90
pages
Français
Ebooks
2019
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Publié par
Date de parution
05 mars 2019
Nombre de lectures
3
EAN13
9782342165425
Langue
Français
Un livre auquel Yassin Elyagoubi consacra cinq années de sa vie : c'est Douleur sourde, qui évoque le conflit israélo-palestinien, un des conflits majeurs qui se perpétue au XXIe siècle. Il commence donc ses activités littéraires par Douleur sourde. Le sous-titre de l'œuvre, « poésies en proses », amorce l'explication de cette confrontation entre prose et poésie dans l'œuvre de Yassin Elyagoubi. Poète avant tout, il s'est toujours attelé à un décloisonnement des genres littéraires. Même si Douleur sourde s'éloigne de l'exercice poétique par sa forme, il n'en reste pas moins de la poésie engagée, attaché au langage métaphorique. En fait c'est l'histoire d'un de ces « Arabes » intégré par les mots, la culture française, qui tout à coup se souvient de ses origines mais pour se sentir en empathie avec le peuple israélien. Tout est en place pour la paix. Qu'attend-on ? Ce mélange des genres ne s'arrête pas là puisqu'on retrouve dans ce recueil des textes se rapprochant davantage d'une critique, d'un essai ou d'une nouvelle. En regroupant différents genres littéraires, Yassin Elyagoubi n'en crée pas un autre, mais tente simplement de rapprocher deux peuples : les peuples israélien et palestinien, à travers l'art et la langue française, en mariant la culture juive et la culture arabe.
Publié par
Date de parution
05 mars 2019
Nombre de lectures
3
EAN13
9782342165425
Langue
Français
Douleur sourde
Yassin Elyagoubi
Société des écrivains
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Douleur sourde
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
À mes parents, pour leur amour, leur présence et leurs encouragements.
À toute ma famille, qui m’a toujours entourée.
À Moho, pour tout ce que nous avons vécu ensemble.
À toutes celles et ceux qui m’ont accordé leur confiance.
Je remercie mon ami et professeur de lettres honoraire, Michel Gallet, pour son enseignement et ses conseils.
Le monde repose sur trois valeurs : la vie, la dignité et l’espérance…
Prologue. Le chantre d’Ûrshalîm 1
À la mémoire de Juda Hallevi.
Ainsi, je sentis sa tête qui se plaçait délicatement sur mon torse ; et j’entendis sa voix qui me confiait doucement à l’oreille :
« — Qu’est-ce qu’il y a ? Vous êtes triste ? »
Je la dévisageai ; c’était une juive mizra’him 2 , aux yeux très ouverts, légèrement maquillée ; les cheveux bruns et ondoyants.
« — Moi ? Pas du tout ! »
« — Mais si ! Je le vois bien, vous êtes triste. En fait, vous êtes un drôle d’écrivain !… »
J’allais partir à Jérusalem ; je connais bien la culture juive et israélienne ; c’est pourquoi la femme juive me disait :
« — Tu es juif, n’est-ce pas, mon poète ? » Cette inconcevable apostrophe me fit tressauter sur mes deux jambes !
« — Non ! » Criai-je vivement.
« — Séfarade 3 ? »
— Non. »
Et ensuite, elle amena de son dressing un portrait photographique.
« — Le reconnais-tu ?
— Oui, je le reconnais, c’est ibn Alhassan 4 . Hélas ! Certains juifs assimilés des pays méditerranéens ne le reconnaissent pas… Avant, je connaissais bien ce poète, celui qui disait que les juifs sont les seuls dépositaires d’une histoire écrite du développement de l’humanité depuis le commencement du monde. »
Et la femme juive reprit posément :
« — Quand nous nous reverrons, tu me reliras les derniers poèmes de Juda Hallevi ?
— Mais, lui dis-je, pourquoi me crois-tu donc le Chantre de Sion ?
— C’est que tu es si bon et si doux pour être un hagarien 5 . J’aime tant ces poètes séfaradis, c’est si agréable et si sage, un juif !
— Mais tu comprends que je suis arabe !
— J’ai une drôle d’envie que je n’ose… »
Elle dit cela d’un air si innocent, comme une jeune actrice dirait à un réalisateur célèbre qu’elle aimerait :
« — Sais-tu ce que c’est d’aimer ? Parce que je t’aime. » Moi, peinant, je repris : « — Non. »
Elle me répondit d’un air très triste, et même, autant que je peux me souvenir, en détournant les yeux :
« — C’est vrai, je suis bête ! Une femme juive et un mahométan 6 ! »
Qu’on ne prenne pas ces écrits pour des niaiseries. Dans un monde où les préjugés se multiplient, la cohabitation est mise à mal. Je connais un bon nombre d’hommes de bonne foi qui sont, comme moi, affligés et découragés par cette situation accablante. N’aurions-nous pas intérêt à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour vivre ensemble ? Avons-nous tout tenté pour que les barrières culturelles cessent ?
Ah, Seigneur ! Ayez pitié des passions antithétiques. Hélas ! La vie est aussi un monstre innocent…
Première partie. Spécificité du poète
1. L’expression de soi
Je n’écris ni une nouvelle, ni l’histoire d’un super-héros légendaire. C’est ici une poésie orientale 7 rare pour quelqu’un qui rêve en français ! Je veux qu’on m’y voie en ma façon la plus naturelle et ordinaire.
Presque tous les poètes intimistes que je connais aiment l’existence. J’exècre mon quotidien : vertueuse ou méprisable, ma vie est le Grand Moyen-Orient 8 , et le Grand Moyen-Orient est ma vie.
Il me serait difficile de me créer un passe-temps plus plaisant que celui de m’entretenir de mes propres origines, et de présenter ici, un beau sujet de rire à la bonne bourgeoisie active 9 qui m’écoute et me regarde exister. Je veux montrer à la Ve République française, un poète arabe, quoique français dans toute la vérité de la nature ; ce poète ce sera moi.
Je suis un de ces poètes des pauvres gens, un chantre de la paix. Je sens mon âme et je connais des centaines d’individus racistes, islamophobes, antisémites. Je ne suis fait comme aucun des suburbains que j’ai vus ; j’ose supposer n’être fait comme aucun de mes compères qui existent. Si je ne suis pas mieux, au moins je suis différent.
Si la société actuelle a bien ou mal fait son plan d’ostracisme, dans lequel elle m’a jeté… Enfin on ne peut juger de cela qu’après m’avoir lu. Quant aux xénophobes, si d’aventure ils me lisent, il me suffit de savoir que ce n’est point pour eux que j’écris. Ma poésie n’ajoutera rien à ce que les lecteurs savent déjà.
Cependant, mon lyrisme a un but, et je crois que le lecteur le verra ; alors je n’écris plus l’indifférence, je dicte l’espoir d’un État multiculturel, dont je fais joyeusement partie ⸮
2. Un art… assumé !
Les soldats sont inutiles (je veux parler des forces armées des États-Unis, bien entendu !).
Quoi encore ? Parce que je n’ai pas dit :
« — Les G.I 10 sont des tigres libérateurs ! ? »
Les femmes sont essentielles, et les penseurs indispensables. Un jour, je m’étais demandé quel est mon art ? Que produit-il ? Que fait-il révéler et subsister ? Que peut offrir au monde un poète ?
Il m’avait semblé que je sentais au fond de mon âme, le germe d’une jolie poésie ; supérieure à toutes les proses d’antan. Toutefois, ce n’était que fadaise !
Étant intellectuel et écrivain, je ne sais pas pourquoi j’écris des poésies ?
Quand soudain, j’entendis une voix intérieure : « — Écrire pour ceux qui souffrent… »
Je sortis avec une grande tristesse de mon logis. Et, désormais, je souffre pour toujours : « décrire » pour ceux à qui l’on a ravi tous les droits…
3. La juste soif ou l’orgueil ?
À un ami cinéphile.
L’homme profane se moque du félibre 11 qui fait le fanfaron. Est-il si blâmable de prétendre s’élever dans la société ? Laisser dire les imbéciles, le savoir a son prix ! Notre époque hiérarchisée serait-elle plus sensible aux distinctions héréditaires qu’au mérite personnel ?
Il demeure toutefois qu’il y a une importante différence entre être et paraître . C’est une juste soif que d’ambitionner à être meilleur, et capable d’exercer d’éminents emplois.
Cependant on rira toujours de ceux qui, comme le rejeton du travailleur immigré, se contentent de reproduire l’allure, les manières, les conditions des puissants, sans en acquérir les aptitudes et les mérites ; ou qui imaginent de vastes projets bien supérieurs à leurs possibilités.
Tenez, j’ai chez moi un garçon qui, pour étaler son génie, est le plus grand mythomane du monde ! Et un autre qui, fils d’un illustre potentat, est le héros de notre temps !…
Deuxième partie. Les demi-frères ennemis ?
1. Jidar Al-Fasl Al-’Unsuri 12
À Michel Serfaty 13 ,
Sur une vaste colline au nord de Tulkarem 14 , derrière le « mur de la honte 15 », au bout duquel paraissait l’ignorance d’un État hébreu frappé d’épouvante, se tenait un étudiant juif de l’Université de Bar-llan 16 , ravissant d’esprit et de beauté, vêtu de ces habits de rabbis 17 si garnis d’afféterie.
L’opulence, la « liberté d’indifférence » du gouvernement Netanyahou 18 , l’occupation militaire et le capitalisme immobilier, rendent ces israéliens-là si forts, qu’on les supposerait créés d’une autre façon que les palestiniens de Gaza ou de l’impécuniosité.
Dans le cartable de l’étudiant juif, se trouvait un Talmud 19 , aussi remarquable que son heureux possesseur, traditionnel et original, marqué d’une mémoire collective ancienne. Mais le yéhoudi 20 ne s’attardait pas sur son indispensable « Livre des Lois » ; et voilà donc ce qu’il lorgnait :
De l’autre côté de la voie, entre les colonies juives et palestiniennes, il y avait un autre jeune homme, pauvre, solitaire et pensif ; un de ces enfants palestiniens dont un œil juste apercevrait la vénusté, si, comme le regard du collectionneur trouve un Napoléon 21 sous une énorme couche de boue, il le nettoyait de la sale fange des bas-fonds…
À travers ce mur illusoire mais symbolique, disjoignant deux causes, « l’Israël Promise » et « la Palestine occupée », le Tulkarémite 22 ruiné présentait à l’israélien troublé, un étrange objet rectangulaire, que ce dernier ...