Le prince et le pauvre , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2018

Nombre de lectures

2

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

2 Mo

Ma r k Twa i nL e pr inceet le pauvr e
traduit de l’anglais par
Paul Largilière
Roman
Edition : Dar ALQALAM ALARABI MAROC-2018
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N ai ssan ce du pr i n ce et du pau vr e Dans l’antique Cité de Londres, par un beau jour d’automne du second quart du seizième siècle, naquit à une famille pauvre du nom de Canty un garçon dont elle n’avait que faire. Le même jour un autre enfant anglais naissait à une famille riche du nom de Tudor, qui aurait pu difficilement se passer de lui. Toute l’Angleterre, d’ailleurs, le réclamait avec impatience. L’Angleterre l’avait si longtemps attendu, elle l’avait tant souhaité, elle avait tant prié Dieu de le lui accorder que, maintenant qu’il était là, le peuple était presque fou de contentement. Des gens qui se connaissaient à peine se sautaient au cou et s’embrassaient en pleurant. Tout le monde chômait. Grands et petits, riches et pauvres festoyaient, dansaient, chantaient, s’attendrissaient. Cela dura plusieurs jours et plusieurs nuits. Le nouveau-né, Édouard Tudor, qui se nommait aussi le prince de Galles, était emmailloté dans ses langes de satin et de soie, inconscient de tout ce tapage, il regardait avec de grands yeux, sans y rien comprendre. Mais personne ne parlait de l’autre bébé, de ce Tom Canty, empaqueté dans ses pauvres guenilles, et si
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malencontreusement tombé comme une tuile parmi les misérables qui déjà ne s’accommodaient guère à leur sort. La maison qu’occupait le père de Tom était au fond d’un cul-de-sac empuanti, nommé Offal Court. C’était une masure, basse, délabrée, rachitique, mais pleine comme un œuf de pauvres et de va-nu-pieds. Le père et la mère avaient une espèce de lit dans un coin. Par contre, Tom, sa grand-mère et ses deux sœurs Bet et Nan n’étaient pas limités : ils avaient tout le parquet pour eux et couchaient où et comme ils voulaient. Il y avait bien les restes d’une paire de draps et quelques bottes de paille malpropre, mais cela ne pouvait bonnement faire des lits ; on les roulait en tas le matin, et chacun en prenait, le soir, ce qu’il jugeait bon. Bet et Nan avaient quinze ans ; elles étaient jumelles. C’étaient de braves filles, très sales, vêtues de haillons et ignorantes comme des carpes. John Canty volait et sa mère mendiait. Les enfants mendiaient aussi, mais on n’avait pu faire d’eux des voleurs. Parmi l’ignoble racaille qui grouillait dans ce logis vivait, sans en faire partie, un bon vieux prêtre dépouillé de ses biens par le roi. Il prenait souvent les enfants à l’écart et leur enseignait en secret à discerner le bien et le mal. Le Père André avait aussi donné à Tom quelques notions de latin, et lui avait montré à lire et à écrire. Avec tout cela, Tom n’était pas malheureux. Il avait 4
la vie dure, mais il n’en savait rien. C’était après tout la vie de tous les enfants d’Offal Court. Aussi la trouvait-il convenable et même confortable. Quand il rentrait, la nuit, les mains vides, il savait d’avance que son père l’accablerait de malédictions et de coups, et qu’aussitôt après son affreuse grand-mère renchérirait sur la correction en lui donnant triple rossée. Mais il savait aussi qu’au milieu des ténèbres, sa mère, mourant de faim, se glisserait à la dérobée jusqu’à lui avec une misérable croûte de pain qu’elle avait épargnée sur sa bouche. Pourtant Tom avait la vie assez gaie, surtout en été. Il ne mendiait que tout juste pour sauver sa peau, car les lois sur la mendicité étaient rigoureuses et les pénalités sévères. Aussi pouvait-il consacrer une bonne partie de son temps à écouter le brave Père André qui lui contait de vieilles et charmantes histoires, des légendes de géants et de fées, de nains et de génies, de châteaux enchantés, de rois et de princes magnifiques. Sa tête s’emplissait de toutes ces choses merveilleuses. Bien des fois, la nuit, quand il était 5
étendu sur sa paille grossière et incommode, moulu, la faim au ventre, le corps meurtri par les coups, son imagination donnait carrière à ses songes. Il oubliait alors ses souffrances et ses maux, en se figurant le délicieux tableau de la vie que mène un prince au sein des délices de la cour. Peu à peu une idée le hanta jour et nuit : il aurait voulu voir un prince, mais le voir de ses yeux. Il lisait souvent les bouquins du prêtre et se les faisait expliquer et commenter. Ses rêveries et ses lectures opérèrent petit à petit une transformation dans tout son être. Les personnages dont il peuplait son cerveau étaient si beaux qu’il se prit à avoir honte de ses guenilles, de sa saleté, et à souhaiter d’être mieux lavé et mieux habillé. Il est vrai qu’il n’en;continuait pas moins à se vautrer dans la boue mais, au lieu de dévaler la berge de la Tamise et de piétiner dans l’eau simplement pour s’amuser, il commença à apprécier l’utilité et l’avantage des bains et à s’en payer à cœur joie.
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T om r en con t r e l e pr i n ce Tom se leva le ventre creux ; il l’avait creux encore quand il sortit pour aller battre le pavé ; mais, par contre, il avait la tête pleine des splendeurs de son rêve. Il erra çà et là dans la Cité, allant sans savoir où, sans prendre garde à ce qui se passait. Il arriva ainsi à Temple Bar, qui était la limite extrême de ses explorations accoutumées. Il s’arrêta un moment pour se consulter ; puis, replongé dans ses visions, il passa outre et se trouva hors de l’enceinte de Londres. D’un côté, il y avait une file assez longue de maisons, mais, de l’autre, on ne voyait qu’un petit nombre de constructions éparses, résidences de la haute noblesse. Il descendit alors en baguenaudant une route tranquille et charmante, passa devant le palais somptueux du grand cardinal, et se dirigea vers un autre palais beaucoup plus important, plus majestueux, qui se trouvait au-delà, et qui était Westminster. Tom contempla, avec des yeux émerveillés, cette masse énorme de maçonnerie aux ailes éployées, les bastions sourcilleux, les tours menaçantes, la large porte de pierre avec sa grille dorée, ses superbes lions, colosses de granit, et tous les signes et symboles de la puissance. Le rêve qu’il avait si longtemps caressé allait-il enfin se réaliser ?
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C’était bien là, en effet, le palais d’un roi ; mais lui serait-il donné d’y voir un prince, un prince en chair et en os ? Ah ! si le ciel pouvait exaucer ce vœu ! De chaque côté de la grille d’entrée se dressait une statue vivante, c’est-à-dire un homme d’armes, raide, immobile, couvert de la tête aux pieds d’une armure d’acier resplendissante. À une distance respectueuse étaient attroupés des gens de la campagne ou de la Cité, attendant une occasion pour saisir au passage quelque manifestation de la grandeur royale. De splendides carrosses, à l’intérieur desquels se prélassaient de splendides personnages, tandis qu’au-dehors se perchaient des laquais non moins splendides, entraient et sortaient par d’autres portes pratiquées dans le mur d’enceinte. Le pauvre Tom en haillons se rapprocha à pas de loup et passa timidement devant les sentinelles. Son cœur battait à rompre sa poitrine. Tout à coup il aperçut à travers la grille dorée un spectacle qui faillit lui arracher un cri de joie. Dans la cour du palais se tenait un jeune garçon de son âge, Il portait, avec une aisance pleine de charme, de beaux habits de satin et de soie semés de pierreries étincelantes. Près de lui se trouvaient quelques beaux messieurs, qui étaient sans aucun doute ses serviteurs. Oh ! c’était bien là un prince, un prince vivant, un vrai prince ! Il ne pouvait y avoir, à cet égard, pas même l’ombre d’une hésitation. Le souhait de l’enfant pauvre était à la fin exaucé ! Tom haletait, suffoqué, transporté ; ses yeux se 8
dilataient ; les bras lui tombaient ; il n’en revenait pas. Ravi, extasié, il n’eut plus qu’une pensée : être tout proche du prince, face à face, pour le dévorer du regard. Sans savoir comment, il se trouva le visage collé contre la grille. L’instant d’après, un des soldats le saisit à bras-le-corps, l’arracha rudement et l’envoya pirouetter au milieu des manants et des badauds, en criant : – Veux-tu bien te retirer, petit drôle ! La populace avait applaudi et éclaté de rire ; mais le jeune prince avait bondi de colère. Le rouge au front, les yeux flamboyants d’indignation, il s’était exclamé : – Insolent ! Oser maltraiter ainsi en ma présence ce pauvre petit ! Oser porter la main sur un Anglais, fût-il le dernier des sujets de mon père ! Qu’on ouvre la porte et qu’on le fasse entrer !... Les portes tournèrent sur leurs gonds. Le petit prince pour rire d’Offal Court s’élança, guenilles au vent, vers le vrai prince de Westminster et lui tendit la main. – Tu as l’air harassé, affamé, avait dit Édouard Tudor. On t’a fait mal, viens avec moi. Édouard conduisit Tom dans un somptueux appartement, en lui disant que c’était là son cabinet de travail. Puis il commanda d’apporter un repas si copieux, que Tom n’en avait jamais vu de pareil, si ce n’est dans les livres. Ensuite il s’assit tout près de lui et se mit à le questionner pendant que Tom mangeait. 9
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