97
pages
Français
Ebooks
2012
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Publié par
Date de parution
18 mai 2012
Nombre de lectures
13
EAN13
9782894553770
Langue
Français
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Date de parution
18 mai 2012
Nombre de lectures
13
EAN13
9782894553770
Langue
Français
Marie C . Laberge :
En Thaïlande : Marie au pays des merveilles
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Lemay, Geneviève, 1977-
À l’ombre du manguier
(Parfums d’ailleurs)
ISBN 978-2-89 455-293-3
I. Titre.
PS8623.E533A76 2008 C843’.6 C2008-941 388-1
PS9623.E533A76 2008
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’Aide au Développement de l’Industrie de l’Édition (PADIÉ) ainsi que celle de la SODEC pour nos activités d’édition. Nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de publication.
Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC
© Guy Saint-Jean Éditeur Inc. 2008
Conception graphique : Christiane Séguin
Révision : Hélène Bard
Photographie de la page couverture : Michael S. Lewis/National Geographic/Getty Images
Dépôt légal — Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Bibliothèque et Archives Canada, 2008
ISBN : 978-2-89455-293-3 ISBN EPUB : 978-2-89455-377-0
Distribution et diffusion
Amérique : Prologue
France : Volumen
Belgique : La Caravelle S.A.
Suisse : Transat S.A.
Tous droits de traduction et d’adaptation réservés. Toute reproduction d’un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie ou microfilm, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.
Guy Saint-Jean Éditeur inc. 3154, boul. Industriel, Laval (Québec) Canada. H7L 4P7. (450) 663-1777 Courriel : info@saint-jeanediteur.com • Web : www.saint-jeanediteur.com
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48, rue des Ponts, 78 290 Croissy-sur-Seine, France. (1) 39.76.99.43.
Courriel : gsj.editeur@free.fr
NOTE DE L’AUTEURE
La culture est le bagage initial de l’identité. C’est le point de référence qui permet de savoir qui l’on est et d’avancer dans les chemins sinueux de la destinée, sans pour autant perdre son équilibre. L’humain peut aussi, aujourd’hui plus que jamais, ajouter à son bagage le cumul de toutes les cultures, s’il est capable d’ouverture sur l’Autre. De cette manière, en découvrant l’humain universel, il cessera de vouloir devenir quelqu’un d’autre et il deviendra meilleur que jamais. Il sera l’humain qui est depuis toujours en lui.
CHAPITRE 1
Harmattan, huile de palme et serpent
Aïssétou Youla
L’harmattan avait voilé le ciel, et doucement était descendue une épaisse poussière recouvrant tout. Les bananiers, hautes herbes et habitations avaient rosi au contact de cette pellicule de sable rouge qui empoussiérait les gens, des cheveux aux sandales. Le soleil baissait enfin les armes et tout le village semblait se réveiller, encore engourdi par de longues heures de soupirs à l’ombre. Les femmes commençaient à piler les ingrédients du repas, le seul de la journée. Tous, chaque soir, mangeaient le riz poussé dans leurs bas-fonds, nappé d’une sauce constituée de ce qu’ils avaient ce jour-là. Aïssétou, comme chaque soir depuis qu’elle avait appris à marcher, donnait un coup de main à sa mère qui soufflait trop fort pour piler les aliments seule. Elle prit une poignée de petits piments rouges et commença cette danse effrénée qui l’emportait et lui donnait encore une fois la sensation de vivre. Sa petite sœur Fanta, bien installée à l’aide d’un tissu sur son dos mouvant, ne pleurait pas et semblait apprécier ce contact humain. Sortant un peu de cette sorte de transe, Aïssétou, plus par habitude que par crainte, se tourna vers sa mère et demanda :
— Qu’a-t-on aujourd’hui, Nga 1 , pour mettre sur notre riz ?
La grosse femme se leva de son petit banc rond sculpté dans un tronc d’arbre et répondit fièrement :
— La nouvelle famille qui a emménagé dans la palmeraie nous fait un beau cadeau ce soir, dit-elle en laissant paraître, bien malgré elle, une once d’excitation.
Nga, qui avait accueilli chaleureusement ces nouveaux arrivants, s’était vue remerciée par un petit quelque chose. Leurs nouveaux voisins, tristement pauvres, étaient venus construire leur paillote sous les palmiers le long de la piste, la route principale en terre battue qui reliait Madinagbe au reste du pays. Nga prit un petit contenant de plastique qu’elle avait caché sous son petit banc de bois rond et creux, et le tendit à sa fille.
— Dieu merci, cela faisait tellement longtemps qu’on n’avait pas eu d’huile de palme ! dit-elle en arborant le sourire d’un enfant à qui l’on vient de donner des biscuits.
Aïssétou prit rapidement le cadeau contenu dans un bidon d’huile à moteur recyclé et le posa à ses pieds. Elle ajouta quelques tomates dans le mortier et recommença cette sorte de danse qui sert à piler les aliments, se réfugiant dans ses pensées.
Il y a une semaine de cela, lorsqu’elle était allée chercher de l’eau au centre du village, sur la piste, elle avait aperçu un homme qu’elle ne connaissait pas. Les autres filles, qui allaient toujours puiser l’eau avec elle afin de se relayer pour activer la pompe à pied, avaient chuchoté et ricanaient en disant qu’il était de la famille des Sylla. L’on disait d’eux qu’ils étaient porteurs d’un mauvais sort et qu’à cause de cela, ils puaient. Celui-là était le plus vieux. Comment cette famille avait-elle reçu ce sortilège ? Elle s’arrêta de piler ses aliments, se tourna vers sa mère et demanda :
— Nga, tu les as rencontrés, toi, ces Sylla, comment étaient-ils ?
— Ce sont de braves gens, je crois. La vieille Sylla produit de l’huile de palme et je pense que ses fils veulent faire un réco-conso 2 . Et ils font bien avec la palmeraie que Dieu avait laissée là pour eux, sur la piste, ils ne peuvent pas faire autrement.
Mais Aïssétou, curieuse des choses sombres dont personne n’ose parler, voulut en savoir plus.
— Est-ce que vraiment… ils puent ? s’entendit-elle prononcer en reculant un peu, de peur que le fait d’évoquer ces choses puisse la contaminer elle aussi.
— Tu sais, ma fille, qu’il y a des odeurs qu’on sent, comme la terre, la sauce du riz et d’autres qu’on ne sent pas. Moi, je n’ai rien senti lorsque je les ai rencontrés à leur arrivée, je n’ai rien senti encore lorsqu’un des fils est venu me donner l’huile, le sang de leurs palmiers. Mais pourquoi pueraient-ils ? demanda la mère en replaçant son mouchoir de tête jaune et vert qui venait de perdre sa forme de turban, à la mode de cette année.
— J’ai entendu Mah et la grosse Binta dire, lorsqu’on était au puits, que cette famille était venue habiter ici parce qu’elle avait été chassée de son village, tout près de Forécariah. Elles ont même dit qu’ils portent la poisse et qu’ils puent. Moi, maman, tu sais que je ne vois pas ni ne sens ces choses ; Dieu merci, mais je m’inquiète.
— Peut-être as-tu raison, il faudrait faire attention à ces gens-là. Mais d’ailleurs, cela me fait penser que la femme m’avait fait peur. Elle était trop petite et cela, ce n’est pas bon. Seules les femmes qui s’adonnent au mal sont si petites.
La mère et la fille se regardèrent et fixèrent ensuite le contenant d’huile rouge qui semblait si précieux, il y a quelques secondes encore. Aïssétou le prit et sentit son contenu, inquiète d’y détecter une quelconque odeur diabolique. Mais rien, pas même un petit effluve suspect ni un petit picotement, et c’était encore plus inquiétant. Que faire maintenant avec ce sang de palmier venant d’une famille portant le mauvais sort et qui, de surcroît, avait été préparé par une femme chétive ? Tout le monde sait qu’il faut fuir les personnes courtes et maigres ! Nga, s’apercevant soudainement du danger, prit l’huile et lança un regard triste à sa fille :
— Attendons ; demain, je demanderai conseil à ce vieux sage de marabout, fit-elle en saluant du regard le réveil de la petite Fanta qui gazouillait, attachée au dos de sa sœur.
La nuit avait été belle et la lune, ou le sourire que formait son croissant, s’était agrandi depuis peu. Les enfants et quelques grands avaient chanté des chansons dédiées à cette chandelle placée très haut dans le ciel afin que tous bénéficient, pauvres comme riches, de sa lumière mystérieuse. Nga avait cependant mal dormi. Cette histoire de maléfice chez des gens si près de sa famille ne lui disait rien de bon. Qu’ils soient ou non porteurs d’un mauvais sort, elle et sa famille auraient à payer pour cela étant donné que c’étaient leurs voisins. Les Sylla habitaient à quelques centaines de pas de leur