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pages
Français
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2012
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Publié par
Date de parution
05 octobre 2012
Nombre de lectures
3
EAN13
9782748384734
Langue
Français
"Un esprit de mort régnait au sein du village d’Abélé, pour preuve, ce matin même, on entendait encore des pleurs à l’autre bout du village. Tout le monde alla aux nouvelles et malheureusement elles n’étaient pas bonnes. Les mangeurs d’âme venaient une fois encore d’endeuiller la vaillante communauté d’Abélé. En effet, l’on venait d’apprendre qu’Ocley, le fils de Zagoté, le retraité venu vivre au village, était décédé à Kolame, alors qu’il défrichait une portion de forêt." L’auteur présente, avec cette nouvelle suivie de courts textes, un corpus de récits basés sur les événements survenus dans le petit village d’Abélé. La superstition, le mysticisme prennent ici une importance et une réalité telles que le lecteur se retrouve promené entre deux royaumes : celui de la terre et celui de l’au-delà. Le style simple, concis et direct ainsi que le cadre du récit donnent à l’ensemble un air de recueil de contes fantastiques africains représentatif d’une littérature rare et cependant extrêmement riche.
Publié par
Date de parution
05 octobre 2012
Nombre de lectures
3
EAN13
9782748384734
Langue
Français
Les Mangeurs d'âmes d'Abélé
Alexis Sahoré Drogba
Société des écrivains
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Les Mangeurs d'âmes d'Abélé
À mon frère, Sahoré Kouassi Djèkou.
Que son âme repose en paix.
Les croyants disent toujours que Dieu seul tient le souffle de vie d’une personne, mais malheureusement dans le village d’Abélé, cela ne semblait pas être le cas ; on y mourrait plus de sortilèges que de maladie.
À tel point qu’il arrivait souvent de voir les cercueils des défunts, avant de prendre la route du cimetière, diriger leurs porteurs vers les présumés « bourreaux », et d’apprendre que des personnes, se disant hantées par leurs victimes, avaient avoué également leur crime à des féticheurs appelés « tueurs d’esprit de mort ».
Ces féticheurs auraient, disait-on, la faculté de neutraliser l’esprit du défunt, pour qu’il ne hantât plus ses meurtriers. Puisqu’on entendait parfois des propos du genre :
« Telle personne n’ose plus aller seule dans son champ parce qu’elle rencontre sur son chemin, ou aperçoit untel, qu’il a tué par la sorcellerie ».
Un esprit de mort régnait au sein du village d’Abélé, pour preuve, ce matin même, on entendait encore des pleurs à l’autre bout du village. Tout le monde alla aux nouvelles et malheureusement elles n’étaient pas bonnes. Les mangeurs d’âme venaient une fois encore d’endeuiller la vaillante communauté d’Abélé.
En effet, l’on venait d’apprendre qu’Ocley, le fils de Zagoté, le retraité venu vivre au village, était décédé à Kolame, alors qu’il défrichait une portion de forêt.
La mort de ce jeune paysan rappelait celle d’autres illustres fils du village qu’on continuait de toujours pleurer en silence. Il s’agissait notamment de :
— Zokoitème, l’ami des jeunes du village, qui mourut tragiquement à la tâche, en défrichant également à Kolame, un lopin de forêt pour agrandir son domaine agricole.
— Ibozéa le lettré, ce malheureux retraité, à peine arrivé au village d’Abélé, devint la proie des mangeurs d’âmes. Même si son cas s’apparentait à un règlement de comptes, parce que les gens disaient qu’il était un élément actif de l’ignominieuse confrérie. Un jour, ce lettré abandonna tout et alla vivre en ville, mais lorsqu’il revint à sa retraite à Abélé, ses pairs de la confrérie lui firent payer un lourd tribut.
Tout commença par la mort de son « chaton », quelque temps après sa venue au village. Puis la confrérie devint exigeante et le pressa de payer encore plus. Alors, il leur livra sa grande « chatte ». Tout le monde fut si surpris par la mort de celle-ci, que ses amis vinrent lui dire de retourner en ville, mais Ibozéa ne les écouta point. La confrérie des sorciers lui demanda de payer davantage pour le laisser vivre en paix au village. Ce pauvre homme pris ainsi au piège par tant de malignité, offrit malgré lui ses deux « taureaux ». Les sorciers ne réussirent qu’à en prendre un seul, le second s’étant réfugié dans les parvis du Seigneur (que son nom soit béni). Non content de cela, les sorciers le remplacèrent aussitôt par le pauvre Ibozéa lui-même. Que son âme repose en paix.
— Wazigo, mort pour sa témérité. Cet illettré débrouillard partit à l’aventure et fit fortune. À son retour au village d’Abélé, Wazigo se bâtit une grande maison et en offrit deux autres à ses parents. Puis il créa une vaste plantation de cacaoyers, devenant ainsi un modèle de réussite à Abélé, mais l’ascension sociale de ce paysan ne plut pas à la confrérie du mal qui le prit aussitôt en grippe. Wazigo découvrit un jour dans sa plantation une machette ensanglantée plantée dans le sol.
Ce message horrible, Wazigo ne le prit pas au sérieux parce qu’il trouva cet acte malveillant ridicule. Alors le brave paysan arracha du sol la machette des sorciers et la balança dans un buisson, sans aucune précaution particulière. Une guêpe, qui sortit de l’endroit où il avait jeté la machette, le piqua au coup. Et le pauvre Wazigo ressentit dès cet instant une atroce douleur dans tout le corps. Hélas ! C’était le coup fatal que venaient de lui assener les mangeurs d’âmes. Malgré tous les soins inimaginables qu’il se prodigua, cette piqûre de guêpe le fit rapidement quitter la terre des hommes.
— Atéa Dowa Prouna, ce brave paysan qui aimait bien manger. C’était un bon vivant, travailleur et courageux. Il voulut se bâtir une belle case, mais un homme, membre de la société sécrète ignominieuse, disait que tant qu’il ne s’était pas bâti lui-même une jolie maison, personne d’autre ne pouvait s’autoriser à le faire. Alors, celui qui se hasarderait à construire avant lui, n’avait qu’à dire adieu à la vie. Cependant, Atéa qui en avait assez de colmater la toiture de sa paillote quand il pleuvait, décida d’outrepasser l’interdit de ce suppôt du diable. Et il commença à bâtir une belle case. Aussitôt, les amis de cet individu vinrent dire à Atéa d’arrêter les travaux, mais ce dernier refusa. Alors, ce qui devait arriver arriva. Un matin, au lever du jour, Atéa dit à son épouse qu’il ne se sentait pas bien : il avait mal dormi à cause des cris d’un hibou. Or cet oiseau est considéré comme un vecteur des sorciers. Atéa avait été seul à avoir entendu toute cette nuit-là, les cris de l’oiseau. Le mal qu’il ressentit évolua en une grave maladie qui le conduisit dans l’au-delà. Atéa n’acheva donc pas la construction de sa maison.
— Ohi-Low l’Éclairé, ce vaillant fils d’Abélé qui travaillait dans un cabinet d’assurance dans la grande ville. Cet homme ressource d’Abélé, ayant constaté que certains individus se livraient au bradage de leur patrimoine forestier, trouva un jour ses frères sous le préau, le lieu où se réunissaient les habitants d’Abélé. Il leur parla de l’importance de la terre. Il conseilla à ses concitoyens d’Abélé, qui étaient ce jour-là sous le préau, de ne pas vendre leur terre aux étrangers, mais de protéger ce patrimoine pour les futures générations.
Hélas ! Par ses sages conseils, l’ É clairé Ohi-Low signa son arrêt de mort. Puisque juste après cet entretien avec ses parents d’Abélé, ce cadre perdit son emploi et plongea dans une déchéance totale, avant de mourir comme un cancrelat.
Les sorciers, n’ayant pas apprécié les conseils d’Ohi-Low l’Éclairé à propos de la vente de la terre d’Abélé, lui firent perdre son emploi avant de l’achever une nuit dans son sommeil.
Ce vaillant fils avait évoqué le grave problème foncier que connaissait la communauté d’Abélé parce que la terre commençait à manquer pour la jeune génération.
Le sorcier Tazara et ses enfants firent de la vente de forêt leur activité. Ils bradèrent le massif forestier de Golozeme, ce patrimoine de la grande famille Zéa d’Abélé, qui était le plus vaste de toute la région Klègba.
Le massif forestier de Golozeme constituait la demeure de la famille Zéa, dont les différentes générations entretinrent cette luxuriante forêt, où l’on pouvait encore trouver de rares essences d’arbres. Malheureusement, le vieux Tazara brada sans aucun état d’âme tout cet héritage appartenant aux Zéa d’Abélé.
À la mort de Tazara, certains des Zéa qui voulaient travailler la terre, n’en avaient plus parce que leur patrimoine foncier avait été vendu.
Cependant, quelques braves fils d’Abélé n’oubliaient pas à quel point le travail rendait noble et par conséquent refusaient d’être des parasites sur ces généreuses terres. Ohi-Low était partisan de ceux-là, mais hélas ! Il trouva la mort parce qu’il voulut conscientiser ses frères pour qu’ils ne vendent pas leur héritage foncier aux étrangers.
Ce fut à cette liste non exhaustive, des acteurs de progrès du village d’Abélé victimes de la méchanceté des sorciers, que vint s’ajouter Ocley, le fils de Zagoté.
En effet, Zagoté travailla longtemps en ville avant de venir s’établir au village à sa retraite. Là, il travailla cette terre que le cadre Ohi-Low voulait qu’on protège contre les prédateurs.
Cet homme à la retraite défrichait un lopin de terre avec son fils Ocley lorsque ce dernier trouva tragiquement la mort.
Le jeune homme avait quitté l’école pour suivre son père Zagoté au village et il ambitionnait devenir un grand fermier.
Les gens disaient qu’un mystérieux orage aurait éclaté dans le périmètre forestier où il travaillait avec son père, et qu’un éclair l’avait foudroyé. Le pauvre garçon fut tué par le feu tombé du ciel.
C’était la première fois qu’une mort aussi terrible survenait dans la communauté. Alors bien entendu, cela inquiéta énormément les habitants d’Abélé, pour qui le décès du jeune Ocley ne semblait pas naturel.
Les sages du village avaient coutume de dire que mourir de la sorte ne pouvait qu’être le fait des sorciers. Ces mangeurs d’âmes ôtaient la vie aux acteurs du développement au sein de la communauté. L’on se demandait si l’offense que fit Ocley aux sorciers et qui lui coûta la vie, n’était pas son ambition de vouloir devenir un paysan moderne.
Malgré ces faits surprenants et révélateurs d’un esprit diabolique, personne n’osait dire quoi que ce soit pour ne pas s’attirer le courroux d’une odieuse société secrète qui maintenait le village dans un deuil permanent.
Cependant, il était temps que la communauté combatte par tous les moyens ceux qui usaient de sortilèges pour nuire au village d’Abélé et ce qui semblait être une « mafia » du crime.
Cette communauté d’Abélé, qui n’ignorait pas la gravité de ce mal, s’obligea donc à recourir à certaines manières de faire justice, auxquelles elle avait pourtant tourné le dos.
Les individus qui s’étaient cachés