Echos Harmoniques d’une Epitaphe , livre ebook

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Si on parlait du Roman de Marine BUFFAT : ‘Echos Harmoniques d’une Epitaphe’ . . Dans ce roman, il est question de se définir. . . Prendre le risque de sortir de sa zone de confort et devenir ce dont on rêve.
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Publié par

Date de parution

01 août 2024

Nombre de lectures

0

Langue

Français

ÉCHOS HARMONIQUES D’UNEÉPITAPHE
Roman
49671 mots
1
Quel prénom à la con !
Quand même, ils auraient pu trouver autre chose.
Corine.
Si elle était née en mille neuf cent cinquante-deux, ça serait passé. Là non.
Alors certes,il s’agissait d’une dédicace à la poupée préférée de son pèrelorsqu’il était
petit.C’était mignon. Mais insuffisant à justifier cesabotage d’entrée de jeu.
Corine Parmentier.
Bonjour la honte. Elle avait bien fait de changer la première lettre. Malgré une pointe
d’originalité, Dorine se portait plus facilement.C’étaitmoins connoté Deschiens.
Seuls les intimes, et probablement les salariés du relai à qui elle présentait sa carte
d’identitépour retirer ses colis,connaissaient son prénom d’origine.
Les uns avaient accepté depuis longtemps de le troquer au profit de son presque
homonyme. Beaucoup plus aisémentqu’elle ne l’aurait imaginé. Comme si un simple petit
changement de lettre était parfaitement accessoire. Les autres s’en foutaient.
Ça n’avait pas empêché que la matinée débute dans les relents de fiasco du dînerd’hier.
Pourtant,elle n’était pas bourrée. Elle aurait préféré. C’était une excusetoute trouvée pour
justifier d’avoir agi contre son désir.Ça pailletaitle glauque d’un esprit festif. Alors que là il
2
lui fallait admettre avoir couché, en toute lucidité, avec un mec qui nelui faisait pas plus d’effet
qu’un bidon de lessive.
Les images lui revenaient par flash. Sa main déboutonnant son jean. Son corps musclé
appuyé contre le mur, la soulevant.
Non pas qu’elle ait oublié quoi que ce soit.Quelques heures seulement avaient passé et
à table elle avait tout juste bu deux verres de vin. En revanche, elle mettait un maximum
d’énergieà ensevelir sous des sacs de sable une quelconquetrace d’excitation ou de déroute. À
lester son évitement de tout son poids. Elle aurait donc pu espérer réussir au moins ça. Faire
semblant, jusqu’à s’auto-convaincre, qu’il ne s’était rien passé.
Rien à dire, il était massif, carré. Elle avait eu des frissons au creux du ventre, du plaisir
dans le bas des reins. La prestation était réglo. Peut-être que c’était le problème.Ses airs de
fiabilité, son côté beau-gosse rassurant. Brave et costaud. Elle avait passé la nuit à chevaucher
l’incarnation de l’ennui.
Puisque, en toute honnêteté, elle ne pouvait rien mettre sur le compte del’ivresse,ça
faisait d’elle quelqu’unqui n’ade respect ni de soi, ni des autres.
Dans son estomac remontait la boule de malaise.
Sa sœur l’avait placée à côté de lui, affichant sans détoursla couleur. Quand il s’agissait
de l’aider à se caser, ellene creusait pas le raffinement. Manifestement elle en faisait une
mission personnelle, considérant qu’à ce stadeon ne pouvait plus la laisser se débrouiller seule.
D’habitude, elle refusait de rentrer dans ce jeu. Même taraudée par l’enviede croquer
dans son prétendant putatif, elle affichait un dédain manifeste et constant, uniquement pour
faire acte de rébellion.
Là elle n’avaiteu envie de rien.
Sans surprise, ils n’avaient aucuns atomes crochus. En le regardant, elle voyait celui qui
jouait le bon père de famille dans les pubs pour biscottes des années quatre-vingt. Le scénario
était cousu de fil blanc. Aucun mystère.
3
Alors pourquoi s’était-elle retrouvée à mêler sa sueur à la sienne. A cambrer les fesses
et à relever son buste quelques secondesavant l’orgasme.
Visiblement,il n’était pas contre une partie de jambes en l’air.Ils’était montréassez
engageant pour que ce soit clair. De toutes façons, ils étaient là pour ça, non ? Lui, il suivait sa
logique, qui semblait volontierss’arranger avec la placidité, surtout si du sexe était impliqué.
Globalement, il avaitl’airpeu contrariant. Mais elle? Qu’était-elle venue faire là-dedans ? Où
avait-elle disparu ?
À cette heure,sa sœurdevait se féliciter de la réussite de son initiative. Ne soupçonnant
pas sa déception lorsque, cherchant à connaitre les évènements de la nuit, fantasmant sur ses
confidences à venir, voire anticipant une suite, elle se heurterait à son mutisme renfrogné.
Pendant le diner, elle n’avait rien trouvé de mieux que de se montrer engageante. Disons
que,sans être franchement active, elle ne l’avait pas ouvertement découragé. A vraidire, elle
s’était étonnée qu’il lui montre de l’intérêt. Qu’est-ce que sa sœur lui avait vendu ? Il semblait
considérer pouracquis qu’elle se tenait prêteàs’ouvrir àlui. Pourquoi donc nel’avait-elle pas
détrompé ?
Après avoir passé le restant de la nuit chez lui, dans son lit, elle était partieà l’aube, en
fuyarde. Se promettant de ne jamais le recontacter. De prétendre n’avoirreçu aucun message
si, par maladresse, il en laissait un. Elle espérait qu’il aurait, lui aussi, perçu à quel point ils
étaient mal assortis. Mais,elle devait l’avouer, jusqu’ici elle n’avait pas ététrès nette sur ce
qu’elle voulait ou non.
De petites lâchetés en défaites intérieures, elle avait fini par faire ce qui était attendu
d’elle.S’engager dans un truc qui ne lui ressemblait en rien. Quoi que. Avec Paul, que faisait-
elle de mieux ?
4
Passé quelques analogies marginales, ça restait différent. Non seulement sasœur ne
jouait pas les entremetteuses, mais elle voyait sa liaison avec son rédacteur en chefd’un très
mauvais œil. Et puis, avec Paul, sans pouvoir parler de complicité, ce n’était pas la vacuité
intégrale. Reste que les deux situations avaient en commun une jolie dose de médiocrité.
Surtout,cette sensation d’agir sans rapport avec qui elle était.
Sur son téléphone s’affichait le signal d’un nouvel SMS : « Salut Dorine, pas trop les
yeux qui piquent ? Je te souhaite une belle journée paresseuse après ton sport de la nuit ». Avec
un smiley. «A bientôt …».
L’ignorer, avec constance. En dépit de l’incohérence de son attitude,il finirait par
comprendre qu’ils ne se reverraient pas.
Si elle lui avait dit se nommer Corine, est-ce que ça aurait changé quelque-chose ?
Peut-être que ça lui aurait servi de repoussoir. De toute évidence, pour la plupart des
gens, son prénom signait son appartenance à une autre époque.
Plus âgée, elle aurait été en parfaite adéquation avec son temps, version jupe droite et
frigo collector. Plus jeune, elle se serait fondue dans la masse des sobriquets remarquables et
inattendus.
Se moquer des prénoms des camarades de ses neveux était un de leurs lieux communs
privilégiésà sa sœur et elle. Une zone de complicité abordable, créée à moindre frais. En
partageant peu, elles exagéraient leur connivence avec celle-ci.S’appeler Corine etl’avoir renié
lui tenait lieud’expertise.
5
Du haut de leurs onze ans et demi cumulés, ses neveuxétaient d’ailleurs surprenants.
Avec un sérieux pontifical, ils traquaient les erreurs de prononciation. En revanche, aucune
loufoquerie nominale ne les choquait. Ils avaient l’âge des idées larges.Quel que soit le choix
des parents, la normalité en était immédiatement admise.
Ça deviendrait une génération tolérante. Forcément. Des individus ouverts sur les autres,
pleins de personnalité. Accoutumés au ridicule et forcés à la neutralité pour ne pas sombrer
dansl’autodépréciation collective.
Malheureusement,elle n’avait paschance. Elle devrait être Dorine. Le plus cette
naturellement du monde. Avec un déni assez puissant pour lui permettre de croire que ce léger
travestissement n’en était pas un et qu’elle pouvait jeter aux oubliettes des souvenirs celle
qu’elle nevoulait pas être.
Ce soir, c’est Dorine qui iraitdéguster des gnocchis faits maison, assise sur la banquette
rouge de La Petite Cantine, confortablement calée dans le coin moelleux. À proximité du fond
de la pièce pour se sentir protégée comme dans un nid odorant aux effluves de bières et de frites.
La petitesse de la salle lui permettait d’écouter les conversations de ses voisins. Elle
pouvait sentir la brise de leurs rires, partager incognito une fine tranche de vie, tendre, goûteuse,
tout en n’étant pasoubliée par le serveur. Ce garçon aux longs cils noirs et à la démarche
dégingandée. Les jambes flottantes dans son éternel pantalon en velours beige. Agréable et
attentif. Toujours attentif avec elle. Il portait le sourire aux lèvres, la barbe de trois jours
négligée, la tranquillité nonchalante, accueillante.
Auparavant, elle devait finir sa nécrologie. Avec ce métier, par définition, impossible
d’avoir la maîtrise du calendrier.
Pour les grands noms, il était envisageable, voire incontournable,d’anticiper. Date de
naissance, principaux évènements marquants de la biographie, réussites professionnelles.
6
Elle pré-rédigeait la description de la face publique, les éléments historiques, dans un
style donnant l’impression de deviner les traits effacés de la part privée, plus personnelle.
Au dernier moment, avec une grande rigueur étant donné le sujet et la publicité associée,
elle adaptait le texte. Les trames étaient cependant écritesdes mois à l’avance.
Pour les inconnus, dont la famille avaitchoisi la sobriété, il s’agissaitd’unexercice tout
à fait automatique de copier-coller sur la base des données déjà remplies du formulaire. Son
attention se portait surl’absence d’erreurs,qu’il s’agissedel’heure de lacrémation ou de
l’orthographe sophistiquéed’un nom de famille.
C’était finalement pour les personnes de la catégorie intermédiaire que le travail exigeait
le plus de réactivité.
Pas célèbres au point dejustifier d’une pleine page, ils étaient néanmoins suffisamment
dignes de considérations, par leurs réalisationsou leur place dans le cœur des gens, pour que
les proches organisent un hommage appuyé. Elle ne pouvait alors pas se reposer sur un dossier
sommeillant depuis quelques années.
Rapidement et dans le respect du nombre de caractères imposés pour la mise en page,
elle devait trouver des mots qui ne dissonaient pas.
7
1.Alba
« Le service des maladies infectieuses de l’hôpital de Saint Vivier enRoucelle rend
hommage à Denis Manore, disparu le 4 octobre 2021.
Après avoir passé son diplôme d’infirmier, Denis Manore aeffectué plusieurs missions
humanitaires au service des plus démunis. Revenu en France,il s’est investi au chevet des
patients avec solidarité et humanité. Joueur de trompette, il est l’un des premiers à avoir
envisagé la musique en complément aux soins et àl’avoirinvitéedans les chambres d’hôpital.
Ses qualités humaines ainsi que son professionnalisme ont fait de lui un collègue apprécié de
tous.
Nous présentons nos condoléances à son épouse et à ses trois enfants. »
*
À chaque fois, cette sensationde fausseté. La nécrologie ferait l’affaire. Elle
correspondait au format attendu. Reprenait les mots clefs proposés par la famille. Reste que ce
texte était aussi plat que les champs de la Beauce.
Il conviendrait à Paul, qui lui jetterait un regard appuyé quand elle entrerait dans le
bureau. Coucher avec lui était une erreurqu’elle ne regrettait pas. Ses airs d’aventurier à moto,
avec son casque bicolore et sa veste en cuir, bien que clairement surfaits, la titillaient. De toute
façon, ellen’avait rien de mieux à se mettre sous la dent. Qu’il ait deux jeunes enfants, une
femme journaliste radio, n’allaitpas l’arrêter. Les problèmes de morale et de fidélité le
concernaient lui. Pas elle.
En revanche, il lui fallait sortir de ce puit de consternation dans lequel elle plongeait à
chaque nouvelle nécrologie. Même si elle l’avait choisi ce poste. Enfin, choisi.Disons qu’il
s’était imposé.Àla manière d’une évidence incongrue au bout d’unparcours foireux. Il payait
son loyer. Quarante-deux mètres carrés, à Paris, proches du périphérique. Elle habitait un rez-
de-chaussée avec une cour intérieure dans laquelle il était doux de sortir les chaises longues au
printemps.
8
Et puis, quelle meilleure façon de dire le tout del’existence? Son début, sa fin, ses
circonvolutions, ses empreintes dans la mémoire, secrète ou officielle. Son essence.
Pourtant,c’étaittellement insatisfaisant.
D’ailleurs,à part son chef, qui semblait trouver du charme à ses cheveux gras et à ses
airs de petite souris, à la rédactionpersonne ne s’intéressait à elleou à sa prose.Le cœur poivre
et sel de Paul devait déborder de monotonie, soncouple battre de l’aile. Probablement fatigué,
il se contentait de peu.
Alors elle avait trouvé une façon de conjurerl’absence de relief de ces concentrés
d’âmestout en respectant ce qui en constituait la grâce.
À partir des avis de décès publiés, elle racontait une histoire parallèle. Brodait autour
d’un personnage alternatif.Ecrivait ce qui comptait à ses yeux. Le détail, l’infiniment petit ou
l’infiniment grand,qu’ellepensait deviner dans la voix, le regard, la physionomie ou les
vêtements de la famille du défunt. Parfois, il lui arrivait de les avoir au téléphone et quelquefois
de les voir. Si elle ne pouvait partird’une intonation ou d’une allure, elle imaginait. Le plus
souvent d’ailleurs, elle imaginait. Elle leur devait bien ça et à elle aussi.
*
Denis Manore avait trois enfants. Alex, Allan et Alba. Trois A. Sans trop de raisons. Par
jeu. Par manque d’inspiration. Pour le clin d’œil aussi. Sa femme s’appelant Diane, leurs
copains de promotion les appelaient les D ou Dcarré.
Tous deux infirmiers, ils les avaient poussés à faire des études médicales, incarnant à la
fois le modèle et le repoussoir, l’objectif à dépasser. L’un était devenu kinésithérapeute, l’autre
dentiste et la troisième médecin. Pédiatre. Neuropédiatre.
9
Alba avait réussi sans difficultés majeures à passer la sélection de la première année.
Elle avait validé les suivantes, jusqu’à avoir un classementlui permettant de choisir sa
spécialité.
Sérieuse, concentrée, sûre d’elle, elle était pleine de la confiance sans esbrouffe que
donne un mélange de facilité et de faible sensibilité. C’était une personne dense, peu dispersée.
Une jolie blonde, pas très grande. Au charme rigoureux, devenu bourgeois au fil du temps.
Rejeton d’unefamille soudée, elle aimait les enfants. Logiquement, elle s’étaitdonc
dirigée vers la pédiatrie. Également par goût de la compétition. Ce penchant, allié à un attrait
pour la précision etl’excellence, l’avait poussée à se surspécialiser en neuropédiatrie.Son
salaire hospitalier lui permettait un niveau de vie largement supérieur à celui qu’elle avait enfant
sans que, ni elle,ni ses frères n’aient manqué de rien.S’orienter vers un exercice libéral était
une option à laquelle ellen’avait jamais pensé sérieusement.Ses parents lui avaient transmis
en héritage plus de quarante ans de métier au sein du service public. Alba ne doutait pasd’être
à sa place là où elle était.
Sur les bancs de la fac, elle avait rencontré Nicolas. Ils étaient énormément sortis,
avaient intensément travaillé, beaucoup bu. Pour conjurer la mort, les corps, la rivalité et la
fatigue, à la façon de ce qui se pratique dans les soirées de carabinsoù l’on s’enivreparce qu’on
est jeune, dur et persuadé de son éternité. Nicolas était chirurgien ophtalmologiste.
Après l’internat, Alba était devenue cheffe de clinique, puis avait été titularisée
praticien-hospitalier. Ses dix dernières années professionnelles étaient constituéesd’une
alternance de gardes, de consultations et, entre les deux, de passages chez elle. Son quotidien
se remplissait de nuits passéesà l’hôpital,d’examens,de prescriptions,d’échanges minutés
avec les parents, puis de retours à la tempérance du foyer.
En pédiatrie les urgences neurologiques sont peu fréquentes mais graves. Chaque
élément de routine préparait sa capacité, à tout instant, à réagir vite, faire une analyse qualifiée
de la situation, réaliser le geste adéquat.
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