Zone de turbulence | Roman lesbien , livre ebook

icon

279

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2016

Écrit par

composé par

Publié par

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

279

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2016

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Véronique Saint-Jean demeure à Montréal avec son mari et sa fille adolescente. Elle y mène une vie régulière, jusqu’au jour où elle se rend à une pharmacie nouvellement ouverte dans l’immeuble de son médecin. Accueillie par la pharmacienne-propriétaire Pascale Joubert, elle se voit captivée par le regard vert de Pascale. Ces yeux qui la fixent rejoignent en elle un espace inconnu. Lorsqu’elle prend son ordonnance, sa main effleure au passage celle de Pascale. Aucune parole n’est prononcée, mais un plongeon s’effectue dans les yeux de l’une et de l’autre. Quelque chose en Véronique bascule. Commence pour elle un questionnement qui n’a de cesse de la hanter : quel est ce trouble qu’elle ressent pour Pascale, pourtant une parfaite inconnue?
Véronique tente désespérément de comprendre sa turbulence intérieure. Et là s’installe une valse-hésitation comme elle n’en a jamais connue : incapable de vivre sans l’amour de son mari et de sa fille et ne pouvant se détacher de Pascale.

Voir icon arrow

Publié par

Date de parution

22 novembre 2016

Nombre de lectures

29

EAN13

9780244314514

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

3 Mo

Zone de Turbulence
Joce-Lynne Proulx
Copyright © 2016 Homoromance éditions
ISBN-13:978-1540569530
ISBN-10:1540569535
Accès aux chapitres
Découvrir Combattre Abdiquer Survivre Accepter Dire Choisir
Au bord de la falaise, je suis chaque fois invitée à aller plus loin à l’intérieur de moi.
HÉLÈNE DORION,L’étreinte des vents
Découvrir
Jean-Marc J’avais sept ans lorsque ma mère, après une absence de quelques jours, revint à la maison et déposa sur son lit un pet paquet blanc d’où émanai ent des sons d’une telle force qu’ils me clouèrent sur place. Voyant ma réticence à m’approcher de la source des cris, mon père me dit :
— Jean-Marc, voici ta nouvelle petite sœur. Elle s’appelle Véronique.
J’avais bien vu le ventre de ma mère grossir au cours des derniers mois et on m’avait expliqué qu’un nouveau bébé viendrait bientôt s’ajouter à notre famille. Je croyais être prêt pour ce bébé. Le soir, avant de m’endormir, j’imaginais déjà que j’i nierais mon pet frère au jeu de billes, lui prêtant, lui donnant peut-être, les rouges, celles que je préférais. Je lui montrerais la façon de porter correctement un gant de baseball et combien il étai t agréable de le placer sous son nez pour s’imprégner de l’odeur du cuir souple. Je l’aiderais à se tenir en équilibre sur une bicyclee et à pédaler à un rythme d’enfer pour offrir une rude concurrence aux amis du quartier.
Au moment où mon père m’apprit que j’avais une sœur et non un frère, tous mes plans s’écroulèrent. J’étais déçu. Que faire d’une sœur ? J’avais déjà quelques cousines à peu près de mon âge et les acvités auxquelles elles s’adonnaient n’étaient pour moi d’aucun intérêt. Servir le thé, jouer à l’école et bercer des poupées m’ennuyait. J e laissai donc cee sœur de côté et retournai plutôt auprès de mes amis dont la capacité à imagin er des jeux capvants semblait ne connaître aucune limite.
Toutefois, même si je tentais de paraître indifférent à sa présence, ma sœur devenait de plus en plus une énigme pour moi. Je voyais ma mère la pren dre délicatement dans ses bras, la nourrir tranquillement, lui parler à l’oreille. Encore aujourd’hui, j’ai en tête cee image d’un bain portaf en pleine cuisine dans lequel ma mère baignait le bébé, la lavant avec mille précauons. Elle me disait :
— Tu viens la voir ?
Je m’approchais du bain, regardais cee sœur, qui, à l’évidence, n’était pas faite du tout comme moi et me demandais ce qu’elle avait de si spécial pour que mes parents lui accordent autant de temps.
Véronique avait conquis le cœur de notre père. Après le souper, il la prenait dans ses bras et s’assoyait avec elle dans la chaise berçante que nous avait léguée ma grand-mère maternelle. Il semblait prendre un réel plaisir à ces moments. De ses yeux, d’un bleu profond, il la regardait comme on regarde un cadeau longtemps désiré, mais que l’on a cru ne jamais pouvoir obtenir. Il lui chantait, de sa voix un peu fausse, des ballades do nt il connaissait toutes les paroles. Ma sœur dormait paisiblement.
Je connuais d’être intrigué de cee aenon qu’on lui accordait, mais je n’étais pas jaloux, car mes parents étaient aussi très présents pour moi. ***
Par un après-midi de la fin de mai, ma vie prit un t ournant tout à fait inaendu. La journée d’école était terminée et je descendais la côte qui me ramenait à la maison, heureux de ce vent
doux, annonciateur de chaleur imminente. L’air sentait bon, la fin de l’année scolaire approchait, tous les espoirs d’un été de loisir étaient permis. Dès mon arrivée à la maison, je sus que ça n’allait pas. Ma mère me semblait dans un état de grande nervosité. Un coup d’œil rapide à la cuisine me permit de comprendre. La lessiveuse avait débordé et le plancher était recouvert d’eau. Ma mère tentait d’essuyer le dégât, mais une couche épaisse de savon rendait sa tâche difficile. Dans la chambre de mes parents, ma sœur pleurait. L’air fatigué, ma mère me dit :
— Viens s’il te plaît, j’ai besoin de toi.
Elle me fit asseoir au salon, alla chercher le bébé et le déposa délicatement dans mes bras.
— Parle-lui, je reviens dans quelques minutes.
Tout s’était déroulé beaucoup trop vite pour moi. J e n’avais pas eu le temps de dire que je voulais aller jouer dehors et ne voulais pas m’occuper de ce bébé. Mais j’étais partagé, car je sentais que je devais aider ma mère. Je décidai donc de consacrer pour la première fois, de façon soutenue, de l’attention à ma sœur alors âgée de quatre mois.
Véronique avait cessé de pleurer quand ma mère l’avait rerée de son lit. Elle ne dormait pas, mais elle n’était pas agitée non plus. Ses yeux bruns étaient ouverts et je me demandai ce qu’ils voyaient. Savaient-ils qui j’étais ? Voyaient-ils m es propres yeux bruns ? Je plaçai ma main sur sa tête délicate à la chevelure brune abondante et ondulée. Je fus surpris : je ne m’aendais pas à une telle douceur. Je touchai ses bras potelés, puis ses jambes. Je la retournai tranquillement pour qu’elle repose contre moi. C ’est alors qu’une certaine magie opéra. De ses deux petes mains, ma sœur agrippa ma chemise et ses doigts minuscules se refermèrent sur le bord de mes manches. Elle tomba endormie, ressentant certainement la chaleur de mon corps comme moi la sienne. Mais elle ne lâcha pas prise de mon vêtement. Je ne voulais plus bouger. J’avais l’impression très nee que ma sœur venait de nous souder l’un à l’autre. La fo rce de notre lien demeure l’une des grandes certitudes de mon existence.
***
Bien que ma sœur fut plus jeune que moi, nous passi ons beaucoup de temps ensemble. Elle gagna mes billes rouges, mania facilement le gant de baseball qu’elle reçut en cadeau et se révéla redoutable à bicyclette.
Sociable, Véronique était la plupart du temps entourée d’amis.
— Tes amis sont les bienvenus ici. Tu peux les inviter quand tu veux, lui disait notre père.
L’été, il y avait souvent une douzaine de bicyclees dans la cour arrière de notre maison. À d’autres moments, c’était du sous-sol que provenaient les conversaons animées et la musique populaire des années 1970.
J’enviais son goût pour le groupe. Adolescent, j’étais devenu plutôt secret. J’avais bien quelques amis, mais je choisissais souvent la solitude de ma chambre, où je me délectais des Astérix et des Bob Morane.
Toutefois, vivre avec Véronique meait ma nature di scrète à rude épreuve. Ainsi, lorsque, à quinze ans, j’eus le béguin pour une compagne de classe, ma sœur apprit, probablement par son réseau d’amies qui pénétrait tout, ce que je gardais secret. Commença alors une véritable enquête.
— C ’est Chantal ? Où est-ce qu’elle habite ? Est-ce qu’elle est vraiment ta blonde ? L’aimes-tu ? L’as-tu embrassée ?
Je tentais d’esquiver ses quesons en me réfugiant dans ma chambre, en fuyant la maison ou encore en me plaignant ouvertement à ma mère : — Véronique me tape sur les nerfs. Elle guee tout ce que je fais. On pourrait pas la vendre ? Ou la donner, ce serait encore mieux, elle partirait plus vite !
Ma mère riait, puis sans grande conviction disait :
— Véronique, laisse ton frère tranquille.
***
Encore aujourd’hui, ma sœur pose des quesons, beaucoup trop de quesons. Elle tourne et retourne alors dans sa tête l’informaon qu’elle reçoit, établit des liens, bât des scénarios, élabore des hypothèses.
Les quesons sont en quelque sorte le prix à payer pour être en relaon avec elle et profiter de son écoute acve qui fait d’elle une confidente de choix. Les gens aiment l’aenon qu’elle leur accorde.
De la même façon qu’elle veut toujours tout savoir, ma sœur fait état de ses senments avec une grande facilité. Avec elle, on a l’heure juste. Est-elle heureuse, en colère, triste ou déprimée que tous en sont rapidement informés. Ma sœur est un livre ouvert.
Aussi, quand à sa demande je la rencontrai au bistro du centre-ville qu’elle affeconne et que je la vis fébrile, hésitante et fuyant presque mon regard, je pressens chez elle un mal-être. Je dus d’ailleurs user de tout mon charme de grand frère pour la convaincre de me dire enfin ce qui n’allait pas. Elle passa machinalement sa main dans ses cheveux c ourts, comme elle le fait lorsqu’elle se débat avec une question qui la contrarie. —Je ne sais pas ce qui m’arrive, je suis attirée par une femme. Frappé par le sérieux de ses yeux, je répétai dans ma tête chaque mot qu’elle venait de prononcer. Mon étonnement dura de longues minutes. Je ne mangeai plus, je ne parlai plus, je doutai même d’être assis sur cee chaise, à côté de ces gens. Tranquillement, au compte-goues, l’informaon se fit une petite place dans mon cerveau puis l’occupa entièrement.
Cee réalité d’une femme dans la vie de Véronique m e surprenait, bien sûr. C ’était une « nouvelle choc ». Avait-elle ressen une telle aKran ce auparavant ? Comment arrivait-elle à composer avec ça ? François était-il au courant ? L es quesons se bousculaient dans ma tête. Et moi, je n’avais rien vu venir. Comment était-ce possible ? Véronique Cette sensation étrange que le sol se dérobe sous mes pieds.
***
J’ai toujours eu l’impression que ma vie prenait la bonne direcon. Je viens d’une famille où l’amour occupe une place de choix. J’ai un travail passionnant. J’ai connu l’amour quelques fois,
mais il n’y a aucun doute, c’est François que j’aime avec le plus de profondeur. Et Maude, notre fille, est là, vibrante, allumée. Mais aujourd’hui, je ne me reconnais plus. Mes croy ances les plus fondamentales sont en train de me quitter, me laissant complètement dépourvue. Tout a débuté il y a deux semaines. J’étais allée c onsulter mon médecin, car j’avais une manifestaon légère, mais incommodante d’urcaire. Certains aliments, dont le chocolat, provoquent chez moi cee réacon. En montant l’escalier qui mène à la clinique médicale, j’avais remarqué qu’une nouvelle pharmacie venait d’ouvrir ses portes au rez-de-chaussée de l’édifice. Aussi, après mon rendez-vous, munie d’une ordonnanc e, je profitai de la proximité de cee pharmacie.
« Pharmacie Pascale Joubert », c’est ce que je lus sur l’enseigne à l’entrée. J’ouvris la porte de verre et j’aperçus deux femmes derrière le comptoir des ordonnances. L’une était au téléphone, l’autre consultait l’ordinateur. Il n’y avait qu’un seul client, assis un peu plus loin dans une pete salle.
Je n’étais pas pressée. La journée de travail avait été exigeante — mon équipe de communicaons et moi avions une fois de plus respecté les délais de producon d’une publicaon importante — et personne ne m’aendait à la maison. François était retenu au bureau et notre fille était à son cours de dessin.
Je m’aardai aux livres disposés sur un support pivotant dont les thèmes, la santé et la saine alimentaon, étaient très à-propos dans cet établissement. Puis tranquillement, je me dirigeai vers l’accueil. À peine quelques secondes d’aente avant que cee femme blonde, mi-quarantaine, aux cheveux courts bouclés, s’adresse à moi :
— Bonjour, que puis-je faire pour vous ?
J’étais saisie. Je n’avais jamais vu des yeux d’un vert aussi lumineux. Je dus faire un effort pour me détacher du regard qui m’absorbait. Je portai mo n aenon sur le sourire engageant de la femme au sarrau blanc. Un rapide coup d’œil à son i nsigne m’informa qu’il s’agissait de Pascale Joubert elle-même. Est-ce que j’imaginai cela ? J’eus l’impression qu’elle me regardait avec l’intensité que je meais moi-même à la détailler. — Excusez-moi, je suis distraite. J’ai une ordonnance à faire remplir. Je fouillais dans mon sac pendant que je parlais. M ais voilà que cee ordonnance, je ne la trouvais plus. Je me surpris à dire : — Ce sac a beaucoup trop de compartiments, je ne trouve jamais rien.
Plus je parlais, moins je trouvais et plus je me sentais ridicule.Mais on n’en a rien à cirer de ton sac à main. Qu’est-ce qui te prend ?queet je fermais la fermeture-éclair de cha  J’ouvrais comparment et à chacun de mes gestes, mon malaise augmentait. Tout à coup, cee pensée me vint de vérifier les poches de ma jupe. C ’était bien dans ma poche droite que j’avais glissé la feuille de papier. Triomphante, je la tendis à la pharmacienne. — Merci. Avez-vous un dossier ici ? demanda-t-elle, toujours souriante. — Non, je viens à votre pharmacie pour la première fois. J’avais repris mon aplomb. — D’accord. Je vais vous en ouvrir un. Me donneriez -vous vos nom, adresse et numéro de
téléphone ? Je défilai mes coordonnées. — Ah, vous demeurez dans Outremont, comme moi. Quel coin charmant, n’est-ce pas ? Elle habitait Outremont ? Je ne l’avais jamais vue dans le quartier, c’était certain.
— Oui, c’est très beau. J’y demeure avec mon mari et ma fille.
Elle inscrivit à mon dossier les renseignements d’usage puis de nouveau, me regarda. Qu’y avait-il dans ces yeux ? Chaque fois qu’ils me fixaient, ils rejoignaient en moi un espace inconnu. Lequel ? — Votre ordonnance sera prête dans quelques minutes. Voulez-vous vous asseoir dans la salle d’attente ? Je vis les chaises vides. Où était passé l’homme qu e j’avais aperçu à mon arrivée ? L’avait-on servi ? Je ne m’étais rendu compte de rien. Je retournai aux livres sur la santé et l’alimentaon et tentai d’en lire un, mais sans succès. Je n’arrivais pas à me concentrer sur quoi que ce soit.
Tout à coup, cette voix :
— Véronique Saint-Jean ?
Pascale Joubert m’attendait, un minuscule sac dans la main droite. Une fois au comptoir, je payai mon ordonnance et je tendis la main pour prendre le sac qu’elle me présentait. Comment est-ce arrivé ? Pourquoi est-ce arrivé ? Ses doigts effleurèrent légèrement les miens. Je fixai nos mains pendant quelques secondes. Qu’est-ce que j’espérais voir en elles ? Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait, mais je savais que j’avais aimé ce contact. Chacune leva les yeux. Cee fois, pas de sourire, ni chez elle ni chez moi. Mais un plongeon dans les yeux de l’une et de l’autre qui me parut durer une éternité.
Ce jour-là, dans la pharmacie, quelque chose en moi bascula. Depuis, je ne suis plus sûre de rien. Ma vie n’a plus de direction. Pascale Dès le début, je perçus son malaise. Elle fit allusion à son mari et à sa fille. Je m’expliquais mal la situaon. Mais quand je lui remis son ordonnance, n os mains partagèrent le même espace. Un toucher léger, délicat, mais lourd de sens. Je comp ris qu’au-delà des regards, une force s’était exercée sur nos mains et les avait attirées l’une vers l’autre.
Après son départ, je me dis qu’il était préférable que j’oublie ça. Je ne tenais vraiment pas à revivre mon expérience passée. Mais la venue de cette femme me plongea dans mes souvenirs.
Trois ans plus tôt, j’étais tombée amoureuse d’une femme qui était séparée de son mari depuis plusieurs années. Il s’agissait là d’un terrain dan gereux et pourtant, je m’étais hasardée. Cee femme se disait stupéfaite de constater qu’elle pouvait aimer une autre femme. Elle était belle, intelligente, aenonnée, posive. Mais elle n’arrivait pas à accepter notre relaon. Nous présenter comme couple homosexuel lui était impossible. Elle était à l’aise de vivre avec moi, dans une maison, à l’abri des regards. Le véritable problème se posait lorsque nous traversions le seuil de la porte alors qu’elle se sentait exposée au jugement potentiel des gens.
Elle n’aimait pas l’image que projee un couple de femmes gaies sur la place publique. Après un an, elle mit fin à tout ça.
La rupture fut pour moi excessivement douloureuse. Elle avait malmené mon amour, et je l’avais laissé faire. Je me promis de ne plus jamais me rep lacer dans une telle situaon. En public, je m’étais trop souvent sentie exclue, rejetée, ultimement, humiliée.
J’avais bien tenté de comprendre à quel point ce qu’elle vivait avec moi était difficile, mais de mon côté, j’avais vécu une expérience tellement autre. Je m’étais aperçue que ma capacité de compréhension avait ses limites.
Dès l’âge de six ans, j’avais su que j’étais différente. Je ne savais pas en quoi, mais je sentais que je n’étais pas comme mes amies. Je me demandais même si les gens le voyaient.
À treize ans, dans la cour d’école, quelqu’un avait prononcé le mot « homosexuel » et développé le sujet. J’avais compris que c’était ça pour moi, j’étais attirée par les filles.
Puis, rapidement, je me sens à l’aise dans mon hom osexualité. Jamais je ne me dis que je ne devrais pas être comme ça. Je savais qui j’étais et ce que j’étais, et cee connaissance inme de moi-même me donnait de l’assurance. Je croyais aussi que ma différence comportait une part d’originalité. J’aimais ce qui me distinguait, mais ça demeurait mon secret.
À vingt ans, j’eus ma première blonde sérieuse et d écidai de vivre ouvertement mon homosexualité. Je fis alors part de mon orientaon sexuelle à ma famille. Tout se passa assez bien. Je crois qu’intuivement ma mère savait déjà, sans vouloir nécessairement l’admere. Quant à mon père, il eut plus de difficulté avec la nouvelle. Mais après quelque temps, il accepta.
Cette relation dura quinze ans. Malgré la rupture, l’amitié demeura.
Je voudrais connaître l’amour de nouveau. Mais pas à n’importe quel prix. Je cherche une femme qui assume son homosexualité, qui soit capable de vivre la différence. Mais bon, je dois avouer que cee rencontre d’aujourd’hui m’a troublée… l’intensité de son regard… Non, non, non, pas avec une femme mariée ! C’est trop compliqué. A-t-elle dit « François » ? François Se rendre de Las Vegas à Palm Springs, en Californie, représente environ cinq heures de voiture. Trajet relavement court, mais dont les images nous poursuivent une fois le voyage terminé. On quie la fébrilité de la capitale mondiale du jeu et on pénètre dans le silence et la nudité du désert merveilleux, avec son soleil brûlant, ses plaines rocailleuses et ses montagnes de sable, au loin, puissantes et rassurantes.
Plongé dans la magie d’un tel paysage, au volant d’une auto louée, j’ai l’impression d’avoir vingt ans et non quarante-huit. Une sensation extraordinaire de liberté.
J’ai un faible pour la ville de Palm Springs. Elle est saisissante. Construite en plein désert, elle est devenue populaire grâce à ses sources naturelles d’eau chaude. Je connais ses nombreuses galeries d’art où s’entremêlent les couleurs réconfortantes du Sud de la Californie. Je les visiterai de nouveau durant ces moments où je ne travaillerai pas au bureau satellite de ma firme d’architectes.
C ’est étrange comment quelques heures dans la paix solennelle d’un si grand espace m’amènent souvent à réfléchir à mon existence. Chaque fois, je me dis que je suis un privilégié de cee planète. J’aime ma femme depuis l’instant où je l’ai vue, il y a dix-huit ans, et il y a Maude. Je me vois en elle. Ses yeux bleus sont les miens, ses cheveux châtains sont les miens. Mais il y a plus : il existe un fil invisible entre elle et moi. Un rire chez l’un provoque automaquement un rire chez l’autre. Ma fille est ce que j’ai de plus précieux.
Et même si j’ai peu de famille, un frère à Philadelphie avec qui les communications sont rares, j’ai mon ami Philippe.
Et puis il y a Jean-Marc, le frère de Véronique, qui est devenu comme mon propre frère. Il est peu loquace, mais il est généreux de son écoute. Ce qui me fascine chez lui, c’est son aachement à sa sœur. Il est son allié indéfecble, dans tout. Je dois dire qu’elle le lui rend bien, sa confiance en lui est totale. Cette bonne entente réjouit Simone, leur mère.
Ma belle-mère… une femme remarquable. Rapidement, j’ai constaté une complicité entre elle et
Voir icon more
Alternate Text