Chasse au daguet , livre ebook

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Chasse au daguet

Ou À la poursuite des beaux garçons

Tristan Nibelong

Roman de 60 600 mots, 350 000 caractères

Étudiant à la Sorbonne, Tristan Nibelong prépare une thèse sur la littérature érotique homosexuelle en France au siècle des Lumières.

Au cours de ses recherches en bibliothèque, il exhume un manuscrit oublié, dans lequel un proche du roi Louis XV conte ses aventures galantes avec de jeunes et beaux garçons à l’occasion d’un séjour de la Cour à Compiègne en 1764.

Une dizaine d’années après sa découverte, voici enfin ce texte, présenté dans une langue à peine actualisée.

« Je n’eusse pas espéré que l’homme se montrât aussi docile. Il soupira, se leva et gagna la porte, tout nu. Jetant une œillade à travers une fenêtre, je le vis qui cheminait vers le puits. La maison était certes loin du village, on ne risquait guère de l’apercevoir de là, mais je fus persuadé que la chose relevait du peu de pudeur que les gens du peuple mettent à exhiber leur intimité. Il se mit à tirer de l’eau et à s’en asperger à grands seaux. On était à la mi-journée ; il faisait très chaud... »

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Nombre de lectures

2

EAN13

9791029400872

Langue

Français

Chasse au daguet
ou
À la poursuite des beaux garçons
 
 
Tristan Nibelong
 
 
 
 
 
 
 
Aux mânes d’Honoré Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau
et de Charles-Michel, marquis du Plessis-Villette
 
 
 
Avertissement
 
 
Voici une dizaine d’années, je préparais une thèse à la Sorbonne sur le sujet Littérature érotique homosexuelle en France au siècle des Lumières . La période 1750–1789 est particulièrement intéressante, car elle est, en France, un temps de relative accalmie pour ceux qui aiment ceux de leur propre sexe, qui coïncide, au moins pour la noblesse, et malgré une situation politique et économique de plus en plus tendue, avec celui de cette « douceur de vivre » dont Talleyrand gardera la nostalgie durant tout le reste de sa vie, comme il le confiera à Guizot au soir de celle-ci. Car la dépénalisation de l’homosexualité, en 1791, sera moins un geste volontaire qu’un oubli fortuit de l’Assemblée constituante, et ouvrira la voie, la jurisprudence se hâtant de réparer le vide législatif, à un triste XIX e siècle, pour ne pas parler du retour en arrière de l’époque de Vichy. Cette seconde moitié du XVIII e siècle, donc, a donné lieu à une profusion de romans érotiques, qui souvent mêlent aventures hétéro- et homosexuelles, comme ceux du marquis de Sade ou du comte de Mirabeau. J’avais déjà collationné un petit nombre d’ouvrages, je dois dire assez croustillants, lorsque mon directeur de thèse me prévint que la Bayerische Staatsbibliothek, la bibliothèque nationale de Munich, possédait quelques livres imprimés et manuscrits, tous en français, langue universelle à l’époque de Voltaire, donc largement lue dans les milieux cultivés. Non encore tous publiés ou étudiés par la recherche académique, ils pouvaient se révéler de quelque intérêt. Il était alors hors de question de se faire envoyer des photocopies ou même un fichier électronique – les choses ont bien changé depuis, avec la numérisation des fonds. Il fallait se rendre sur place. Mon patron m’avait donné les références de celui dans lequel il me faudrait fourrager.
C’est ainsi que je pris le train, un dimanche matin d’avril 2005, pour me rendre dans la capitale bavaroise. Arrivé en fin d’après-midi, je m’en fus déposer mes affaires à l’hôtel miteux dans lequel mes ressources d’étudiant – et le peu de moyens que l’université française daignait et daigne encore concéder à ses thésards – m’avaient permis de réserver une chambre. J’allai me balader en ville. Devant la splendide cathédrale baroque dont chacune des deux tours était surmontée d’un dôme, je croisai une troupe d’énergumènes portant une grande banderole sur laquelle était écrit en grosses lettres bariolées : Wir sind Papst . Un pape allemand venait d’être élu, qui n’avait pas une réputation de particulière ouverture d’esprit. À ce moment, je plaignais les homosexuels catholiques, et me félicitais de m’être détourné de la religion.
Le lendemain, sur les coups de dix heures, après avoir expédié mon petit-déjeuner à l’hôtel, je me rendis à la bibliothèque. C’était un gigantesque bâtiment tout rose, manifestement reconstruit après 1945, qui me fit instantanément penser aux insulae des albums d’Astérix et Obélix. On y accédait par un double escalier, que gardaient des philosophes antiques à demi nus, statufiés dans la pierre. J’entrai. Le somptueux vestibule débouchait sur deux escaliers partant chacun en sens opposés, encore plus opulents, encadrés d’une enfilade de colonnes doriques ou corinthiennes, je n’aurais su le dire, n’étant pas un spécialiste de l’architecture. Je pénétrai dans une salle de lecture qui tranchait avec ce que je venais de parcourir par son côté fonctionnel très années soixante-dix. Elle était inondée de lumière au travers de grandes baies vitrées ouvrant sur une grande place arborée.
Ne parlant absolument pas l’allemand, je dus me débrouiller pour baragouiner ma demande dans un semblant d’anglais à la préposée, une femme presque sexagénaire aux cheveux longs et gris et au visage revêche. J’aurais juré que cette souris de bibliothèque était une vieille fille. Elle parut comprendre ce que je lui disais – fort mal – dans la langue de Shakespeare. Pourtant, on m’avait donné à penser que nos cousins Germains n’étaient guère plus doués que nous dans celle-ci. Après que je lui eus montré mon courrier de recommandation et ma carte d’étudiant, elle décrocha son téléphone et, non sans avoir au préalable vociféré quelques mots dans l’appareil d’une voix gutturale, elle me dit :
«  Please sit down. A colleague of mine is preparing the parcel you are looking for.  »
Le collègue en question fit son entrée environ un quart d’heure plus tard, rapportant une épaisse boîte de rangement, sur laquelle on pouvait lire Französisch Homosexuell ausschweifenden Schriften des 18. Jahrhunderts [ Manuscrits licencieux français homosexuels du XVIII e siècle. ]. J’allai m’installer dans la salle de lecture, à une large table, emportant le paquet. Je l’ouvris. J’en extirpai une liasse de manuscrits retenue par une ficelle. Je la défis. Je commençai à parcourir les documents. Il y avait plusieurs brochures imprimées. Certaines, je les connaissais, je les avais déjà compulsés au cours de mes recherches. Je feuilletais celles qui m’étaient inconnues. Je ne leur trouvai pas grand intérêt, mais je pourrais pourtant trouver utilité à les citer dans mon mémoire.
Et puis, je découvris, à l’intérieur d’une de ces brochures, entourée d’un ruban de soie rose, une liasse de feuillets manuscrits, couverts d’une écriture serrée mais assez facilement déchiffrable. Elle m’intrigua. J’y trouvai un court récit, prétendument de la plume d’un haut aristocrate de la fin de l’Ancien Régime, qui ne se nomme jamais autrement que par une initiale suivie de trois astérisques, racontant, en sept ou huit aventures, ses frasques pédérastiques pendant un séjour de chasse de la Cour de Louis XV à Compiègne, en 1764. Le ton en était plaisant, et m’accrocha. J’y retrouvai surtout beaucoup de « clichés » sur ce que j’appellerais très anachroniquement la « vie gay », principalement parisienne mais aussi provinciale, de la seconde moitié du XVIII e siècle.
Je m’en retournai donc voir la vieille Fräulein et lui demandai l’autorisation de photocopier ces feuillets. Elle me l’accorda, moyennant l’acquittement d’un droit, que je me ferais rembourser par l’université à mon retour. Revenu à mon hôtel, après avoir dîné rapidement d’une pizza dans un restaurant tenu par des Turcs, je me plongeai fébrilement dans la relecture du manuscrit.
J’avais mon ordinateur portable avec moi, l’hôtel avait le WLAN, ainsi que les Allemands dénomment ce que nous autres Français appelons Wi-Fi, aussi je pus vérifier certains éléments historiques au fil de ma lecture.
D’abord, j’y relevai un certain nombre d’inexactitudes. Des événements qui ne se sont pas produits cette année-là, et pas là où l’auteur les situe. S’il est incontestable que le traité d’alliance avec la république de Gênes, qui jetait les bases du traité de Versailles du 15 mai 1768 rattachant la Corse à la France, a bien été signé à Compiègne le 7 août 1764, l’événement – très mineur – qui a vu le futur Louis XVI privé de chasse par son père pour une leçon mal apprise au grand dam de son royal aïeul a eu lieu l’année suivante, et à Versailles. L’ordre religieux des Célestins a bien été supprimé par le pape à peu près à cette époque, mais, pour être rigoureux, sept ans après l’année où sont censées se dérouler ces aventures. Par ailleurs, y apparaît, sous le nom de Charles-Michel de V***, le marquis de Villette (1736–1793), sodomite célèbre, protégé de Voltaire, dont il épousera en 1777 la pupille, Reine-Philiberte Rouph de Varicourt (1757–1822), et qui sera, après avoir rédigé en 1789 les cahiers du bailliage de Senlis, député à la Convention nationale. Cet aristocrate, qui au demeurant ne votera pas la mort du roi, sera la cible, au tournant des années 1790, de nombreuses attaques « homophobes » – le terme est encore impropre, puisque celui d’« homosexualité » ne verra le jour qu’au XIX e siècle, en Allemagne, sous la plume d’un écrivain hongrois –, comme dans les pamphlets Les Enfants de Sodome à l’Assemblée nationale ou Vie privée et publique du ci-derrière marquis de Villette , qui visaient à discréditer les partisans de la Révolution. Or, le récit qui nous occupe met en scène le marquis en juillet 1764, alors qu’il était à l’époque en prison à l’initiative de son père, qui vivait encore. Donc Charles de Villette n’était à cette époque, ni marquis, ni dépositaire de l’immense fortune paternelle. De plus, l’auteur reprend sur le compte de Villette des rumeurs, notamment une mise en scène de son enfance de petit pervers, qui couraient sous la Révolution.
Aussi, au vu de certains éléments, comme la référence lointaine à la mort de Louis XVI, ou au martyre des carmélites de Compiègne, guillotinées en juillet 1794 sur la place du Trône-Renversé – actuelle place de la Nation –, ou encore une allusion à Bonaparte ou à Napoléon au détour de la première étape du processus qui verrait l’annexion de la Corse à la France, il m’est immédiatement apparu que ce texte avait été rédigé au plus tôt dans les premières années du Consulat, et que son propos premier était d’attaquer la noblesse d’Ancien Régime, un peu facilement vue comme l’incarnation du « vice infâme ». En effet, ce qu’on appelait alors sodomie – le terme avait un sens différent de celui qu’il a aujourd’hui –, qui désignait toute forme de relation érotique entre personnes de même sexe, qu’elles soient hommes – pédérastes – ou femmes – tribades –, était puni de la peine du feu, c’est-à-dire la condamnation à périr sur le bûcher. Or, les nobles y échappaient toujours, l’affaire se terminant pour eux, le plus souvent, par une réprimande par un commissaire de police. C’est pourquoi on se plaisait à considérer que les relations sexuelles contre nature, qui avaient pour effet de détourner la copulation de son objectif véritable,

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