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« Écoute-moi...Il faut que tu ailles à Ndakaaru, il faut que tu retrouves ton petitfrère, tu entends, il faut que tu le ramènes ici, à Kayar, mort ouvif. Même ses os. Tu entends ? »Ignorante du monde qu'elle découvre, Ngoné suit une Biguémutilée, de retour de sa confrontation avec un certain général,à la recherche de sa tête et de celle d'un pays à l'indépendancefalsifiée. Ce périple à travers le Dakar prometteur et pourtantdéjà dégradé des années quatre-vingt, nous emmène à la rencontredes rêveurs de vrais rêves. À la veille de l'arrivée d'un nouveaubourreau, ils résistent désespérément à ses programmes d'ajustementstructurels qui vont ébranler la société et malmener la culture.Dans ce nouveau récit, Ken Bugul confirme son talent de narratriceet plonge le lecteur dans un univers où s'entrecroisent descriptiond'une capitale en expansion, analyse sociopolitique et épopéemystique ; où malgré tout se découvre une créativité en effervescence.
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Date de parution

01 janvier 2022

Nombre de lectures

85

EAN13

9782371320017

Langue

Français

Aller et Retour
© Les Nouvelles Éditions Africaines du Sénégal - Dakar - 2021
ISBN : 978-2-37132-001-7
Les Nouvelles Éditions Africaines du Sénégal B.P. 260 - Dakar Tél. : (221) 33.822.15.80 Fax : (221) 33.822.36.04 E-mail : neas@orange.sn Site web : www.neas.sn
Ken Bugul
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Roman
Les Nouvelles Éditions Africaines du Sénégal
Du même auteur :
- Le Baobab Fou,NEAS 1982, réédité par Présence Africaine. - Cendres et Braises,l’Harmattan 1994. - Riwan ou le chemin de sable,Présence Africaine 1999. - La folie et la Mort,Présence Africaine 2000. - De l’Autre Côté du Regard,Serpent à Plumes 2003 - Rue Félix Faure,Hoebekke 2005. - La Pièce d’or,Ubu 2006, en réédition auxÉditions Eburnie. - Mes Hommes à moi,Présence Africaine 2008. -Cacophonie, Présence Africaine 2014.
Aux rêveurs de vrais rêves
– Écoute-moi… – Il faut que tu ailles à Ndakaaru*. – Il faut que tu trouves ton petit frère. – Coûte que coûte, – Tu entends ? – Il faut que tu le ramènes ici, à Kayar. – Mort ou vif. – Même ses os. – Tu entends ? Le père de famille qui parlait ainsi, s’adressait à sa lle, une jeune femme qui n’avait jamais entrepris un tel voyage. Elle ne connaissait cette ville qui attirait de plus en plus de gens à travers tout le pays, que par ce qu’en disaient ceux qui allaient et venaient. Les gens quittaient villages et villes décrépies abandonnant houes, hilaires, lets de pêche et s’y ruaient avec des rêves. Des hommes partaient et certains faisaient le voyage avec leurs chevaux et leurs charrettes. Des femmes, des jeunes femmes, des jeunes lles, vidaient les régions du pays, la Petite Côte, le Sine, le Saloum, la Casamance, et partaient y chercher du travail comme employées de maison, lingères, 1 pileuses, « vacancières ». Jeunes et vieux partaient, hommes et femmes aussi.
1- Écolières travaillant comme domestiques pendant les vacances scolaires.
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Certaines femmes partaient leurs bébés attachés au dos. Ndakaaru était réputée être un eldorado. L’intérieur du pays était réputé être une désolation. La jeune femme devait partir. Le père avait envoyé son ls à Ndakaaru auprès d’un oncle. Depuis plusieurs années, ce dernier avait quitté Lompoul, un village situé près de Kayar dans la zone appelée les Niayes, y laissant une épouse dont il n’avait pas eu d’enfant. Le père avait décidé seul. Il disait qu’un homme ne devait pas rester « assis ». Il fallait que son ls se « lève ». Il avait à peine dix-sept ans. Mais un homme n’était jamais « petit ». Le jeune homme partit un matin de bonne heure, avec le minibus qui desservait Ndakaaru. Depuis son départ, ni lui ni l’oncle de Lompoul, n’avaient donné de nouvelles. Par ceux qui allaient et venaient, le père et sa lle apprirent qu’un mois après son arrivée, le jeune homme n’était plus chez l’oncle. Ceux qui allaient et venaient racontaient des histoires effrayantes sur cette ville. Des domestiques étaient violées par des « patrons », et les épouses de ces derniers les déguraient à l’huile chaude ou les ébouillantaient, les accusant d’avoir provoqué leurs maris. Certaines ne touchaient pas leurs salaires et quand elles les réclamaient, elles étaient renvoyées et leurs employeuses leur disaient toujours de venir la semaine prochaine. Des allers et des retours incessants et infructueux, devant des portes fermées sous leurs nez, les faisaient renoncer. Des lingères lavaient pendant toute une journée du linge sale accumulé, et au moment de les payer, une maîtresse de maison sans
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scrupules, les accusait de vol et menaçait d’appeler la police. Les « vacancières » étaient battues, affamées et ne dormaient pas assez. Le chanvre indien et l’alcool frelaté en sachet y circulaient, faisant des ravages auprès des jeunes et des moins jeunes. Certains ayant tenté l’aventure plus loin encore, étaient morts dans les forêts denses de l’Afrique Équatoriale ou bien engloutis dans des eaux inconnues et profondes. D’autres avaient disparu dans des tempêtes de sable. Des rumeurs inquiétantes circulaient en permanence. Des jeunes et des moins jeunes se convertissaient à des courants religieux radicaux, et ils devenaient les censeurs d’une société qui se débattait dans ses paradoxes socio-économiques, existentiels et identitaires. Ils attaquaient les jeunes lles habillées en jupes courtes, en culottes, ou portant des habits décolletés, en leur jetant des cailloux et appelaient les foudres du ciel sur elles. Ils exigeaient que les homosexuels soient tués, brûlés vifs. Certains étaient recrutés par des groupes terroristes et partaient à Maiduguri ou ailleurs. Le père était inquiet. Sa lle l’était moins. Mais elle devait aller à Ndakaaru. Et elle devait retourner à Kayar avec son petit frère. Coûte que coûte. Mort ou vif. En chair ou en os.
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