145
pages
Français
Ebooks
2019
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Publié par
Date de parution
01 août 2019
Nombre de lectures
0
EAN13
9782764438213
Langue
Français
Du même auteur
Creuse ton trou , Éditions Québec Amérique, 2017.
M9A. Il ne reste plus que les monstres , Éditions Sabotart, 2015.
• Finaliste au Prix Jacques-Brossard 2016
Le cirque diabolique , Bruno Massé Éditions, 2014.
Le jardin des rêves , Guy Saint-Jean Éditeur, 2013.
Strigoiaca , Bruno Massé Éditions, 2013.
Necropolis , Bruno Massé Éditions, 2012.
Valacchia , Guy Saint-Jean Éditeur, 2012.
The Noxious and the Daemon Flower , Éditions la forêt noire, 2011 [2007].
L’Aube noire , Éditions la forêt noire, 2011 [2005].
Projet dirigé par Stéphane Dompierre, éditeur
Conception graphique et mise en pages : Nathalie Caron
Révision linguistique : Sylvie Martin
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain
Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre : Buzzkill / Bruno Massé.
Noms : Massé, Bruno, auteur.
Collections : Collection Littérature d’Amérique.
Description : Mention de collection : Littérature d’Amérique
Identifiants : Canadiana 2019002139X | ISBN 9782764438190
Classification : LCC PS8626.A79869 B89 2019 | CDD C843/.6—dc23
ISBN 978-2-7644-3820-6 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3821-3 (ePub)
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2019
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2019
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2019.
quebec-amerique.com
Prologue Swipe, swipe
Un éboulis.
Sur les rives du fleuve Niger, une montagne de béton s’est effondrée sur la plage du delta, toute une avalanche de gris déferlant à l’infini jusque dans les profondeurs de l’océan. Les barres d’acier percent à travers les décombres comme autant de côtes fracturées, dressées vers le ciel poussiéreux. Et les entrailles de la bête mécanique fument encore : des tréfonds en combustion s’élève une colonne de fumée rance, un kilomètre de haut. On peut même la voir de Lagos, et les cendres toutes fines retombent, doucement, innombrables, comme de la neige.
De la neige au Nigeria.
Sur le sable chaud de midi – le sable brûlant – se dandine un malimbe d’Ibadan, avec son plumage rouge et noir, possiblement le dernier de son espèce. Il est à la recherche de quelques larves juteuses, ses pattes menues particulièrement agiles au travers des algues séchées, des sacs de plastique éventrés et des pépites de styrofoam. Une enseigne publicitaire à moitié ensevelie bloque la vue, il la contourne indifféremment, passant un lettrage jaune fluo où on lit : « Fait pour durer ».
« Chup-i-wurr », chante le malimbe.
Ce n’est qu’au détour qu’il aperçoit, non loin, une main jaillir des éboulis.
Une main humaine.
Elle cherche désespérément, cette main, tremblante et meurtrie, un ongle arraché laissant une traînée de sang noir à travers une peau blanchie par la poudre. Elle tapote çà et là, à l’aveuglette, frénétique, animée par les derniers soubresauts d’une vie qui s’éteint. Elle cherche et trouve , enfin, juste là : son téléphone.
Un modèle récent, autrefois teinté rose doré et maintenant crasseux, éventré, le couvercle entrouvert comme une plaie, l’écran craquelé de toute part.
Craquelé comme un miroir.
Le malimbe s’approche, silencieusement, incline la tête sur le côté, l’air de se demander pourquoi l’intérêt, si ça se mange, ce truc, ou quoi.
« Chup-i-wurr. »
Dès que la main se saisit de l’appareil, une toute nouvelle force semble l’animer. Le téléphone est bercé au creux de la paume meurtrie tandis que le pouce s’active sur la surface accidentée, swipe , swipe , cherchant à retracer les chemins engravés si parfaitement dans la mémoire musculaire, malgré la douleur, l’enflure, la panique…
L’appareil s’illumine, émet un blip sonore.
Il ne reste qu’une seule barre, une barre rouge qui clignote.
Le pouce s’active. Mot de passe. Swipe.
MAUVAIS MOT DE PASSE.
Swipe, swipe.
MAUVAIS MOT DE PASSE. AVEZ-VOUS PERDU VOTRE MOT DE PASSE ?
Swipe, swipe.
Enfin le bon. Aussitôt, une panoplie d’icônes déroulent. Le pouce en trouve un au hasard, celui d’une appli de rencontres, un cœur rouge écarlate. DANS LE MOOD POUR L’AMOUR ?
Retour.
[APPLI RÉSEAUX SOCIAUX] 189 NOUVELLES DEMANDES D’AMITIÉ.
Retour.
[PREND UNE PHOTO]
Clic !
Retour.
[APPLI MÉTÉO] SOLEIL, 38 DEGRÉS, AS-TU TON MAILLOT ?
Retour.
[APPLI DE MESSAGERIE INSTANTANÉE]
AKSOFRR AA –> ENVOYER
[ICÔNE DE CHATON] –> ENVOYER
[ICÔNE D’AUBERGINE] –> ENVOYER
Retour.
Une pause. Ça ne fonctionne pas. C’est foutu. La barre rouge vacille, blip , et avec elle, la seule chance de survie. Enfin, une idée, une dernière tentative désespérée.
Le pouce s’active.
L’appli téléphone.
Le cadran à neuf chiffres.
9.
1.
1.
Mais avant de pouvoir envoyer, le téléphone glisse subitement de la main. Le malimbe l’a pris dans son bec et se dandine quelques centimètres plus loin, juste hors de portée. Il picore la surface une fois ou deux, presse des boutons lumineux avec sa patte – tous ces cœurs, et ces étoiles, et ces sourires pétillants –, et laisse tomber, convaincu qu’il n’y a pas de quoi s’exciter.
Avant de s’envoler.
« Chup-i-wurr. »
Dans les débris, un pouce reste seul à remuer, dans le vide.
Swipe, swipe.
Septembre : Des bonnes personnes
La plupart du temps, ces gens sommeillent. Cette vie de rêve est aussi importante – et selon eux, aussi réelle – que leur vie éveillée.
— Robert E. Howard, The Slithering Shadow , 1933
La pire cliente ever
— C’est comme ça que l’histoire se termine, tu sais ?
Clara au bout de sa chaise, tendue, le front appuyé sur le mur de plexiglas, les yeux injectés de sang rivés sur la manifestation vingt-deux étages plus bas. La cacophonie émerge des bas-fonds, avec les clameurs de la foule, le grésillement des mégaphones, le mugissement des sirènes de police.
— Hmm-hmm ? fait Océane, distraite.
Depuis son fauteuil, elle circule à travers ses messages, téléphone dernier modèle, rose doré, et passe des photos du revers de l’index, swipe, swipe , avant de retourner aux textos. Un cahier de papier artisanal, relié en cuir végétal, orné de gravures abstraites, est posé sur une petite table, toutes les pages encore vierges.
— Des gens comme nous, précise Clara, qui blablatent comme ça, tranquilles et au chaud, pendant que tout s’écroule.
Océane soupire. Dieu qu’elle est sans espoir ! Toujours la même rengaine. Et que dire de cette odeur ? Elle texte Gaspard et Marcus.
OCÉANE : OMG, J’AI LA PIRE CLIENTE EVER.
C’est ce mélange de sueur, de café et de désespoir. Ses vêtements de l’Armée du Salut en sont imprégnés, on la sent jusqu’à l’autre bout de l’étage. Impossible de croire qu’elles ont le même âge, avec cet air hagard, ces cernes sous les yeux, ces joues creuses, ces cheveux ébouriffés, comme une prophétesse de malheur, et pourtant. Clara aurait été mieux située sur une boîte de savon à scander ses inanités mais l’université a préféré imposer une thérapie à la géophysicienne au lieu de la congédier. Une courtoisie, vraiment, puisque selon l’expérience d’Océane, ces cas-là se terminent généralement au bureau de chômage, au poste de police, à la rue, puis à la morgue. Dans cet ordre-là.
Certaines personnes sont simplement t