124
pages
Français
Ebooks
2017
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Publié par
Date de parution
22 février 2017
Nombre de lectures
2
EAN13
9782764433461
Langue
Français
Publié par
Date de parution
22 février 2017
Nombre de lectures
2
EAN13
9782764433461
Langue
Français
Du même auteur
Zora, un conte cruel , VLB éditeur, 2013.
Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice
Conception graphique : Nathalie Caron
Mise en pages Marquis Interscript
Révision linguistique : Sylvie Martin
En couverture : Jef Thompson / shutterstock.com
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain
Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Arseneault, Philippe
Ma soeur chasseresse
(Latitudes)
ISBN 978-2-7644-3344-7 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3345-4 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3346-1 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Latitudes (Éditions Québec Amérique).
PS8601.R735M3 2017 C843’.6 C2016-942032-9 PS9601.R735M3 2017
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2017
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2017
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2017.
quebec-amerique.com
À Ni Bei
Bien qu’ils soient parfois inspirés de la réalité, les personnages et événements décrits dans ce roman sont fictifs.
Ils ont pas besoin de gros dictionnaires pour s’mer des pétaques, labourer la terre Mais avec les femmes, ils sont un peu là Les p’tits Canayens, on les embête pas.
Eugène Daigneault, Les p’tits Canayens on les embête pas
PROLOGUE
Cette nuit, j’ai rêvé que tu me trompais pendant ton voyage au Canada.
C’est bien possible. Deux mois…
C’est long.
Oui. Assez pour coucher avec cent Québécoises.
Crétin.
Ça pourrait se faire. Ce sont des folles du cul. Elles couchent avec n’importe qui. Elles ne feraient pas la différence avec un cheval. « Bienvenue à tous. Entrez sans frapper. »
C’est vrai ?
Je hochai la tête.
Des hommes viennent de partout pour coucher avec elles. Des Ontariens, des Américains… Les French girls , qu’ils les appellent. Les reines des sauteuses.
Qu’est-ce qu’elles font de si extraordinaire ?
Je n’en sais rien.
Des cochonneries avec la langue ?
Peut-être.
Comment peux-tu ne pas savoir ? C’est ton pays, ce sont tes compatriotes.
Est-ce que tu me croirais si je te disais que je n’ai jamais couché avec une Québécoise ?
Pas possible.
Vrai de vrai.
Pourquoi ? Il y a quelque chose qui cloche avec elles ? Ou bien quelque chose qui cloche avec toi ?
Avec elles, naturellement. Moi, je suis parfaitement normal.
Mmm… Mais alors, ta première fois, c’était avec qui ? Tu m’as dit que tu avais seize ans.
C’était une Amérindienne, à La Tuque. Elle ne compte pas pour une Québécoise. Après, j’ai déménagé à Montréal pour l’université. Pendant ces années-là, j’ai couché avec seulement trois filles. J’étais plutôt solitaire. Une Haïtienne et deux Chinoises.
Ah ! Tu en pinçais déjà pour les Chinoises.
Ça ne date pas d’hier.
C’est quoi, le problème avec les Québécoises ? Les mecs, vous aimez les filles vicieuses, non ?
Oui, mais les Québécoises sont trop familières. Avec elles, j’ai toujours l’impression d’avoir affaire à des sœurs, même quand il s’agit de parfaites inconnues. C’est une grande famille, les Québécois. Tant pis s’ils ne se connaissent pas : ils se parlent comme s’ils étaient liés par le sang. Ce coudoiement dans le langage (je grimaçai)… c’est à vomir. Il n’y a pas de mystère entre les gens. Et pas d’érection sans mystère. Pas pour moi, en tout cas.
Meng Wu pouffa.
Ce n’est pas drôle, répliquai-je en frissonnant d’écœurement. À ce point de vue, je commettrais l’inceste si je couchais avec une Québécoise.
C’est pour ça que tu es venu en Chine ? Le bout du monde pour fuir la consanguinité ? Ici, tu peux coucher avec toutes les filles que tu veux.
Oui, mais je t’ai rencontrée, et alors, ça n’avait plus de sens. Tu me suffis.
Meng Wu fit une moue sibylline, puis aspira d’un coup la moitié de son lait fouetté.
Tu exagères, comme toujours, dit-elle en s’essuyant la bouche du bout du doigt. La haine t’aveugle.
Je haussai les épaules.
Tu ne peux pas savoir, tu n’es jamais allée là-bas. Les Chinois, vous êtes le plus loin que l’on puisse être des Québécois. Vous êtes dans le non-dit, dans la retenue… La révélation lente.
Tu ne parles pas, tu pètes.
C’est vrai ! Vous êtes… je ne sais pas bien comment l’expliquer… dans l’ordre des choses. Vous connaissez les vertus érotiques de l’inconnu. L’autre qu’on ne connaît pas, il couve un secret, comme une pépite ; ce secret est précieux. Tu n’as pas idée à quel point tout cela est émouvant pour moi.
Tu sais bien que les Chinois ne sont pas comme tu dis. Tu as vécu chez ces ploucs du Nord-Est. Écoute leur opéra traditionnel : que des histoires de fesses.
Mais même dans le Nord-Est, j’avais l’impression que chaque personne avec qui je me liais avait un jardin secret. Je n’avais jamais ressenti ça au Québec. Au travail, dans la vie, avec les amis : là-bas, tout le monde parle tout le temps, tout le monde déballe tout, comme si c’était une obligation.
Moi, je trouverais ça réconfortant de vivre dans une société où les gens ne sont pas aussi indifférents, dit Meng Wu en se regardant le bout des ongles. Où les gens ne font pas de cachotteries. Ça rend les amitiés plus vraies.
Tu ne sais pas de quoi tu parles. Même leur fraternité, c’est du faux. Elle repose sur un mensonge. C’est une fraternité de façade, comme celle qu’affichent les familles malheureuses quand elles se montrent en public. En réalité, les Québécois sont seuls et déprimés. Ils sont misérables. Pourtant, quand je pense à eux, je suis incapable de ressentir de la pitié. Tout ce qui monte, c’est de la haine.
Meng Wu posa son lait fouetté en soupirant.
La glande qui sécrète la haine est située juste à côté de celle qui fait la pitié. Pige donc dans l’autre tonneau, à l’occasion. Ça te changera.
Hein ?
Les hommes québécois aussi sont des dégénérés sexuels ?
Les Québécois ? Non. Ce sont (je cherchais un mot chinois qui concentrait tout ce que je pensais mais ne trouvai rien, alors j’en utilisai plusieurs)… ce sont des masses. Lourdes. Ils ne marchent pas : ils se traînent. Et grouillent d’une espèce de vie parasitaire… Pire que tout.
Nos boissons bues, nous déambulâmes un moment dans l’aéroport. Nous échangeâmes deux ou trois platitudes – j’étais mélancolique, j’appréhendais déjà l’absence de Meng Wu dans ma vie pendant deux mois. De toute façon, l’espace immense assourdissait les mots, comme si nous parlions sous l’eau. Il valait mieux acheter des choses et nous taire. Les aéroports sont pensés pour ça. Une bouteille de Maotai pour mon père. Pour les filles de mon frère, des jeux de PlayStation en chinois. Rien pour ma mère : je lui avais acheté une qipao à Chengdu quelques semaines plus tôt, elle était dans ma valise, enveloppée dans une jolie gaze coquelicot.
Avant d’entrer dans la zone de sécurité, je pressai Meng Wu contre mon cœur. Après deux années ensemble, nous ne nous étreignions plus aussi souvent. J’avais oublié comme elle était carrée. Quand nous faisions l’amour, j’étais obnubilé par ses seins. Le reste du temps, je la trouvais belle, simplement. Il fallait que je