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Paris, avril 2020. Infirmière, la quarantaine, deux ados et du diabète, Marion se surnomme "la quiche" avec lucidité. Trop serviable, trop bonne poire, trop inhibée. Jusqu'au jour où tout bascule.
Alors qu'elle traverse Paris confiné sur son vélo, elle rencontre Loïc, un flic ravagé par le chagrin de voir mourir son meilleur ami en soins palliatifs. Il lui propose l'impensable : danser presque nue devant son vieux pote, comme avant, lorsque les deux compères fréquentaient les cabarets.
Et pourquoi pas, se dit-elle ? Si sa libération passe par un strip-tease improvisé, qu'à cela ne tienne.
De cette première expérience nait un furieux désir d'émancipation. Marion ne se lamente plus sur son passé, elle s’en affranchit. Elle s’amuse enfin et se libère, physiquement, professionnellement, familialement.
Un magnifique portrait de femme drôle et émouvant, un vrai cocktail d’émotions servi par un style incisif. Vous allez ouvrir ce roman, lire le 1er chapitre et vous ne pourrez plus le poser avant la fin !
L’irrésistible Marion L.
Julie GAILLARD
Roman
IGB EDITION
IGB Édition soutenant Reforestaction ,
l’impression originale de ce roman
a permis de planter 20 arbres.
© 2022 IGB Édition / Gaillard
Photographie de l’auteur : Julie Gaillard
Conception de la couverture : Claire Izard et Emma Palissot
Maquette intérieure : © 2021 IGB ÉDITION.
ISBN 978-2-491770-53-2
Cet ouvrage est une œuvre de fiction qui révèle certains aspects autobiographiques. Ainsi les noms, lieux et actions peuvent relever de l’imaginaire ou illustrer le passé de l’auteur. Cependant toute ressemblance avec des personnes inconnues, vivantes ou décédées, des évènements ou des situations serait pure coïncidence.
TABLE DES MATIERES
1
Mauvais Karma
2
L’escapade
3
Une quiche à terre
4
La polka des papillons
5
Se mettre à nu
6
Quiche un jour, quiche toujours !
7
Laver son linge sale
9
Corrida à Courbevoie
10
Business plan
11
Rien que de l’eau
12
Je chante un baiser
13
Poney-club
14
À contre-courant
15
L’inauguration
16
Ma petite entreprise
17
Sur le trottoir d’en face
18
Le grand jeu
19
Épilogue
REMERCIEMENTS
À Denis,
1
Mauvais Karma
Ce besoin irrépressible de me fondre dans la masse, de ne jamais froisser personne, c’est pire qu’un morceau de scotch qui me colle au doigt.
Surtout ne pas déplaire, c’est mon unique cahier des charges.
Plaire ?
Plaire, c’est séduire, c’est assumer, c’est physique.
Plaire, c’est se trouver belle, c’est oser jouer, c’est prendre du plaisir.
Je ne sais pas faire cela. Je ne peux pas faire cela. Trop de mécanismes de défense autour de moi, comme autant de petits soldats, mis en place par mes soins dès l’âge de cinq ans.
La faute à papa, un vieux vicieux. Il nous lisait, à ma sœur Frédérique et moi, les passages les plus croustillants de la série SAS. Sur la couverture de chaque roman figurait une fille quasi nue, au cul surdimensionné, une kalachnikov fichée entre les deux seins. Le dimanche soir, il s’allongeait par terre, devant la télé et regardait la playmate faire son show pendant qu’on jouait à la poupée Barbie sur le canapé. Parfois, il nous racontait ses conquêtes. Qui ? Comment ? Où ? C’était glauque à souhait.
Alors j’ai fini par tout mélanger, papa avec les autres hommes, mon corps avec celui de toutes ces femmes qu’il avait regardées comme des objets. J’ai tout camouflé pour ne plaire à personne.
Inutile de s’éterniser sur le sujet. J’ai fait le tour de la question avec une farandole de psys.
Déplaire ?
S’opposer, provoquer, s’asseoir les pieds dans le vide ?
Je n’ai jamais pris le pli.
La faute à maman qui vit avec l’angoisse chevillée au corps.
Tu veux faire du vélo ? Tu vas tomber.
Tu veux marcher pieds nus ? Tu vas t’enrhumer.
Tu veux faire médecine ? Tu vas te planter.
Tu veux pratiquer la danse ? Tu vas souffrir.
Tu veux sortir le soir ? Tu vas te faire agresser.
Risque, risque, risque ! Risque à tous les étages.
Chez moi, on se coule dans un moule, on ne fait pas de remous, on ne tape pas du poing sur la table. Ma plus franche opposition a été de manifester contre le C.I.P. en 1994. Maman m’a crue pulvérisée sous la matraque d’un CRS et m’a séquestrée pendant deux ans. Je n’ai pas récidivé. Plus vicieux, la mater m’a transmis une bonne part de ses angoisses. Je vois le danger partout, je le crains, je le guette, je le traque, je le calcule, je l’évite.
Je suis passée experte dans l’art de l’aléa maîtrisé. Ma meilleure parade est de tout contrôler, de parer à tout imprévu. Si tout est programmé, je minimise la probabilité de tomber sur une tuile. Planifier les vacances, la scolarité, les repas, les week-ends. Ne pas déménager, ne pas changer de boulot. Rendre l’avenir aussi certain que le présent, cadré et ennuyeux.
Coincée entre ces deux extrêmes, je me contente donc de ne pas déplaire, de me fondre dans le décor. Je porte à merveille le costume de la gentille fille serviable, de la bonne poire qui ne fait pas de vague. De celle que je surnomme la quiche et qui habite mon corps. Un plat qu’on cuisine quand on ne sait plus quoi faire à dîner, avec les trois œufs qui restent au fond du frigo. Une tarte qu’on oublie dès qu’on a fini son assiette.
Rassurez-vous, mon profil est apprécié autant que répandu dans notre vieille société patriarcale.
Au boulot, la quiche est à l’heure, discrète, pas syndiquée et prend ses vacances en juillet pour arranger ses collègues. Infirmière est un métier parfait pour ce plat régional fait de crème et de lardons. Il s’agit de suivre la prescription faite par un autre, de respecter des protocoles, d’être avenante. Le bon sens et l’empathie sont nécessaires mais la hiérarchie déconseille la réflexion et la prise d’initiative.
À la maison, la quiche ne déplaît pas à son mari. Le couvert est mis, une femme docile l’attend dans son lit, l’embrasse sur la joue le matin et sur les lèvres le soir.
La quiche sait également satisfaire ses enfants. Elle cède à Théo pour le smartphone dernier cri. Elle dit oui à l’abonnement Netflix pour Elena. Elle dresse la table pour eux aussi.
Au supermarché, elle laisse passer la petite vieille et ronge son frein en silence si on la double.
Dans la rue, elle est habillée comme sa voisine et traverse au bonhomme vert.
Ne me cherchez pas. Vous me croisez chaque jour mais je suis invisible.
Je m’appelle Marion, quarante ans, infirmière, mariée, deux ados. Diabétique depuis peu.
La question n’est plus de savoir pourquoi j’en suis arrivée là mais comment sortir de l’impasse.
2
L’escapade
Jeudi 26 mars 2020.
Coronavirus. Cluster. Crise sanitaire. Chaos hospitalier. Confinement.
Cacophonie.
Ma situation n’est pas enviable.
Au premier jour de la phase 3 de l’épidémie, la médecine du travail m’a déclarée inapte en raison de mon diabète. Les études tombaient les unes après les autres. Cette foutue pathologie était un facteur de risque de développer une forme grave. Le toubib a ajouté avec tact que mon surpoids n’arrangeait rien, les obèses occupant visiblement la majorité des lits de réanimation.
La quiche devient donc grosse et cloîtrée à domicile, attelée à ne pas déplaire à sa sainte famille.
C’est à ce moment précis que je perds pied.
En deux semaines, je m’habitue à errer dans le salon, hagarde, à espérer un regard des miens.
Théo, seize ans, a rodé son emploi du temps et me l’a envoyé par mail le 20 mars. Réveil à 11 heures, continuité pédagogique de 11 heures à 13 heures, haltérophilie de 13 heures à 15 heures, 500 g de pâtes de 15 heures à 16 heures. Sieste. Reprise du programme à l’identique de 16 h 30 à 21 h 30 avant enlisement devant son portable jusque tard dans la nuit.
Elena, quatorze ans, m’a demandé peu d’imagination pour parvenir à reconstituer son planning. Ne changez pas les horaires de son frère, remplacer les pâtes par le WhatsApp, les poids par le fond de teint et l’écran d’un smartphone par un miroir de poche.
Alain, leur père, a annexé notre chambre à coucher. La bande passante y est de bonne qualité, paraît-il. Puisque les grands buildings de La Défense sont bouclés, il négocie le cours du poulet en batterie depuis notre lit. Je n’imaginais pas que ça puisse pomper autant d’énergie. À midi, toujours en pyjama, il avale un sandwich et retourne jusqu’à la suite parentale, un téléphone pendu à l’oreille. Allô New-York ? Vendez tout ! En fin d’après-midi, il déboule dans le couloir et se rue dans la cuisine pour se défouler, un couteau à la main. Ciseler la ciboulette, détailler un carré d’agneau, découper des pommes de terre en rondelles, n’importe quoi pour s’occuper les mains.
Depuis cinq jours, je suis au chômage technique. Je relaie des photos débiles sur des groupes d’amis virtuels, j’écoute des chanteurs pop, dont je n’avais jamais entendu parler, donner des concerts depuis leur salle de bains, j’essaie de lire un livre sans jamais dépasser la page vingt. Un temps infini m’est offert pour me consacrer à moi-même et je ne sais qu’en faire.
J’utilise ma dérogation et mon heure de liberté pour réfléchir. Je prends ma bouffée d’oxygène vers dix-sept heures, quand mon inutilité devient la plus flagrante. Je déambule dans les avenues désertes, mon attestation de sortie et mon passeport au fond de ma poche. Je découvre des rues de mon quartier dans lesquelles je ne suis jamais allée, j’observe les façades des immeubles, je compte les étages, j’apprends le nom des impasses. Les questions vont et viennent en moi comme la marée. À quoi rime cette vie de famille, cette vie tout court, construite dans le seul but de ne pas me confronter à mes démons d’enfance, de me complaire dans mes petites névroses ? Je suis prisonnière d’un donjon que j’ai érigé au fil des années. Cette tour a été très longtemps vitale. J’ai pu grandir dedans, à bonne distance des propos vicieux de papa et des pulsions morbides de maman. Pourtant mon donjon n’est pas cosy. Il n’est pas très large, juste pourvu d’un escalier en colimaçon qui donne le tournis et n’a pas de fenêtre. La seule lumière vient d’en haut. On peut grimper jusqu’à une petite plate-forme de laquelle on voit tout autour, à trois cent-soixante degrés. Enfermée sur ma mini-terrasse, je vois la ville et les champs au loin, je vois ceux qui se déplacent librement, qui se marrent, qui font du deltaplane, qui mettent leur sac sur le dos et s’en vont si loin qu’ils deviennent de minuscules points à l’horizon avant de disparaître.
J’ai construit cette citadelle brique après brique. Elle est imprenable. Mes enfants sont nés dedans sans même le savoir. Ils m’ont conféré un statut, un rôle, une place un peu niaise mais une place quand même. Théo est sur le poin