154
pages
Français
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2023
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Publié par
Date de parution
08 février 2023
Nombre de lectures
0
EAN13
9782384550906
Langue
Français
Dans une Angleterre où les mariages sont arrangés en fonction des appartenances sociales, il est interdit à George et Mary de s'aimer. Le père de George, outré des sentiments que porte son fils à une femme d'une classe sociale inférieure à la sienne, décide de faire déménager toute la famille en Amérique. Mais la grand-mère de Mary a une vision : celui qui séparera les jeunes amants connaîtra une mort précoce. Elle affirme aussi que George et Mary sont liés par le destin...
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Date de parution
08 février 2023
Nombre de lectures
0
EAN13
9782384550906
Langue
Français
LES DEUX DESTINÉES
WILKIE COLLINS
Traduction par ALFRED HÉDOUIN
ALICIA EDITIONS
TABLE DES MATIÈRES
LE PRÉLUDE
LE RÉCIT
1. Green Water Broad
2. Deux Jeunes Cœurs
3. Swedenborg Et La Sibylle
4. Le Rideau Tombe
5. Mon Histoire
6. Son Histoire
7. La Femme Sur Le Pont
8. Les Âmes-Sœurs
9. Naturel Et Surnaturel
10. Le Puits De Saint-Antoine
11. La Lettre D’introduction
12. Les Malheurs De Mme Van Brandt
13. Incurable
14. Madame Van Brandt Chez Elle
15. Je Suis Vaincu Par L’obstacle
16. Journal De Ma Mère
17. Hospitalité Shetlandaise
18. La Chambre Assombrie
19. Les Chats
20. Le Pavillon Vert
21. Elle S’interpose Entre Nous
22. Elle Me Réclame De Nouveau
23. Le Baiser
24. À L’ombre De Saint-Paul
25. Je Me Trouve Au Rendez-Vous
26. Conversation Avec Ma Mère
27. Conversation Avec Mme Van Brandt
28. Amour Et Argent
29. Nos Destinées Nous Séparent
30. Un Regard En Arrière
31. Mademoiselle Dunross
32. L’opinion Du Médecin
33. Un Dernier Regard Sur Greenwater-Broad
34. Une Vision De La Nuit
35. Par Terre Et Par Mer
36. Sous La Fenêtre
37. Amour Et Orgueil
38. Les Deux Destinées
LA FINALE
LE PRÉLUDE
LE CONVIVE RACONTE L’HISTOIRE DU DÎNER
B ien des années se sont écoulées depuis que ma femme et moi nous quittâmes les États-Unis pour rendre notre première visite à l’Angleterre.
Nous étions munis, cela va sans dire, de lettres d’introduction, parmi lesquelles il y en avait une écrite pour nous par le frère de ma femme. Elle nous présentait à un gentleman anglais qui occupait le premier rang sur la liste de ses anciens et précieux amis.
« Vous ferez la connaissance de M. George Germaine, » me dit mon beau-frère, lorsque nous prîmes congé de lui, « à une époque très-intéressante de sa vie. Les dernières nouvelles que j’en ai reçues m’apprennent qu’il vient de se marier. Je ne connais ni la dame ni les circonstances qui l’ont mise en rapport avec mon ami, mais ce dont je suis certain, c’est que, marié ou célibataire, George Germaine, par égard pour moi, vous accueillera cordialement en Angleterre, vous et votre femme. »
Le lendemain de notre arrivée à Londres, nous déposâmes notre lettre d’introduction chez M. Germaine.
Le lendemain matin, nous allâmes visiter un objet favori de la curiosité américaine, dans la métropole d’Angleterre, la Tour de Londres. Les citoyens des États-Unis trouvent cette relique des bons vieux temps fort utile à l’accroissement de leur appréciation nationale de la valeur des institutions républicaines. En rentrant à l’hôtel, les cartes de M. et M me Germaine nous apprirent qu’ils nous avaient déjà rendu notre visite. Le même soir nous reçûmes une invitation à dîner chez les nouveaux mariés. Elle était jointe à un petit billet de M me Germaine à ma femme, pour nous avertir que nous ne devions pas nous attendre à trouver une nombreuse société.
« C’est le premier dîner que nous donnons depuis notre retour de notre voyage de noces, » écrivait la dame, « et vous ne serez présentés qu’à quelques vieux amis de mon mari. »
En Amérique, et, m’assure-t-on, sur le continent d’Europe également, lorsque votre hôte vous invite à dîner à une heure précise, vous lui faites la politesse d’arriver ponctuellement chez lui. Ce n’est qu’en Angleterre que prévaut l’incompréhensible et discourtoise coutume de faire attendre l’hôte et le dîner pendant une demi-heure et plus, sans raison plausible, et sans meilleure excuse que l’apologie de pure forme impliquée dans ces mots :
« Désolé d’être en retard. »
Arrivés à l’heure fixée chez M. et M me Germaine, nous n’eûmes qu’à nous féliciter de l’ignorante ponctualité qui nous avait introduits dans leur salon une demi-heure avant les autres convives.
En premier lieu, il y eut tant de cordialité et si peu de cérémonie dans l’accueil qu’on nous fit, que nous nous imaginâmes presque être de retour dans notre patrie. En second lieu, le mari et la femme nous intéressèrent à première vue. La dame, en particulier, bien qu’elle ne fût pas, strictement parlant, jolie, nous fascina complètement. Il y avait dans sa figure et ses manières un charme naïf, dans tous ses mouvements une simplicité gracieuse, dans sa voix une grave et délicieuse mélodie qui nous parurent, à nous Américains, simplement irrésistibles. Et de plus, il était si facile et si agréable de constater que c’était là un heureux couple ! Nous avions devant les yeux deux individus qui avaient mis en commun leurs plus chères espérances, leurs désirs et leurs sympathies, et qui, si je puis me permettre cette expression, paraissaient nés pour être mari et femme. À l’expiration du retard à la mode d’une demi-heure, nous causions ensemble aussi familièrement et aussi intimement que si nous avions été de vieux amis.
Huit heures sonnèrent et le premier des convives anglais parut.
Comme j’ai oublié le nom de ce gentleman, on me permettra de le désigner par une lettre de l’alphabet. Appelons-le donc M. A. Quand il entra seul dans le salon, notre hôte et notre hôtesse tressaillirent et parurent tous deux étonnés. Évidemment, ils s’attendaient à le voir accompagné d’une autre personne. M. Germaine adressa une singulière question à son ami.
« Où est votre femme ? » demanda-t-il.
M. A répondit pour la dame absente par une simple petite excuse exprimée par ces paroles :
« Elle a un fort rhume. Elle est très-désolée. Elle m’a prié de vous présenter ses excuses. »
À peine avait-il articulé ces mots, que parut un autre gentleman, seul également. Ayant encore recours à l’alphabet, je l’appellerai M. B. Je remarquai de nouveau que notre hôte et notre hôtesse tressaillirent lorsqu’ils le virent entrer seul dans le salon. Et, à ma grande surprise, j’entendis M. Germaine adresser au nouveau convive cette curieuse question :
« Où es votre femme ? »
La réponse, – avec une légère modification, – fut la simple petite excuse de M. A, répétée par M. B :
« Je suis très-désolé. M me B a une forte migraine. Elle est sujette aux migraines. Elle m’a prié de vous présenter ses excuses. »
M. et M me Germaine se regardèrent. Le visage du mari exprimait clairement le soupçon que cette seconde excuse avait éveillé dans son esprit. La femme demeura ferme et calme. Un intervalle s’écoula, un intervalle silencieux. M. A et M. B se retirèrent, comme deux coupables, dans un coin. Nous nous mîmes, ma femme et moi, à regarder les tableaux.
M me Germaine, la première, rompit notre intolérable silence. Il paraît qu’on attendait encore deux convives pour compléter la société.
« Dînerons-nous de suite, George ? » dit-elle à son mari, « ou attendrons-nous M. et M me C ?
– Nous attendrons cinq minutes, » répondit-il brièvement, avec l’œil fixé sur M. A et M. B, honteusement confinés dans leur coin.
La porte du salon s’ouvrit. Nous savions tous qu’on attendait une troisième dame mariée. Nous regardâmes tous la porte avec une anxiété indicible. Notre espérance muette reposait silencieusement sur l’apparition possible de M me C. Cette femme admirable, mais inconnue, allait-elle à la fois nous charmer et nous soulager par sa présence ? Je frémis en l’écrivant, M. C. entra dans le salon, – et y entra seul .
M. Germaine varia subitement la formule de sa demande, en recevant le nouveau convive.
« Votre femme est-elle malade ? » demanda-t-il.
M. C était un homme âgé ; M. C avait vécu, à en juger par les apparences, à l’époque où les lois surannées de la politesse étaient encore en vigueur. Il découvrit dans leur coin ses deux confrères mariés sans leurs femmes, et il excusa la sienne de l’air d’un homme franchement honteux.
« M me C est si désolée. Elle a un fort rhume. Elle regrette tant de n’avoir pu m’accompagner. »
À cette troisième excuse, l’indignation de M. Germaine se fit jour par ces paroles :
« Deux rhumes et une migraine, » dit-il, avec une politesse ironique. « J’ignore, messieurs, comment s’accordent vos femmes quand elles se portent bien. Mais, lorsqu’elles sont malades, leur unanimité est merveilleuse ! »
On annonça le dîner au moment où ce sarcasme s’échappait de ses lèvres.
J’eus l’honneur de conduire M me Germaine dans la salle à manger. La perception de l’insulte tacite à elle adressée par les femmes des amis de son mari ne se traduisit que par un tremblement, un très-léger tremblement, de la main qui reposait sur mon bras. Mon intérêt pour elle s’en décupla. Une femme accoutumée à souffrir, brisée et disciplinée jusqu’à se maîtriser, pouvait seule supporter comme elle , depuis le commencement jusqu’à la fin de la soirée, le martyre moral infligé à cette femme .
Est-ce que j’exagère en appliquant ces termes à mon hôtesse ? Considérez les circonstances telles qu’elles nous frappèrent, ma femme et moi, deux étrangers !
C’était le premier dîner que donnaient M. et M me Germaine depuis leur mariage. Trois des amis de M. Germaine, tous trois mariés, avaient été invités avec leurs femmes, et ils avaient évidemment accepté l’invitation sans réserve. Quelles révélations s’étaient donc produites entre l’envoi de l’invitation et le dîner ? Il était impossible de le dire. Mais ce qui était évident, c’est que, dans l’intervalle, les trois femmes s’étaient entendues pour laisser à leurs maris le soin de les représenter à la table de M me Germaine, et ce qui était encore plus étonnant, c’est que les maris avaient approuvé la conduite grossièrement impolie de leurs femmes jusqu’à consentir à offrir, pour leur absence, les excuses les plus insolemment triviales. Quel affront plus cruel pouvait-on adresser à une femme, au début de son mariage, à la face de son mari, et en présence de deux étrangers d’un autre pays ? le mot martyre est-il trop fort pour exprimer ce qu’une personne sensible devait souffrir d’un pareil traitement ? Je ne le pense pas.
Nous prîmes place à table. Ne me demandez pas de vous décrire la plus misérable des réunions humain