La lecture à portée de main
25
pages
Français
Ebooks
2017
Écrit par
Philippe Laplace
Publié par
Iggybook
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25
pages
Français
Ebook
2017
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Publié par
Date de parution
30 janvier 2017
Nombre de lectures
2
EAN13
9782363156266
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Publié par
Date de parution
30 janvier 2017
Nombre de lectures
2
EAN13
9782363156266
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Un cœur pour deux
Philippe Laplace
2017
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
« La tendresse, c’est cette indicible émotion, ce parfum suave et délicat qu’exhale l’amour quand vous lui dîtes je t’aime »
Philippe Laplace
Un cœur pour deux
Dans un rayon de soleil qu’une fenêtre entrouverte invitait à entrer dans cette chambre aseptisée, Sébastien la vit, debout devant lui, dans un brouillard arachnéen que ses battements de paupières alanguies ne parvenaient pas à dissiper. Une intense fatigue l’accablait, aussi lourde que le poids de ses remords. Brisé, perdu aux confins d’une extrême affliction, il aurait voulu s’endormir et ne plus jamais se réveiller. Goutte à goutte, un calice de douleur poignait sa conscience tel un étau brûlant qui meurtrissait chaque fibre de son être et il ne le supportait plus.
Laura quant à elle ne bougeait pas. Ses grands yeux aussi sombres que le fond des océans portaient encore les cernes du chagrin. Immobile, debout au pied de ce lit blanc où sa propre vie agonisait, elle le dévisageait en silence, fouillant les replis les plus intimes de son âme d’un regard hypnotique empreint de reproches et d’amertume. Les infirmières s’affairaient autour de leur patient miraculé sans que ses yeux humides renoncent, sans doute par crainte d’affronter l’oubli. Infatigablement, Laura observait cette poitrine épuisée se soulever encore, à chaque inspiration, prisonnière de ses pensées, esseulée dans une quiétude oppressante qui poignait son âme.
Une gêne envahissante, vraisemblablement de la peur se mêlait insidieusement à ce sommeil césarien qui s’emparait impérieusement de Sébastien. Les paroles rassurantes de ces femmes en blanc s’évanouissaient indolemment dans les volutes d’un murmure sourd tandis qu’une nuit sombre et troublante étouffait lentement ses craintes. Mais des images tourmentées se bousculaient inlassablement sur ses paupières hermétiques, des paupières si lourdes de fatigue, si accablées par le chagrin qu’il ne parvenait plus à les ouvrir. Il se laissa malgré tout porter par cette léthargie saumâtre qui engourdissait enfin ses sens. Il ne perçut bientôt plus la douleur de sa poitrine meurtrie. Seules persistaient ces hallucinations récurrentes d’une saveur affreusement authentique qui le harcelaient toujours et qui l’angoissaient désespérément. Elles vivaient devant ses yeux clos comme autant de flashs alternants les ombres fantomatiques aux lumières térébrantes d’un passé refoulé. S’y mêlaient ensuite des couleurs accompagnées de lignes plus douces, plus souples, modelant des visages incertains qui se mouvaient dans des scènes qui ne lui appartenaient pas. Rêvait-il ou ces images furtives n’étaient que des réminiscences confuses qui troublaient sa mémoire ? Il n’aurait su le dire. Il ne les reconnaissait tout simplement pas, et malgré tout, il sentait au plus profond de lui qu’elles étaient enracinées dans ses pensées les plus intimes.
Il lui sembla tout d’abord contempler une inconnue… Sélène … Ce prénom s’échappa de ses lèvres dans un murmure élégiaque. Puis l’étonnement et l’incompréhension s’évanouirent sur une réalité qui le terrorisa. Il voulut se réveiller à tout prix et s’agita violemment dans son sommeil. Il ne souhaitait plus voir ce visage angélique qui le faisait si durement souffrir alors qu’il n’aurait plus jamais la possibilité de le caresser ni de l’embrasser. Jamais plus il ne pourrait se perdre au fond de ses grands yeux noisette qui l’avaient si tendrement enveloppé d’un amour intemporel. Il ne lui restait que cette solitude âpre et pesante qui le torturait impitoyablement. Malheureusement, il ne pouvait s’échapper de ce sommeil ni de ces rêves éprouvants et Sélène hanta à nouveau ses peurs dans des visions inconnues dans lesquelles chaque émotion, chaque sensation, chaque seconde qui s’écoulait lui étaient étrangères et pourtant si familières.
L’automne avait évincé la belle saison depuis quelques semaines déjà. Un vent frileux poussait dans les caniveaux d’une ville semi-déserte des feuilles brunies que des arbres dénudés abandonnaient maintenant avec désinvolture. Un ciel nébuleux pleurait timidement sur des trottoirs maculés de flaques miroitantes tandis que la nuit s’appropriait sereinement cette triste soirée.
Percluse de fatigue, Sélène quitta l’hôpital après une journée harassante. Elle n’habitait qu’à deux pâtés de maisons, mais ce temps maussade la déprimait. D’ailleurs à cette heure-ci, du courage elle n’en avait plus. Son travail d’infirmière aux urgences l’exténuait. Malgré tout, elle aimait son métier. Pour elle, il était bien plus qu’une profession, c’était une véritable passion et son investissement était total.
Ses yeux noisette nimbés de lassitude se perdirent un instant sur cette voûte nébuleuse de plus en plus menaçante. Après une brève hésitation, elle releva le col de son imperméable et quitta la tiède protection du hall de l’hôpital. Elle explora furtivement d’un regard détaché cette large avenue dépeuplée qui s’enlisait inexorablement dans la nuit et s’engagea. Ses pas précipités l’amenèrent sur le trottoir d’en face. Sans lever le nez, les épaules recroquevillées dans son imperméable comme si son corps épuisé ne parvenait plus à lutter contre ce vent frileux qui tourmentait sa lassitude, elle descendit hâtivement l’avenue. Le paysage glissait autour d’elle sans qu’elle le remarque. Aujourd’hui, les vitrines de vêtements, les bijouteries où même ce petit boulanger où elle aimait tant s’arrêter pour apaiser sa gourmandise n’alliciaient pas son attention étreinte par des pensées plus réconfortantes. Seule l’idée d’un bain bien chaud demeurait au centre de ses préoccupations.
La pluie flagellait la ville plus rudement. Les feuilles des arbres toujours plus nombreuses à abandonner leurs ramures autrefois si vertes habillaient dorénavant les trottoirs d’un patchwork bigarré.
Dans sa hâte, Sélène tourna le coin de la rue lorsque son talon cassa. Dans un réflexe hasardeux, elle chercha à s’agriffer au lampadaire, en vain. La seconde suivante, la jeune femme tombait de tout son long sur les pavés glissants. Sa bouche déformée laissa échapper un cri étouffé vivement talonné par de furieuses imprécations qui se mêlèrent aux rires amusés des piétons. Sélène était folle de rage. Le visage incarnat, elle se redressa tant bien que mal sur ses genoux tout en maugréant d’un air dégoûté. Elle ne s’était jamais sentie aussi seule et désemparée, ni aussi ridicule. Ses vêtements détrempés offraient un support idéal pour toutes ces feuilles mouillées qui jonchaient le trottoir et les passants ne s’y trompèrent pas. De sourires moqueurs en railleries piquantes, Sélène assistait, impuissante, à l’inexorable déclin de son amour propre. Portée par la colère, elle s’apprêta à lancer une volée de jurons quand inopinément le temps suspendit son vol au-dessus d’une brume tiède dans laquelle chacun de ses battements de cœur l’entraînait irrésistiblement. Aucune vilénie ne sut franchir ses lèvres entrouvertes simulant un languissant sourire. Pleuvait-il encore ? Était-ce le matin ou bien le soir ? Elle ne savait plus. Le vent tourmentait-il sa longue chevelure en désordre ? Sélène n’aurait pu le dire. La surplombant, un visage d’ange illuminé par deux grands yeux inquiets la dévisageait, étonné, pendant qu’une main chaude et humide l’invitait à se relever…
Inopinément, une oppressante douleur enserra le cœur de Sébastien tel un étau de chagrin et de désespoir. Il ouvrit brusquement des yeux hantés habillés de larmes d’affliction.
Au fond de la chambre, assise dans ce fauteuil gris qu’elle ne quittait que trop rarement, Laura le maternait malgré elle d’un regard nimbé de doute et de culpabilité. Abandonnant momentanément le poids de ses remords, elle se leva et essuya le front perlé de sueur de Sébastien.