Comment j'ai raté ma vie sexuelle , livre ebook

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"50 nuances de Gray" revisité par un San-Antonio dépressif.


"Voici un texte extraordinaire, un texte que j'ai dévoré et qui m'a fait pénétrer, guidé par Laura Lambrusco et sa narratrice sulfureusement ironique, dans les bas-fonds de la sexualité. Un des meilleurs textes de cette année près de se terminer."



Thomas Galley - Blog "la Bauge Littéraire"


Après le joli succès de son premier roman, Laura Lambrusco nous peint ici le portrait tragi-comique d'une femme éprise de liberté et de son parcours compliqué, semé d'embûches autant que de petits et grands bonheurs, au gré de ses nombreuses rencontres.


Livrée à la concupiscence d'hommes, de femmes et d'elle-même, Laura Lambrusco fait la chronique d'un voyage initiatique dans les mille lieux et visages du désir, entre cauchemar et délice.


Dans ce roman aux allures de confession d'expériences les plus secrètes, Laura Lambrusco use à nouveau de son style décapant, renonçant à toute décence, pudeur et retenue, nous donnant parfois à pleurer et très souvent à rire.


Mais attention, à ne pas mettre entre toutes les mains !

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Publié par

Date de parution

21 septembre 2016

Nombre de lectures

10

EAN13

9791091599115

Langue

Français

LAURA LAMBRUSCO


Comment j'ai raté ma vie sexuelle



Copyright : ACT éditions / Laura Lambrusco 2016
ISBN : 9791091599115

Extraits




Paulette, elle a cinquante-quatre ans, elle est pas très grande et plutôt grassouillette, elle a toujours vécu toute seule, pas de mec, pas d’enfant, seule fille sur cinq gosses, les frères gâtés pourris et elle sur le côté, à élever ses frères, bien sûr. Jeune, elle était vachement gentille, confiante et chaleureuse. Mais myope. Avec un gros nez. Donc des gros carreaux sur son gros pif, ce qui lui fait un peu une tête de caméléon, sans la queue en spirale mais avec des gros nichons. Et la peau la plus douce que j’ai caressée. Mais Paulette, son problème, c’est qu’elle était pas très jolie.
Ça veut dire quoi pas jolie ? Personne ne le sait. C’est le fascisme de la beauté. C’est comme ça. Elle était pas coiffée comme il aurait fallu. Elle trimballait des kilos en trop pour son siècle, et puis ses grosses lunettes sur son gros pif.
Pas gâtée par la nature, comme on dit connement, parce que la nature, elle verse la même dose de merde et d’or à tout le monde. C’est juste les humains, ces cons, qui se figurent on ne sait quoi avec cette foutaise de beauté, d’apparence physique. C’est pas la nature qui fait chier, c’est nous.
Bref, Paulette, à vingt ans, elle avait du désir et de la passion à revendre, et des fantasmes, et une jolie bonbonnière qui demandait qu’à accueillir un gentil sucre d’orge. Et surtout, elle avait une qualité étonnante, c’est qu’elle était extrêmement libre dans sa tête et dans son corps concernant les affaires du sexe. Elle avait pas de gêne, pas de honte. Bizarrement, alors que tout le monde lui renvoyait une image de boudin, elle se sentait parfaitement bien avec son corps, ou plutôt, dans l’idée qu’elle se faisait de la sexualité. Elle y voyait quelque chose de libre, de sain, de franc, où elle pourrait exprimer son amour, sa joie de vivre, sa fantaisie autant que sa plénitude intérieure.
Elle était encore pucelle. Elle a attendu l’âge avancé de vingt-sept ans avant qu’un mec accepte de lui laisser goûter à son bâton d’amour.
Ça s’est pas très bien passé.
Le mec, il en avait rien à foutre de Paulette. Il avait juste besoin de tirer son coup. C’est ce qu’il a fait. Trois minutes chrono. Pas de caresses, pas de bisous, pas de broutage. Paulette l’a juste sucé un peu (la première fois, quelle excitation pour elle ! Elle en avait le vertige) et le connard l’a fourrée en levrette vite fait sur le gaz et hop, merci madame, j’ai le ticket de parcmètre à changer.
Paulette, ça lui a pas tant plu, cette affaire-là. Elle avait quand même gardé son caractère enjoué et optimiste. Elle a pleuré six mois (évidemment, elle était tombée amoureuse, l’andouille) puis elle y a cru à nouveau. Trois ans après, un homme timide. Très timide. Très discret. Voulait pas faire de vagues, le gentillet. Elle l’a mis dans son lit, c’était mieux que le premier parce qu’il embrassait mais c’était pas un cador non plus. Elle jouissait mieux avec ses propres doigts qui, depuis le temps, étaient très expérimentés, même virtuoses !
Un petit couple se forme, le timide et le boudin, mais ils ne vivent pas ensemble. Le timide explique qu’il faut d’abord se connaître, être sûr, qu’il voudrait pas la décevoir, pas se tromper... et voilà qu’un jour, Paulette croise son timide dans la rue, avec sa femme et ses deux gosses, des jumeaux dans une grande poussette. Merde alors. Le timide n’était qu’un salaud. Merde alors, se répéta Paulette pendant un an.
Elle retourna donc dans sa petite prison intérieure, championne du monde du solo de mandoline. À quarante ans, elle avait toujours connu aucun autre homme et, petit à petit, entre la frustration et le dégoût, elle devint simultanément atrabilaire et lesbienne. C’est à cette époque que je l’ai connue.
Elle me faisait chier à la caisse du Monop, comme elle emmerdait tout le monde, regardait dans les sacs vides, avait pas le temps pour la carte bleue qui marche pas, recopiait bien soigneusement les papiers pour les chèques, appelait le chef avec sa clé à tous propos. Ce genre de sombre connasse qui met son panneau caisse fermée quand il y a encore douze pékins qui poireautent avec leurs courses à crédit, « vous prenez la carte Kangourou ? Oui, j’achète mes pâtes et les croquettes du chat à crédit. C’est tellement plus commode, et c’est seulement vingt pour cent d’intérêts plus cher ! ».
Et un jour, je la croise au marché, je lui dis bonjour pour fayoter et, surprise, la voilà toute douce derrière ses culs de bouteille encadrés d’une monture en fer forgé. Son regard ressemblait à un vitrail raté mais elle sauvait la mise par un gentil sourire, franc et sincère, des œillades langoureuses, elle me cause, de tout, de rien, des tomates et du soleil.
Bref, elle me drague. Je résume vite, c’est comme ça que je me suis retrouvée à lui bouffer la tarte aux poils et à lui coincer les doigts dans mon frifri.
Quand on pense que je ne suis pas lesbienne ni même bisexuelle, avouez qu’il y a de quoi se marrer. Si je suis allée au paradis de Lesbos avec la grosse Paulette, c’est parce que, primo, je suis une fille bien, deuzio, humaine, tertio, dévouée, quarto, philosophe et le quinté gagnant, curieuse.

... /...

Donc on s’est gentiment gamahuchées avec Paulette et puis on a causé, la cigarette après l’amour et les confidences sur l’oreiller. Paulette qui s’était élevée toute seule, d’une certaine manière, elle avait pas été dressée à la beauté. C’était une rêveuse et elle se voyait ni belle ni laide, c’était pas son problème. Elle se voyait femme, passionnée, pleine de vie, de joie et de désirs et d’assez de générosité pour donner une vie de coq en pâte au mari dont elle rêvait.
Il paraît que les petits chiens n’ont pas conscience de leur taille et que c’est pour ça que des ridicules Yorkshires attaquent comme s’ils étaient encore leurs lointains ancêtres loups.
Paulette, c’était pareil avec la beauté. Elle y connaissait rien. Elle croyait qu’il suffisait d’avoir un cœur, une âme, ce genre de niaiseries. Mais elle avait raison, au fond. Et c’est tout le problème. De ses yeux à elle, elle était une princesse, aux yeux des autres, elle était un thon, un boudin, une mocheté.

... / ...

Mais alors... c’est quoi la beauté ? C’est juste des instruments de torture genre conneries de talons hauts à la Louboutin ? C’est seulement des porte-jarretelles ? Des attitudes de pétasse ? Rouler du cul en agitant les bras ? Se passer la gueule à la chaux et les yeux au goudron ? Avoir les mollets bien épilés, pas un poil qui dépasse ! Les robes fendues ? Les cheveux longs qui imitent les spaghettis ? Les nibards en goguette sous les tee-shirts mouillés ?
Paulette, elle a jamais su ce genre de pitreries. Paulette, c’était chandail gris-Paris et pantalon noir en hiver et chemisier à fleurs et jupe longue en été. Et toujours des souliers plats, vu son poids qui, frisant le quintal, la mettait en danger de se briser les chevilles sur des talons aiguilles. Donc, la grosse bigleuse de Paulette qui me léchait si bien, elle aurait pas fait la fierté d’un lascar, non, mais elle aurait juste fait son bonheur. Mais ça nous suffit pas, hein, le bonheur, faut surtout taper la frime avec une femme qui ressemble à un lampion de fête foraine ou un homme qui donne l’impression d’être plein aux as – même si c’est chez Cofidis qu’il a le plus gros de son revenu. Et s’il a le ventre plat, c’est encore mieux (en parlant de ventre plat, vous me ferez penser à vous raconter la vie de Georges tout à l’heure). Bref, l’apparence physique, ça vient droit de l’imagination criminelle de vieux cochons.

... / ...

Paulette, elle a jamais trouvé son Praxitèle. Elle avait parfois des amantes, qu’elle voulait pas revoir parce qu’elle avait un peu honte d’être passée lesbienne juste par dépit, alors elle voulait pas s’attacher. Et puis elle avait des poissons rouges.
Trois poissons rouges et un genre de petit poisson plat qui se collait à la vitre de l’aquarium. Elle me les avait montré avec fierté, comme l’aquarium était propre et les poissons en bonne santé. Au fond de l’aquarium, elle avait déposé un joli sable bleu pâle, puis installé de vraies plantes, pas des bidules en plastique, et les poissons, ils avaient de la place, de la bouffe juste comme il faut, dorlotés les poiscailles.
Un jour, Paulette est descendue avec son aquarium chez ses voisins du dessous qui avaient un petit garçon avec lequel Paulette s’entendait bien. C’était un mercredi et le gamin était là, avec sa maman.
Ils faisaient une drôle de tête en ouvrant la porte pour découvrir la grosse Paulette avec ses lunettes et son aquarium, qu’ils savaient plus si c’était les poissons qui les regardaient ou aux yeux de Paulette qu’il fallait donner des daphnies.
Paulette leur expliqua qu’elle partait en vacances et qu’elle leur confiait sa marée en bocal et qu’il fallait faire attention et changer l’eau et pas trop de bouffe et que le petit garçon devait leur parler de temps en temps, oui, oui, ils reconnaissent la voix.
Paulette et le petit garçon s’entendaient comme larrons en foire et ils ont plaisanté avec la maman une bonne heure puis Paulette est remontée chez elle en laissant le gamin aux poissons et inversement.
Elle a fait un grand ménage, puis s’est lavée scrupuleusement, coupé les ongles des orteils, mis son chandail et sa jupe préférés, elle s’est allongée sur son lit – sans chaussures parce que c’est sale – et...

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