113
pages
Français
Ebooks
2014
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Publié par
Date de parution
01 octobre 2014
Nombre de lectures
6
EAN13
9782764427798
Langue
Français
Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice
Conception graphique: acapelladesign.com
Mise en pages: Andréa Joseph [ pagexpress@videotron.ca ]
Révision linguistique: Sylvie Martin et Élyse-Andrée Héroux
Conversion au format ePub : Alain Lespérance
Québec Amérique
329, rue de la Commune Ouest, 3 e étage
Montréal (Québec) Canada H2Y 2E1
Téléphone: 514 499-3000, télécopieur: 514 499-3010
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Chartrand, Caroline
Lise hier
(Collection Littérature d’Amérique)
ISBN 978-2-7644-2727-9 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-2778-1 (PDF)
ISBN 978-2-7644-2779-8 (ePub)
I. Titre. II. Collection: Collection Littérature d’Amérique.
PS8605.H383L57 2014 C843’.6 C2014-941364-5
PS9605.H383L57 2014
Dépôt légal: 4 e trimestre 2014
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2014.
quebec-amerique.com
À mes parents.
CHAPITRE PREMIER
Il était une fois une jeune femme, toute seule dans son logement, qui rêvassait tranquillement. En quatre-vingt-quatre jours, elle n’avait pas fait l’amour.
De l’autre côté du mur de son appartement, il fait froid et c’est l’hiver. Il n’y a plus de feuilles aux arbres depuis longtemps. La neige, couverture blanche voilant les déchirures, tapis blanc feutrant les douleurs, tombe, virevolte ou se repose au sol. La saison a cette habitude. Il neige, il neige, bergère, rentre tes blancs moutons.
Assise au fond de son salon, ayant déposé Les Petits Oiseaux d’Anaïs Nin et terminé son thé bien avant, Lise se dit qu’elle ira acheter les fleurs elle-même.
Emmitouflée dans un manteau, portant chapeau et foulard, Lise laisse de larges empreintes d’ourse dans la neige. L’air froid vivifie, elle marche d’un bon pas. En hiver, les gens marchent couverts et rapidement (et Lise est à peu près comme tout le monde).
Depuis lundi, les bancs de neige sont si hauts qu’ils tracent en la ville des labyrinthes pour piétons, des méandres de congères. Sans trop savoir ce que c’est, monsieur Pedneault, posté à sa fenêtre de l’autre côté de la rue, voit le pimpant pompon rouge de la tuque de Lise rebondir au sommet des montagnes. Sur les chapeaux de roues, la belle tourne au coin de la rue suivante.
Au-dessus de la ville, c’est un ciel bleu tendre qui s’étend, contrastant avec la morsure du froid qui rosit les joues des passants isolés. La blancheur hivernale des rais du soleil happe crûment les branches enneigées, divisant les flocons s’y étant posés en milliards de pixels, en autant de diamants. Lise inspire, elle sourit, c’est joli, elle est riche.
CHAPITRE DEUXIÈME
« La première fois, je lui répondis en japonais. »
Lise hier se réveilla dans le lit de Pierre, Pierre Cardin. C’est comme ça qu’elle avait décidé de le nommer : il portait des boxers Calvin Klein.
Celui-là, l’inconnu de Lise ce matin-là, c’était Pierre Cardin parce que ses boxers Calvin Klein avaient ramené la pensée de Lise à Back to the Future , film culte des années 1980 mettant en scène le jeune Marty McFly. Propulsé à l’époque où ses parents se rencontrent et tombent amoureux, ce dernier se retrouve, par une suite de circonstances rocambolesques, en bobettes dans la chambre de sa mère alors adolescente. La coquine, ayant examiné de long en large le bel intrigant à demi nu pendant qu’il reposait, inconscient sous les draps, le surnomme Pierre, Pierre Cardin, en référence au nom qui, disait-on, était brodé sur l’élastique de ses sous-vêtements 1 .
Or, Lise hier savait pertinemment que ce n’était pas le nom de l’homme qui était brodé sur ses bobettes, que celui chez qui elle s’était éveillée ne s’appelait pas plus Calvin Klein que Pierre Cardin.
Contrairement à ce que ses boxers pouvaient laisser imaginer – c’est fou tout ce qu’un nom sur un élastique de bobettes peut évoquer –, Pierre, noir, avec des cheveux courts et crépus, n’avait pas le corps des hommes des publicités de sous-vêtements. Il était plus rond, dodu au-dessus des hanches. « Quels corps, ces corps de mannequins! pensa la belle. Dire qu’on les appelle aussi “modèles”. » Lise n’aimait pas les modèles, tout ce qui est à suivre, les chemins déjà tracés, les moules à épouser, les lignes de pensée.
D’un œil, Lise l’avait regardé quitter la chambre et elle était restée couchée, sans bouger. L’homme était levé depuis un moment. Il avait fait sa toilette et prit son déjeuner discrètement, en faisant attention pour ne pas faire trop de bruit. Lise écoutait ces sons étouffés les yeux fermés, les mains déposées sur son ventre. Elle entendit le spring d’un toaster éjectant du pain grillé, un couteau beurrant deux rôties, peut-être y avait-on mis de la confiture de pêche et une touche de crème. Elle aurait aimé que l’odeur du pain grillé vogue jusqu’à ses narines, mais non. Pierre Cardin ouvrit la radio. Il sembla à Lise qu’il attendait qu’on y révèle les prévisions météorologiques : quelques minutes d’animation sous ondes. Il éteignit l’appareil. À un moment, il se déplaça un peu plus rapidement, laissant présager une sortie prochaine. L’hypothèse fut confirmée lorsqu’elle entendit des clés en trousseau glisser sur un meuble puis s’entrechoquer. Vint ensuite le grincement d’une porte qui s’ouvre et se referme. Ça y est, Pierre Cardin venait de partir.
Ce matin-là, hier comme souvent, Lise attendit qu’on parte avant de se lever. L’inconnu ne lui avait rien dit. L’avait-il même regardée?
La belle s’étira un peu, s’habilla. À la cuisine, il restait du café dans la carafe de la cafetière encore allumée. Elle conclut, et cela faisait bien son affaire, que c’était pour elle. Elle s’en versa une tasse puis débrancha l’appareil. Elle s’assit à la table de la cuisine de Pierre. Décor sans surprises, tout de mélamine et de blanc. C’était un matin calme, sans agitation. Le silence était enveloppant. Lise but le café, déposa sa tasse vide dans l’évier, prit son sac et quitta l’appartement de Pierre Cardin. Pour toujours, comme toujours.
Au-dessus de la croix de la montagne, à l’horizon, quatre nuages alignés à la queue leu leu et ressemblant à des gommes à effacer perçaient lentement le ciel de leur convoi discipliné. Le ciel demeurait tout aussi bleu derrière eux : une traînée d’effaces, c’est invisible, ça ne laisse pas de trace. À peine plus tard, dans le même ciel, un avion passerait, même pas proche d’eux. Il était maintenant neuf heures.
____________
1 . Des années après avoir vu le film pour la première fois, Lise avait appris qu’il n’était question de Pierre Cardin que dans la version doublée en France. Que Marty McFly, dans la version originale, portait des boxers Calvin Klein. Lise s’était alors sentie trahie. La vérité lui avait été cachée toutes ces années.
CHAPITRE TROISIÈME
« Plus ça change, plus c’est pareil. »
Toute la journée, Lise a craint de perdre ses gants. Elle en a même échappé un par terre en cherchant un mouchoir dans les poches de son manteau alors qu’elle traversait la rue.
. . . . . . . .
Il y a de cela quelques années, une chroniqueuse à la radio avait raconté que, quelque part en Afrique (c’est grand et imprécis, l’Afrique, pour le Blanc d’Amérique), des gens s’inquiétaient, car un mauvais sorcier courait dans la ville et, d’un toucher, condamnait instantanément les hommes à avoir un tout petit pénis. Depuis