Les Fils de Lear É. Glissant, V.S. Naipaul, J.E. Wideman , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2003

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845864603

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Dominique Chancé
Les Fils de Lear É. Glissant, V.S. Naipaul, J.E. Wideman
KARTHALA
LES FILS DE LEAR
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture :
« Les compagnons du soleil », tableau de Michel Rovelas (Guadeloupe).
Éditions KARTHALA, 2003 ISBN : 2-84586-460-4
Dominique Chancé
Les Fils de Lear
É. Glissant (Martinique) V. S. Naipaul (Trinidad) J. E. Wideman (États-Unis)
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
À la mémoire de mon père, bien entendu
INTRODUCTION
À propos de King Lear
« Déchéance est ma parabole depuis des suites de pères. » Gaston Miron, « Avec toi », inL’homme rapaillé.
Il est loisible d’entendre dans notre titre « fils de l’ire » aussi bien que fils de Lear, car c’est d’une grande colère que sont porteurs ces hommes qui ont reçu en legs la destitution du père. Lear est lui-même un roi coléreux dont les accès de rage et les insultes secouent de violence toute la pièce de Shakespeare dont il est le héros malheureux. Les fils ne peuvent qu’hériter de cette ire qui envahit le père, lorsqu’il découvre que ses filles, stryges, monstres, perdant tout respect filial, l’abandonnent à sa solitude dès qu’il abdique tout pouvoir en leur faveur. Que leur a-t-il laissé d’autre d’ailleurs ? Ces fils (imaginaires, certes, mais imaginables) sont à leur tour pris de colère et de rage, à la fois contre le désordre qui les entoure, cette forêt sauvage qu’est la société lorsque la loi n’y est plus visible, et contre le père lui-même – ce qu’ils avouent plus difficilement – qui n’a pas su préserver la loi, qui s’est lui-même jeté dans la gueule du loup, dans le grand vide qu’il créait par sa provocation absurde. Car il
8 LESFILS DELEAR y a de la provocation et de l’absurdité à demander, lorsqu’on est père et roi, comment on vous aime, et à vouloir être aimé absolument, sans partage, sans les détours et la médiation d’une loi, d’un règlement symbolique. Et la provocation ouvre sur « le dérèglement de tous les sens », violence, errance, déchirements sauvages, trahisons, paroles démesurées, et plus encore perte du sens. Dans un monde où aucune loi n’est plus lisible, une lande stérile s’offre aux regards ; une fois encore « le temps est sorti de ses gonds », le monde est désastré. L’homme y passe hirsute, en lambeaux, hurlant à la mort qu’elle vienne le prendre, déplorant tant d’inhumanité que pourtant il a fait naître autour de soi, par sa soif d’absolu, son caprice ultime, la tentation perverse de se mettre au-dessus de sa propre loi. Lorsque le père lui-même ne soutient pas la loi qui le porte, il ne peut que se retrouver nu, défait. Le roi Lear prononce à l’acte III, scène 4, des mots que cite vraisemblablement V.S. Naipaul dansA House for Mr Biswas, à la fin du prologue de son roman, dans une conclusion anti-cipée qui annonce la mort du héros dans sa propre maison :
How terrible it would have been, at this time, to be without it [the house] : to have died among the Tulsi, amid the squalor of that large, disintegrating and indifferent family ; to have left Shama and the children among them, in one room, worse, to have lived without even attempting to lay claim to one’s portion of the earth ; to have lived and died as one had been born, unnecessary and unaccommodated.
Le lecteur français ne peut entendre, dans l’emploi du terme unaccommodated, la citation que les lecteurs anglophones et 1 anglicistes de Naipaul ont, pour leur part, souvent remarquée . En effet, la traduction de Louise Servicen ne peut guère éveiller d’échos shakespeariens :
1. LesLettres entre un père et un fils, publiées en 1999, chez Little Brown and Cie, attestent que Naipaul était un lecteur assidu de Shakespeare, et en particulier deKing Lear.
INTRODUCTION
9
« Combien il eût été terrible, à cette époque, de ne pas la posséder : de mourir parmi les Tulsi, dans la sordidité de cette vaste famille indifférente qui se désagrégeait ; de laisser Shama et les enfants parmi eux, dans une seule chambre ; et, qui pis est, d’avoir vécu sans même essayer de revendiquer pour soi une parcelle de terre ; d’avoir vécu et d’être mort comme on 2 était né, inutile et sans gîte ».
« Inutile » ne rend pas compte deunnecessaryqui est d’une revendication philosophique plus exigeante, mais surtout, « sans gîte » ne suggère pas pour le lecteur français le texte de Shakespeare. Pourtant, sans vouloir donner à la citation d’un seul mot une importance démesurée, il nous semble que la figure du roi Lear et la tragédie éponyme éclairent le drame de Monsieur Biswas et qu’un détour par Shakespeare est susceptible d’indiquer, par conséquent, certains enjeux du roman de Naipaul. Si de nombreux critiques ont vu, dans le termeunaccommodated, une citation et ont rapproché les propos de Naipaul de ceux de Shakespeare, ils ne se sont pas aventurés plus loin, afin d’explorer la relation entre Naipaul et Shakespeare, entre le roi Lear et M. Biswas. Pourtant, une citation n’est pas seulement un ornement ou un effet de culture, elle indique des parentés, des parcours sur lesquels passent et repassent les problématiques humaines et artistiques. M. Biswas est une sorte d’anti-Lear, car il fait le parcours inverse, à moins qu’il ne soit le fils du roi, sommé, après un père désastreux, de reconstituer l’héritage que Lear, au début de la pièce, morcelle entre ses filles. Il lui faut reparcourir tout le chemin de la paternité et de la dignité humaine à partir de ses lambeaux. Les propos du roi Lear, errant dans la lande, sous un orage implacable, rappellent le dénuement extrême de l’homme :
2. V. S. Naipaul,Une maison pour Monsieur Biswas,Prologue, traduction Louise Servicen, Gallimard, 1980, p. 13. Nous ne prétendons nullement critiquer la traduction, nous indiquons simplement qu’elle ne peut rendre les résonnances shakespeariennes. Il y faudrait une note. Encore n’est-on jamais absolument certain de l’effet d’intertextualité ; il peut être imputable au hasard et à la lecture tout autant qu’à l’auteur.
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