, Clémence, que nous avons un lien de parenté, Diane et moi?
Catherine de Médicis partit d’un rire qui sonnait faux.
— Nos grands-parents respectifs étaient frère et sœur… Je lis l’étonnement dans tes yeux. C’est la putain et son époux qui sont arrivés à convaincre François I er de marier l’un de ses fils à moi. De quoi aurait-elle eu l’air, si le destin avait prouvé qu’elle s’était trompée? Tout est question d’intérêt personnel dans cette cour de vautours. Et je suis assez laide, petite et grosse pour ne pas constituer une trop grande concurrence. C’est l’unique raison de son soutien. As-tu noté, Clémence? Bien sûr, tu as remarqué toutes les pièces qui leur sont accordées, mais aussi, à l’extérieur, sur chaque façade, leurs initiales entrelacées, H et D. Et je suis la reine. Une reine de pacotille! C’est cette garce qui dirige tout. Elle passera plus vite à la postérité que moi, avec ses initiales mêlées à celles du roi. Elle est sa reine, moi, pas.
Elle se tut quelques secondes, le regard perdu dans le vide. Puis elle me fixa :
— Sais-tu que tu peux être l’une de mes meilleures alliées en devenant une courtisane?
C’est là que tout a commencé. Non, en réalité, c’est quelques mois plus tôt que doit s’amorcer mon récit.
Mon nom est Clémence et je suis née fille du marquis de Lonjais. Difficile de se présenter en quelques mots quand on a le sentiment de ne pas avoir toujours été une seule et même personne. Je pourrais me présenter comme une femme qui a vécu dans les plus beaux endroits de France, une femme qui a eu une vie étonnante en suivant la cour du roi de France de Blois à Fontainebleau, du Louvre à Saint-Germain-en-Laye, de Chambord à Cheverny. Mais cela n’en dit pas beaucoup sur ma personne.
Mon existence n’a pas toujours été simple, au milieu d’événements dramatiques pour notre royaume. J’étais toute jeune quand les premières guerres de religion ont éclaté. Les personnes de mon âge encore en vie disent souvent qu’elles auraient préféré vivre à une autre époque et se plaignent d’avoir connu un siècle aussi sombre. Elles envient la belle époque du règne d’Henri II. Déjà, quand j’avais quinze ans, les anciens regrettaient les fastes de la cour de France du temps de leur verdeur, c’est-à-dire à l’époque du règne du grand François I er . À y réfléchir, les ravages qu’ont causés les guerres de religion ont sublimé les règnes précédents par la comparaison qu’on en fait.
* * *
Et je suis là, ce soir, avec une irrépressible envie d’écrire. Mon grand âge, sans doute! Je me demande pourquoi je ne l’ai pas fait avant. Me voilà revivant ma propre vie. C’é