Le lit du roi (érotique gay) , livre ebook

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Le lit du roi

Tome 1 sur 4 de L’Odyssée d’Achille

Pierre Dubreuil

Gay pulp de 221 000 caractères.
Au milieu du XVIIe siècle, Achille de Vivecombe, fils cadet d’une famille noble désargentée, vit tranquillement dans son Auvergne natale, comblé par les étreintes qu’il partage avec Gustave, le palefrenier du château. Son père, qui n’ignore rien de son orientation sexuelle, s’arrange pour le faire présenter à la Cour : le goût du roi Louis XIII pour les garçons est bien connu... Achille, un peu à son corps défendant, deviendra son favori et sera pour lui, outre un amant, un ami fidèle. À Paris, il rencontrera le beau Patrice de Gardanne ; entre eux, ce sera le coup de foudre...
Du même auteur : Mémoire d’Aurélien, Soufrière, retour vers le passé, Antoine 30 ans après et La saga de L’Odyssée d’Achille : Le lit du roi, La route des îles, Pirates et barbaresques et La largeur d'un océan.

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Publié par

Date de parution

18 juin 2012

Nombre de lectures

18

EAN13

9782363073525

Langue

Français

Le lit du roi
Première partie deL’Odyssée d’Achille
(221 000 caractères)
Pierre Dubreuil
Auvergne, janvier 1640.
— Ah ! c’est vous, mon fils, dit M. de Vivecombe en introduisant Achille dans ses appartements, oui, je vous ai fait appeler. Venez donc vous asseoir.
Le comte précéda son fils jusqu’au salon où il se tenait habituellement. Un feu aussi vif que ceux de l’enfer illuminait l’âtre sans vraiment parvenir à réchauffer la grande pièce : il gelait à pierre fendre depuis près d’un mois et le château était glacial.
— Vous allez avoir dix-sept ans dans quelques jours, Achille. Il est temps de penser à votre avenir. Notre fortune, vous le savez, est hélas bien diminuée : nous avons été contraints de vendre des terres, et ce qu’il en reste ne suffit pas à nourrir plusieurs familles. Le domaine sera la part de Charles, votre frère aîné. C’est le privilège de l’aînesse, et cela est bien normal, puisqu’il héritera aussi le titre ; en outre, je ne suis pas sûr que cette attribution en fera le mieux loti… J’ai réussi encore, voici trois ans, à réunir suffisamment d’argent pour établir son puîné, Jean, aux Îles de l’Amérique. Il est à la Guadeloupe et s’est lancé, aux dernières nouvelles dans la culture du pétun ; c’est sans doute lui qui tirera le mieux son épingle du jeu : ces nouvelles terres sont pleines de promesses. Je ne pourrai pas, hélas, en faire autant en pour vous : je n’ai presque plus d’argent, et ne puis désormais vendre aucun bien sous peine d’obérer l’existence même du domaine. Toutefois, si vous le désiriez, je pourrais m’arranger, en empruntant, pour payer votre dot à un couvent ; mais je ne pense pas, vous connaissant et sans même qu’il soit question de vocation, que l’état de moine vous fasse envie ?
Achille réfléchit brièvement : bien sûr, un couvent représentait la sécurité ; il en existait dont la règle n’était pas trop sévère et qui regorgeaient de petits moinillons avenants et peu farouches avec qui batifoler… Mais ce serait au prix de la vraie liberté, celle qui permet d’aller où l’on veut, quand on veut, de faire ce que l’on veut. Non, le jeu n’en valait pas la chandelle, il préférait encore crever de faim.
— En effet, mon père, je ne pense pas que la bure soit faite pour moi…
— Il ne vous reste donc que le métier des armes. Mais j’ai peur qu’il vous faille beaucoup compter sur vous-même : je ne pourrai, le moment venu, vous acheter qu’un brevet d’officier subalterne… En attendant, je vais vous envoyer à Paris, dans l’espoir que vous vous y fassiez des relations. J’étais un grand ami, vous le savez, du marquis d’Effiat, dont le domaine familial n’est pas très loin d’ici. Nous nous sommes souvent rencontrés à l’époque de notre splendeur, à la Cour du feu roi. Plus récemment, nous avons servi ensemble au siège de La Rochelle. S’il était encore de ce monde, il vous eût introduit dans les plus grandes maisons, peut-être même à la Cour. Las ! voici déjà huit ans qu’il est décédé au service du Roi, après avoir été fait maréchal de France. Mais j’ai écrit à sa veuve, et lui ai demandé d’intervenir pour vous. Elle peut beaucoup, car son fils, le marquis de Cinq-Mars, jouit auprès du Roi d’une faveur
inouïe : imaginez-vous qu’à dix-neuf ans, il vient d’être nommé Grand Écuyer de France ! Une des charges les plus importantes de la Cour, pour ne pas dire la plus importante, et par laquelle on récompense, d’ordinaire, une vie entière vouée au service du souverain. Mais ce jeune homme a sans doute des talents que Sa Majesté apprécie plus que le dévouement… Il est de fort belle figure et notre roi a toujours montré davantage de goût pour la beauté virile que pour les appas féminins. Le fringant Cinq-Mars au frais minois réchauffe à n’en pas douter les nuits de ce quadragénaire, qui est fou de lui. Mais ceci n’est, je présume, ni pour vous choquer, ni pour vous effrayer ?
Achille rougit légèrement.
— Que voulez-vous dire, mon père ?
— Ne me prenez pas pour un imbécile ; croyez-vous que j’ignore ce qu’on raconte sur vous dans le pays ?
— Et que raconte-t-on ?
— Que vous batifolez plus volontiers en compagnie des garçons d’écurie que des filles de ferme ! Remarquez, je ne vous en fais pas reproche… Chacun ses goûts… Et l’exemple vient aujourd’hui de si haut que toute critique serait malvenue ! Vous êtes de fort belle figure ; ce qui en d’autres temps eût pu vous desservir vous sera peut-être utile à Paris sous ce règne…
— Dois-je comprendre, Père, que vous me suggérez d’essayer de séduire le Roi ?
— Ne croyez pas, mon fils, que je veuille vous forcer à quoi que ce soit. Et croyez bien que je ne vous aurais jamais parlé ainsi si vous aviez eu du goût pour les femmes. Écoutez, je sais bien qu’à dix-sept ans, on n’a guère envie de partager sa couche avec quelqu’un que l’on considère comme un vieillard, ou peu s’en faut. Je suppose que vous n’avez pas envie non plus d’afficher vos mœurs aux yeux de la France entière. Mais songez que le Roi est un personnage sacré, et que, partant, il sanctifie tout ce qu’il touche. Être son favori, loin d’être une honte, est un honneur. Et un honneur très lucratif, que ce soit en pouvoir ou en argent. Et certes, je m’estimerais un homme heureux si vous parveniez à ce rang élevé. Cependant, Cinq-Mars va sans doute vous prendre comme page. Vous lui devrez fidélité. Ne tentez rien pour le supplanter auprès du Roi. De toute manière, vous ne serez peut-être même pas mis en sa présence. Mais si le monarque vous remarque et vous fait des propositions, n’hésitez pas une seconde, sautez sur l’occasion : votre fortune sera faite ! Mais n’anticipons pas : dans un premier temps, vous irez à Paris ; vous y montrerez votre joli minois, votre gentillesse et vos bonnes manières, vous essaierez de vous y faire des relations utiles. Nous verrons bien comment les choses évolueront… Si cela vous convient, nous partirons après-demain : je vous accompagnerai jusqu’à la capitale et vous présenterai à la maréchale d’Effiat…
***
Achille était on ne peut plus satisfait de ce qu’il venait d’apprendre : Paris ! Le centre du monde ! Après cette Auvergne glaciale dans tous les sens du terme ! Même si le lit du Roi lui
paraissait un but si difficile à atteindre qu’il n’osait l’envisager, on pouvait toujours espérer ! Et puis, il serait libre ! Il ne devait pas manquer, dans la capitale, de couches autrement attrayantes, si moins rémunératrices, que celle du monarque qui, avec ses quarante ans, lui paraissait un vieillard, comme l’avait dit son père. À lui la liberté, à lui les aventures ! Il trouverait bien le moyen de faire fortune, avec ou sans l’aide du Roi. Oui, ce serait avec joie qu’il partirait !
Mais auparavant, il avait des adieux à faire. Il se rendit aux écuries. Gustave était là, en train de s’occuper des chevaux, l’un des derniers luxes des Vivecombe. À sa vue, Achille sentit son sexe s’émouvoir. En présence du palefrenier, il était incapable de songer à autre chose qu’à leurs copulations débridées, et cela suffisait à éveiller en lui un désir qu’il ne cherchait pas à dominer. Malgré le jeune âge de son maître, Gustave n’était pas son premier amant : une bonne demi-douzaine de valets, de jeunes métayers, d’ouvriers agricoles l’avaient précédé, mais aucun n’avait su éveiller chez Achille autant d’appétit que lui. C’était un grand et beau gaillard d’une vingtaine d’années, athlétique, avec des cheveux frisés plus roux que blonds, qu’il gardait très courts, ce qui n’était pas du tout l’usage du moment. Curieusement, ces cheveux avaient le don d’émouvoir Achille, dont les goûts se portaient plutôt, d’ordinaire, vers les bruns aux longues boucles cascadantes. Il sourit à Gustave et lui indiqua l’échelle de meunier qui menait aux combles ; le valet lui rendit son sourire avec un signe de tête entendu.
Achille monta les quelques marches et se retrouva dans le domaine de Gustave : un petit logement dans le galetas, au-dessus des chevaux dont la chaleur dégourdissait un peu l’atmosphère de la pièce. Une paillasse jetée à même le sol, quelques caisses pour s’asseoir ou pour poser des objets, un bougeoir, un broc et une cuvette de faïence, un morceau de miroir composaient l’essentiel de l’ameublement. Le réduit, par ce froid jour d’hiver, était glacial. Achille se jeta sur la paillasse en grelottant, mais ne prit pourtant pas la peine de ramener sur lui la mauvaise couverture : bientôt, il aurait pour le réchauffer quelque chose de bien plus efficace que ce vieux bout de laine rongé par les mites. Et voici qu’il entrait, justement, ce quelque chose, campé sur ses jambes longues et puissantes, en bras de chemise – le froid ne semblait jamais avoir d’effet sur Gustave –, avec ses larges épaules et sa taille de guêpe. Une insolente barre de fer s’introduisit soudain dans le haut-de-chausses d’Achille. Il tendit les bras :
— Viens, viens vite me réchauffer, je meurs de froid !
Gustave se laissa tomber à genoux sur la paillasse, prit Achille dans ses bras, lui ôta son pourpoint et le serra contre lui. Achille, aussitôt, fut envahi par la chaleur qui émanait de son amant et se répandait dans tout son corps. C’était une chaleur douce et totale, animale, qui, à chaque fois que Gustave le serrait dans ses bras, envahissait le jeune homme en l’espace d’une seconde. Les lèvres du valet s’étaient posées sur les siennes, ardentes, plus chaudes encore que son corps, sa langue impétueuse avait fouillé sa bouche, ses mains avaient jeté au loin son pourpoint et sa chemise, déboutonné et baissé son haut-de-chausses. Achille, les yeux fermés, se laissait faire ; il savait que lorsqu’il faisait l’amour avec Gustave, il n’avait aucune initiative à prendre. Gustave se chargeait de tout et Achille adorait ça : il aimait se sentir la chose de cet homme fruste, presque brutal, dont les soins sans raffinements le transportaient au paradis. Il ouvrit les yeux et découvrit Gustave assis devant lui, entièrement nu. Il ne s’était pas rendu compte qu’il se dévêtait, c’était seulement le manque de ses lèvres sur sa bouche qui l’avait alerté, mais déjà ces lèvres étaient revenues, plus empressées, plus brûlantes que jamais. Achille admira le torse musculeux de l’homme, la toison blonde et frisée qui le couvrait, ses bras au galbe admirable habillés de poils un peu plus roux, plus longs et
plus raides. De son giron jaillissait un gourdin gigantesque, dressé vers le ciel. Et ces bras enserraient Achille, ce torse se collait au sien, cette hampe frottait la sienne, et Achille posait son visage sur cette poitrine, s’imprégnait avec délices de l’odeur du garçon, subtil mélange de foin, de sueur, de cuir et de cheval. Déjà, les mains du palefrenier s’aventuraient vers l’intimité du jeune homme, ses doigts hardis jouaient avec sa pastille. Gustave n’était pas un homme de préliminaires : il lui fallait tout, tout de suite. Achille avait bien essayé de lui enseigner quelques jeux, mais ç’avait été en pure perte. Il était toutefois si performant dans sa hâte et savait si bien s’y prendre pour donner du plaisir à son amant que celui-ci, au bout de quelque temps, s’était résolu à le laisser faire à sa guise. Les doigts de Gustave entraient en lui, jouaient dans son passage, l’enduisaient de graisse à masser les chevaux. Ses mains soulevaient son bassin, l’attiraient vers ce pieu dressé, à la veine palpitante, vers ce gland mauve, turgescent, et le pieu entrait dans Achille, sans pause ni hésitation, il allait buter au plus profond de lui-même, et la jouissance aussitôt l’envahissait, partait de son anus, rayonnait dans tout son corps. Et la hampe magnifique commençait à aller et venir en lui, lentement d’abord, puis à allure soutenue, régulière, elle caressait à chaque passage le point intérieur du plaisir et à chaque fois un nouvel orgasme montait, explosait, envahissait Achille. Et le gourdin soudain se mettait à frémir, à se raidir, à grossir encore, et Gustave à ahaner comme une bête en rut, et il explosait en criant et Achille sentait une marée brûlante déferler en lui, et il partait pour une autre jouissance, par-devant cette fois. Sa hampe entrait en éruption, lâchait à tous les vents sa nuée ardente. Et Gustave s’écroulait sur Achille, et la liqueur d’Achille s’étalait sur le torse de Gustave, inondait ses jolis petits poils. Et tous deux perdaient conscience du moment présent…
***
— Je vais partir, Gustave, dit Achille un peu plus tard ; mon père m’envoie à Paris.
— Ah !
Gustave n’était pas plus fort en bavardage sur l’oreiller qu’en préliminaires : d’ordinaire, une fois leurs sens satisfaits, les deux garçons récupéraient quelques instants dans les bras l’un de l’autre, échangeaient trois mots sur la couleur du temps, quelques baisers goulus, et retournaient à leurs occupations. La nouvelle, ce jour-là, délia un peu la langue du valet :
— Je vas vous r’gretter, M’sieur Achille !
Il serra le jeune homme un peu plus fort dans ses bras et poursuivit :
— Je m’étions ben habitué à vous. Et j’aimions ben ce qu’on f’sait, tous les deux. C’était bon, meilleur qu’avec une femme.
Il fit un signe de croix et ajouta :
— Dieu me pardonne ma bougrerie !
— Je ne pense pas que Dieu s’en offusque, Gustave. Ton âme est pure, et c’est ce qui compte. Et puis, il paraît que notre roi lui-même est un bougre, lui qui est l’oint du Seigneur ;
alors, ça ne doit pas lui déplaire tant que ça, à Dieu, puisqu’il le laisse faire…
— Ah bon ? Notre roi aime les garçons ?
— C’est ce qu’on dit… Et je crois bien que c’est pour ça que mon père m’envoie à Paris, pour que j’essaye de devenir l’amant du Roi…
— M’sieur le Comte y sait donc, pour vous ?
— Que veux-tu, Gustave ? Je ne suis guère discret et dans le pays, on a vite fait de jaser !
— Eh ben quand même, sauf son respect, il exagère, M’sieur le Comte, parce que le Roi, moi, j’ons vu son portrait, il est vieux et pas ben beau, vous méritez mieux que ça, M’sieur Achille ! C’est pas pour me flatter, mais ça va vous faire un drôle de changement !
— Tu es gentil, mon Gustave, mais, outre que je ne suis pas encore dans son lit, l’amour du Roi procure de tels avantages qu’on peut bien faire quelques efforts ! Et toi, tu vas rester ici ?
— Mais oui, si M’sieur le Comte y veut bien me garder. J’vas me marier… Vous savez bien qu’j’étons fiancé ! Mais vous faites pas de soucis, allez, c’est pas pour ça que j’coucherai qu’avec ma femme ! C’est trop bon, avec les garçons !
Achille se blottit un peu plus contre Gustave et déclara :
— Tu as raison, Gustave, c’est trop bon !
Ils étaient de nouveau torse contre torse, ventre contre ventre, tige contre tige ; et elles avaient repris toute leur ampleur, ces tiges. Gustave fit rouler Achille sur la paillasse, s’allongea sur lui et l’embrassa…
***
Achille n’était jamais allé à Paris ; il ne connaissait pas de ville plus grande que Vichy, qu’il avait toujours considérée comme ce qu’il pouvait y avoir au monde de plus vaste et de plus élégant. Il fut ébahi de découvrir la capitale, sa superficie, le temps qu’il fallait pour la parcourir, la quantité de gens qui y déambulaient, le nombre surprenant d’échoppes et la diversité des marchandises qu’elles proposaient. Il aima immédiatement cette métropole grouillante. On la sentait en pleine expansion, en train de changer : la cité médiévale devenait une ville moderne. Partout, des constructions nouvelles, des travaux, étaient en train d’engloutir le vieux Paris. Dans le Marais, la noblesse fortunée se faisait bâtir de fastueux hôtels pour vivre selon son rang non loin de la demeure royale. Mais c’était surtout le quartier des palais qui changeait radicalement d’allure. Un siècle plus tôt, la reine-mère Catherine avait fait construire, pour s’y retirer après son veuvage, un château hors Paris, en plein champ, sur le site d’une ancienne fabrique de tuiles. On l’avait appelé le château des Tuileries. Aujourd’hui, relié au Louvre par une galerie longeant la Seine, c’était devenu une partie de l’antique palais. Une autre galerie était en projet, parallèle à la première et qui ferait du Louvre
un immense quadrilatère fermé par le château. L’actuelle reine-mère Marie avait fait aménager une grande avenue à travers champs qui reliait les Tuileries, où elle aimait à résider, à la forêt de Boulogne. On lui donnerait, cinquante ans plus tard, le nom de Champs-Élysées… Et le cardinal de Richelieu, Premier ministre, s’était fait construire un immense palais, juste à côté du Louvre, résidence principale du Roi et de la Reine.
Achille et son père s’établirent dans le Marais, dans une hostellerie de la Vieille-rue du Temple, où demeurait la maréchale d’Effiat. Avant toute démarche, le comte fit confectionner pour son fils une garde-robe modeste mais décente, qui lui permettrait de se montrer sans honte partout, fût-ce à la Cour : le Roi, d’une religiosité austère, avait promulgué un édit interdisant ces tenues trop somptueuses, chamarrées d’or et de pierreries, qui faisaient fureur sous les règnes précédents. Les vêtements stricts, sans ornements, sans dentelles étaient fortement recommandés, ce qui faisait bien l’affaire du comte, qui put ainsi habiller son fils de neuf sans se ruiner. Lorsque ce fut fait, il le conduisit chez la maréchale.
Achille, en pénétrant dans l’hôtel, se dit que, sans doute, aucune loi semblable à celle sur les vêtements ne s’appliquait aux habitations : jamais il n’avait vu une telle profusion d’or, de cristaux, de tissus précieux, de tableaux de maîtres. Lui qui avait toujours cru que rien, à part peut-être le Louvre, ne pouvait égaler en luxe le château familial, tombait des nues et restait bouche bée devant tant de merveilles. Vivecombe, soudain, lui fit figure de taudis. Mme d’Effiat les reçut fort gracieusement, mais ne put les présenter à son fils : il était auprès du Roi. Les désirs de Sa Majesté étaient aussi imprévisibles qu’impératifs et il lui était impossible de savoir quand Cinq-Mars les recevrait.
— Toutefois, il vient ici régulièrement, conclut la maréchale, et je ne manquerai pas de vous faire chercher à sa prochaine visite. Il vous verra, et je suis sûre qu’il sera en mesure d’aider votre fils à s’établir…
Cela se produisit une semaine plus tard, alors que M. de Vivecombe commençait à trouver le temps long : sa bourse maigrissait à vue d’œil. Dès que le message leur parvint, ils se rendirent à l’hôtel d’Effiat.
***
Henri d’Effiat, marquis de Cinq-Mars, était plutôt beau garçon. Ce fut ce qu’Achille se dit lorsque son père et lui furent introduits auprès du jeune homme. Beau garçon, mais pas vraiment son genre : il préférait les hommes plus virils. Non que Cinq-Mars fût à proprement parler efféminé ; mais enfin, avec ses longues boucles châtaines, son teint de porcelaine et ses allures de tanagra, il était loin de ressembler à Gustave. Achille se demanda pourquoi le Roi qui, jusqu’alors, avait toujours choisi des favoris plus âgés que lui et très virils, de grands guerriers comme Luynes ou Toiras, s’était entiché soudain de ce frêle jouvenceau. Toutefois, un charisme presque tangible émanait d’Henri, et ceci expliquait cela. Et puis, l’amour de la chair fraîche chez un homme vieillissant… Achille trouva le jeune homme plutôt sympathique.
Le Grand Écuyer réserva un excellent accueil au comte et à son fils. Il serait enchanté d’obliger un ami de son défunt père, d’autant que l’arrivée inopinée d’Achille l’arrangeait : il avait besoin d’un nouveau page pour l’accompagner à la Cour ; le précédent ne convenait
pas, il ne se pliait pas à certaines règles, Sa Majesté l’avait pris en grippe, et Henri avait dû s’en séparer deux jours plus tôt. Bien sûr, les jeunes gens ne manquaient pas qui eussent été ravis de prendre sa place, mais si Henri pouvait, par la même occasion, aider Achille et son père, il en serait ravi. Il demanda toutefois, avant de prendre une décision définitive, à s’entretenir en privé avec le jeune homme. M. de Vivecombe trouva qu’il n’y avait là rien que de très naturel, et il s’empressa d’aller faire un tour au jardin.
— Je n’irai pas par quatre chemins, lança Cinq-Mars dès qu’ils furent seuls. Je présume que vous connaissez la nature des rapports qui m’unissent au Roi ?
— J’ai entendu des rumeurs… hasarda prudemment Achille.
— Elles sont exactes. Il est indispensable que cela ne vous choque pas…
— Cela ne me choque en aucune manière, bien au contraire : j’ai les mêmes goûts que vous…
Henri eut un sourire dédaigneux.
— Ces goûts ne sont pas les miens, dit-il. Ce sont ceux de Sa Majesté. Moi, je ne fais que m’y plier. Mais si vous êtes dans ces dispositions, tant mieux. Car, voyez-vous, si le Roi aime les garçons, il est aussi très religieux, et il en culpabilise beaucoup. Si certains jours, vaincu par le désir, il fait l’amour, il se limite la plupart du temps à quelques attouchements. Mais une chose qui lui plaît beaucoup et lui paraît vénielle, c’est de regarder deux beaux garçons en train de faire ce que, justement, il n’ose pas faire. Vous voyez ce que je veux dire ?
— Il me semble. C’est ce rôle-là que vous voulez me voir jouer ? Avec vous ?
— Oui. L’accepterez-vous ?
Achille sourit. Cinq-Mars n’était peut-être pas son type d’homme, mais il était séduisant. Faire l’amour avec lui ne serait pas désagréable, loin de là, et Achille, rien qu’à cette idée, sentit son sexe tressaillir.
— Oh oui ! répondit-il sans hésiter.
Il rougit aussitôt d’avoir laissé paraître autant de fougue. Henri se mit à rire et dit :
— Tout est donc pour le mieux…
— Pardonnez-moi, reprit Achille, je suis sans doute indiscret, mais quelque chose me surprend : ne craignez-vous pas que les jeunes gens que vous présentez au Roi vous supplantent dans son affection ?
— Bien sûr que je le crains, c’est pourquoi je les choisis toujours, comme vous, parmi ceux dont je suis presque certain de la fidélité. C’est dangereux, mais je n’ai pas le choix : il serait encore plus dangereux de ne pas satisfaire le Roi…
***
Cinq-Mars attribua à son nouveau page un appartement dans son hôtel....
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