141
pages
Français
Ebooks
2018
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Publié par
Date de parution
12 décembre 2018
Nombre de lectures
0
EAN13
9782924967034
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
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12 décembre 2018
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9782924967034
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L’Atelier d’histoire des Débardeurs du port de Montréal :
Normand Ferguson, Jean-Pierre Collin, Denis Bourassa Concept, rédaction : Jean Paul Thomin Graphisme : Éric Morin Image de la page couverture : Éric Morin Édition : Jean Paul Thomin
Tous droits réservés : L’Atelier d’histoire des Débardeurs du Port de Montréal
Sauf lorsque mentionné, les photos utilisées dans ce livre ont été données au Syndicat des débardeurs du port de Montréal par monsieur Dominic Taddeo, Président-Directeur général du port à l’occasion du 100ème anniversaire du syndicat.
Dépôt légal: 1er trimestre 2018
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
ISBN 978-2-9817295-0-7
Table des matières
I ntroduction
L es anecdotes
• Au travail
• Le danger, la mort
• Taverne et incidents insolites
• La colère et la solidarité
C onclusion
R emerciements
La plupart des anecdotes qui composent ce livre ont été recueillies lors d’une séance d’entrevues avec d’anciens débardeurs, séance tenue en mars 2013 par l’historien Étienne Martel et l’Atelier d’histoire des Débardeurs du port de Montréal.
La période couverte par les témoignages recueillis couvre approximativement la période entre 1930 et 1980.
Le chargement d’un bateau au port vers 1915.
Introduction
Le port de Montréal est un endroit tout à fait unique. D’abord, par son climat qui peut être radicalement différent de celui des quartiers de Montréal pourtant à peine un ou deux kilomètres plus au nord.
Ensuite parce qu’il s’agit d’un port et parce que dans ces endroits où accostent tous les produits et toutes les coutumes de la planète, tout se peut et tout arrive. Chaque navire est une scène de travail différente, avec ses décors, ses contraintes, ses avantages et ses pièges. Au Bord-de-l’eau le possible se manifeste de manière encore plus extraordinaire puisque le vent, la pluie, la neige ou la glace saisissent le fleuve en un instant et peuvent métamorphoser le pont d’un bateau en quelques secondes.
Le Bord-de-l’eau enfin, aucun débardeur ne dit « le port », se distingue par la culture particulière de ses travailleurs qui de génération en génération ont nourri la faim grandissante d’une ville en pleine expansion. Pour elle, ils ont vidé les bateaux * et déposé sur les quais, dans les hangars ; fruits, grain, voitures, fer, bois, sucre, vêtements, épices, etc. Pour la ville affamée qui tourne le dos à son fleuve et pour leurs familles, les débardeurs ont vécu, travaillé, souffert et tissé d’un bout à l’autre des rives leur légende bien à eux.
Les anecdotes et les petites histoires que racontent ici les travailleurs du Bord-de-l’eau, truculentes ou dramatiques, comiques ou absurdes, transportent le lecteur de l’autre côté des clôtures et des gares de triage qui séparent Montréal des quais. Elles le posent à la hauteur du débardeur et lui permettent l’espace d’un instant de découvrir un pan de la culture et de la vie de ces personnes tout à fait ordinaires qui ont choisi un métier plus grand que nature.
* Les débardeurs désignaient souvent un navire par le terme marin: "bâtiment".
Les anecdotes
Le port de Montréal vers 1958. Immédiatement derrière ; le Vieux-Montréal.
Au travail
Carnet d’un débardeur avec la mention du fameux bouton qui l’identifie comme un membre en règle du local syndical et admissible à "travailler sur les quais".
Débardeurs au treuil.
Les « Family Gangs »
Mise en contexte :
Jusque dans les années 60, le travail au port est fait par des équipes de 18 à 25 débardeurs. Il y a alors près de 100 de ces équipes surnommées « Family Gangs » car leur noyau est le contremaître qui choisit les hommes qui composent son équipe en embauchant souvent ses proches.
En principe, les débardeurs ne sont redevables qu’à leur contremaître et à personne d’autre. Les contremaîtres font également partie du syndicat et chacune des équipes a généralement son territoire sur les quais.
Pour charger ou décharger leurs navires, les armateurs embauchent les contremaîtres de leur choix et les équipes qui viennent avec.
L’administration du port proprement dite intervient peu dans cette relation.
Un « Family Gang » vers les années 1920 - 1930
(1) Bibeault, Réal « Étude monographique du local 375 affilié à l’Association internationale des débardeurs », Maîtrise en Relations industrielles, Université de Montréal, 15 mars 1954.
Dans un article paru en 1905, le journaliste Léon d’Ornano raconte le travail des débardeurs de Montréal :
http://jeanprovencher.com/2013/07/22/debardeur-au-port-de-montreal
Mais je reviens aux débardeurs montréalais, puisque c’est d’eux que j’entends vous entretenir. Vous savez que leur rôle consiste à décharger les marchandises arrivées dans les paquebots, sous d’autres cieux. C’est, prenez-en ma parole, un travail fort pénible. Aussi, pour la plupart, ces hommes sont-ils de rudes gaillards, très solidement bâtis. À Montréal, on en compte quelques centaines. Par trente ou quarante à la fois, ils travaillent (ce sont des équipes) sous les ordres d’un contremaître. Voici, en peu de mots, comment ils s’acquittent de leur ouvrage.
Dès qu’un navire est amarré à quai, que les passerelles volantes ont été mises en place, nos hommes, selon des ordres reçus, se divisent entre eux la cargaison. Les grues à vapeur, grinçant et geignant, faisant un bruit d’enfer, sont mises en mouvement. Alors, avec un rythme énervant, de grosses chaînes ou câbles, munis d’un anneau, d’un crochet, ou d’une petite plate-forme, sont amenés à fond de cale.
On attache la marchandise à ce système. Un cri se fait entendre, la grue trépide [sic] abominablement, et le pesant ballot monte vers le ciel bleu que, d’en bas, le pointeur voit au travers des écoutilles à l’ouverture béante et dangereuse.
La même manœuvre recommence, identique, des milliers de fois, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à fond de cale, ou dans le compartiment qu’on décharge. Rien de plus monotone, de plus fatigant que ce travail, dans une atmosphère confinée, en des locaux qui n’ont pas vu le jour de toute une longue traversée. Et les débardeurs peinent fébrilement, car le temps est compté, le paquebot doit repartir à jour et heure fixes. Aussi, ces braves gens se surmènent-ils ; parfois, par amour du lucre (ils sont à Montréal assez bien payés, pouvant gagner jusqu’à $4.00 par 24 heures), les débardeurs, dis-je, restent deux ou trois jours sans dormir.
À un moment donné, ces pauvres gens sont absolument vannés de fatigue, ils chancellent, dorment presque debout, se meuvent comme des automates. C’est ma foi malheureux, et l’autorité devrait empêcher ce surmenage. Car, je l’ai déjà dit ailleurs, c’est à ces moments et de par cette somnolence naturelle chez les hommes ainsi épuisés de travail que se produisent des accidents trop souvent mortels. Tantôt, le débardeur endormi ne prend plus garde à lui, et se laisse écraser par un lot de marchandises mal attachées qui retombent au fond du navire ; d’autres fois, le pauvre homme, tel un somnambule, inconscient du danger, tombe au travers d’une écoutille et se tue.
On a beau le prévenir du danger, multiplier les lampes électriques sur les ponts, l’envoyer se coucher maintes fois dans la nuit, rien n’y fait, le débardeur veut achever sa nuit, et il continue de travailler, appelant pour ainsi dire l’accident mortel qui, dans son foyer, laissera une veuve éplorée et des orphelins désemparés par la mort du chef de famille.
Chez nous, le plus souvent, le débardeur est un homme robuste de vingt à quarante ans, qui, voulant travailler, gagne son pain à la sueur de son front.
C’est, par exemple, un cultivateur « en rupture de ferme ». Il sait que, sur les quais, en quelques mois, il peut gagner assez pour faire vivre les siens le reste de l’année, et il s’y rend ; heureux d’y pouvoir être embauché continuellement, durant l’été et une partie de l’automne, qui représentent, comme l’on sait, notre saison de navigation sur le Saint-Laurent. D’autres fois, le débardeur est un marin débarqué qui aime mieux ce genre de labeur que de faire le quart, ou de manœuvrer, sur le bout dR