Veiller Pascal , livre ebook

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Ce qui nous séparait était irrémédiable. Il serait un objet ou bien ce serait moi le sien mais nous ne serions jamais le sujet l’un de l’autre simultanément.

Un professeur à la retraite s’éprend d’un jeune homme en détresse. Mais peut-il vraiment aider celui qu’il voudrait aimer, aimer celui qui réclame son aide? Pascal est-il avec lui sincère ou manipulateur – ou les deux en même temps? Écartelé entre ses désirs et ses craintes, il ne sait plus comment réagir lorsque les besoins des autres se heurtent à ses propres limites, outrepassent ce qu’il peut, ce qu’il veut accomplir. Devrait-il sacrifier sa tranquillité émotive, ou plutôt se sauver au bout du monde avant d’y laisser sa peau?

Luc Mercure signe avec ce nouveau roman un suspense psychologique qui nous entraîne dans la psyché d’un homme raisonnable et tourmenté, en quête de sens et d’amour.
Pendant la soirée j’ai pensé uniquement à Pascal qui devait mettre à rude épreuve la patience des infirmières et des préposés. Je n’arrivais pas à le saisir et ça expliquait en grande partie l’attrait qu’il exerçait sur moi. J’ai fait exprès de ne pas consulter ma messagerie au cas où il m’aurait écrit. Si je voyais son nom en caractères gras dans ma boîte de réception je ne pourrais pas m’empêcher de cliquer dessus. Pascal était à l’hôpital. S’il lui arrivait quelque chose de grave on s’occuperait de lui infiniment mieux que je ne pourrais le faire moi-même. Tant qu’il était hospitalisé je pouvais compter sur des soins prodigués par des professionnels. C’est après que la situation deviendrait vraiment compliquée.
Je passerais dix-sept heures sans être en contact avec lui. Seize si j’arrivais un peu plus tôt le lendemain. Et pendant la nuit je n’aurais aucune conscience du temps qui s’écoulait. Ça serait supportable. Si je dormais évidemment.
Non je n’étais pas amoureux.
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Publié par

Date de parution

26 septembre 2016

Nombre de lectures

1

EAN13

9782764432433

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

2 Mo

Du même auteur
Port de mer, Québec Amérique, 2014.
La Mezquita , Québec Amérique, 2013.
La faute de Roy Dupuis, Montréal, Leméac Éditeur, 2010.
La mort de Blaise , Montréal, Leméac Éditeur, 2008.
Le souvenir blanc des Cyclades, Laval, Trois, 2005.
Les Saintes Marie de la mer , Montréal, L’Hexagone, 1997.
Entre l’aleph et l’oméga , Montréal, L’Hexagone, 1990.


Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice

Conception graphique : acapelladesign.com
Mise en pages : Pige communication
Révision linguistique : Isabelle Pauzé et Chantale Landry
Les paroles de la chanson Les gens qui doutent (paroles et musique : Anne Sylvestre) ont été reproduites avec l’aimable autorisation de leur auteure.
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Québec Amérique
329, rue de la Commune Ouest, 3 e étage
Montréal (Québec) H2Y 2E1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Mercure, Luc
Veiller Pascal
(Collection Littérature d’Amérique)
ISBN 978-2-7644-3195-5 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3242-6 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3243-3 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Collection Littérature d’Amérique
PS8576.E723V44 2016 C843’.54 C2016-940747-0 PS9576.E723V44 2016

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2016
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2016

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2016.
quebec-amerique.com




à Marie, à Sylvie, à Claire



Lui
Quand tu parles, je me demande si tu mens ou si tu dis la vérité.
Elle
Je mens. Et je dis la vérité. Mais à toi je n’ai pas de raisons de mentir.
Marguerite Duras , Hiroshima mon amour


Première partie


1
J’ai connu Pascal sur un site de clavardage où je trompais l’ennui certains soirs lorsque je n’avais pas envie de me réfugier entre les pages de Siri Hustvedt ou du dernier auteur islandais en vogue. Depuis ma retraite je m’étais retrouvé avec plus de temps libre que jamais alors que pendant toute ma carrière je m’étais plaint de sacrifier soirées et fins de semaine à la préparation de mes cours et à la correction de copies qui me faisaient douter de la pertinence de mon travail. Je me rendais compte à présent que cet emploi avait eu l’heur de réguler mon temps et de donner à ma vie un sens concret quoique relatif en plus de me procurer d’assez rares mais suffisants moments d’exaltation. Il m’était arrivé certains soirs d’asséner des coups de poing sur ma table de travail parce que Maude-Éloïse Frenette-Larivière et Pablo Charrette avaient commis dans leurs dissertations les maladresses contre lesquelles je les avais expressément prévenus vingt fois. Et puis quelques minutes plus tard en lisant une phrase vraiment personnelle d’un étudiant dont je n’avais jamais réussi à intercepter le regard je restais pantois pendant de longues minutes le stylo rouge immobile dans les airs émerveillé par les talents insoupçonnés des êtres les plus discrets. C’était surtout par crainte que mon enthousiasme se refroidisse à cause des trop nombreux irritants qui alourdissent la tâche du professeur en dehors des salles de cours que j’avais décidé de prendre ma retraite dès l’âge de cinquante-cinq ans. Force m’était de constater que je ne m’étais pas suffisamment préparé à ce changement majeur du rythme de ma vie. On me dira que pour apprivoiser une certaine oisiveté j’avais eu chaque été de longues vacances pendant lesquelles je ne parvenais tout de même pas à lire le tiers des romans qui s’étaient accumulés pendant l’année scolaire sur ma table de chevet. Mais ce n’est pas la même chose d’une part d’occuper cette convalescence relativement brève puisque dès la fin de juillet je me remettais à préparer la session suivante et d’autre part de donner une forme et un sens à des années entières. Je m’étais dit qu’accomplir des choses agréables mais inessentielles pouvait constituer une transition légitime vers ma nouvelle vie. Depuis cinq ans je m’étais donc remis à voyager en m’aventurant dans des pays dont les cultures me dépaysaient toujours un peu plus. Ça n’avait pas fait disparaître pour autant un sentiment de vacuité qui s’était insidieusement installé en moi et qui me rappelait vaguement les crises existentielles de ma jeunesse.
Tout en sachant que des conversations virtuelles sur des sites de rencontres me procureraient uniquement l’illusion temporaire de combler des besoins affectifs qui par la suite me sembleraient encore plus grands je me faisais parfois prendre à ce jeu entremêlant dans les meilleurs cas séduction mensonges et désirs et dans les moins bons frustrations et méchancetés. Ce soir-là la petite lueur triste qui brillait dans les yeux d’un jeune homme de trente-sept ans auquel des lunettes en métal donnaient un air vaguement intello a accroché mon attention parmi les centaines de photos des utilisateurs dont on voyait le profil en ligne. J’ai cliqué sur le bouton d’envoi avant de penser à ce que j’allais lui écrire.
Bonsoir.
Yo .
Son interjection m’a persuadé que nous n’aurions pas assez d’affinités pour poursuivre notre échange au-delà d’une courtoisie minimale d’ailleurs assez peu en usage sur ce site. Je lui ai quand même posé quelques questions banales pour me convaincre que je ne l’avais pas jugé trop rapidement en fonction de critères superficiels. Il a piqué ma curiosité lorsqu’il m’a parlé des auteures qui lui avaient permis de traverser des moments difficiles. Amélie Nothomb et Mylène Farmer ne faisaient pas partie de mes idoles mais j’avais lu quelques romans de la première et j’étais capable de chanter Désenchantée sans remplacer plus de trois mots par des la la la alors que s’il m’avait parlé d’Arcade Fire et de Martin Michaud j’aurais eu l’impression d’être un vieux croûton qui s’était fermé à la culture populaire contemporaine. De la même façon il connaissait Sofi Oksanen et Jeanne Cherhal même s’il ne pouvait pas me citer plus d’un titre de chacune d’elles. Les seuls noms de ces quatre femmes constituaient tout de même des référents culturels communs bien ténus. Avant de me résigner à lui souhaiter une agréable fin de soirée j’ai ajouté que Cherhal avait chanté en spectacle avec Vincent Delerm et Albin de la Simone l’une de mes chansons préférées toutes époques confondues. Il est aussitôt allé sur YouTube pour écouter leur interprétation des Gens qui doutent d’Anne Sylvestre et au fur et à mesure que la vidéo se déroulait il me faisait part de l’émotion grandissante qui montait en lui et qui bientôt l’a submergé.
Je pleure je pleure j’arrête pas de pleurer.
Son Yo est instantanément devenu la plus attendrissante des salutations. J’aurais voulu passer ma main dans ses cheveux l’embrasser sur le front le serrer dans mes bras sans rien dire jusqu’à ce que ses larmes se tarissent. Au bout d’une quinzaine de minutes il était un peu remis de cette montée fulgurante d’émotion mais il demeurait troublé tout comme moi que cette chanson nous fasse vibrer aussi fort et semblablement. Puis il m’a confié qu’il avait rencontré Amélie Nothomb lors d’un de ses passages au Salon du livre de Montréal et qu’ils s’étaient parlé les yeux dans les yeux lui tremblant devant cette femme qui lui donnait des mots pour se dire et je lui ai avoué que j’avais fait de même en demandant à Catherine Mavrikakis de dédicacer mon exemplaire du Ciel de Bay City et combien j’avais eu du mal à trouver quelques phrases cohérentes pour lui exprimer le choc que son roman m’avait causé plus particulièrement sa fin d’une totale désespérance.
Nous avons continué de clavarder sans trop nous soucier de l’orthographe pour ne pas laisser s’échapper ce moment de grâce. Nous écrivions parfois les mêmes mots simultanément et pour souligner cette complicité nous nous envoyions en même temps les mêmes émoticônes. J’avais enseigné pendant trente ans alors qu’il n’avait pas complété son cours secondaire mais malgré le fossé générationnel et culturel qui nous séparait j’avais l’impression d’avoir trouvé une âme frère. Au bout de trois heures d’échanges de plus en plus fluides j’ai tout de même commencé à éprouver de la difficulté à lire nos mots sur l’écran de mon portable ce qui me rappelait sous une autre forme notre différence d’âge. Nous avons convenu de nous retrouver sur le même site de clavardage le lendemain.
En fermant mon ordinateur je me suis demandé si l’attrait que cet homme encore jeune exerçait sur moi n’était pas basé sur des affinités factices. Il pouvait fort bien avoir inventé tout ce qu’il m’avait écrit et même tapé les noms d’Oksanen et de Cherhal dans un moteur de recherche pendant que nous clavardions pour me faire croire qu’il connaissait Purge et Douze fois par an . N’avait-il pas commis pendant nos échanges énormément de fautes pour un homme dont les référents littéraires recoupaient les miens ? Je me suis aussitôt reproché mon incapacité à faire taire le professeur en moi alors que j’avais également omis de corriger plusieurs de mes coquilles pour ne pas ralentir le rythme de notre conversation qui avait contribué en grande partie à cette impression de communion entre deux solitudes. Si le besoin de combler un vide affectif avait sans doute magnifié le contact somme toute s

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