La Vie d'Elsa , livre ebook

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Loi numéro un : les humains et les végétaux dont nous avons appris que leurs génomes se différenciaient à peine partagent le même besoin d'une terre nourricière. Loi numéro deux : d'une terre trop maigre, trop sèche ou trop caillouteuse on ne retire que des sujets malingres, affaiblis, qui réclament des soins particuliers sans lesquels il faut craindre de les voir s'étioler. Loi numéro trois : lesdits sujets résistent mal aux attaques extérieures. Loi numéro quatre : les maux qui les accablent font un bruit infernal qu'ils sont les seuls à entendre. Leur cœur, leur système nerveux mal construits révèlent d'inquiétantes fragilités. Loi numéro cinq : ceci est une loi générale qui ne souffre guère d'exception et dont l'intemporalité est certaine.

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Date de parution

18 mai 2016

Nombre de lectures

0

EAN13

9782342051445

Langue

Français

La Vie d'Elsa
Jean-Paul Delessard
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
La Vie d'Elsa
 
 
 
 
À mes amis d’ici-bas
Qui tant me manqueront là-haut
Là-haut où je n’irai pas
 
 
 
Préface
 
 
 
Ceux qui connaissent l’auteur de cette « vie d’Elsa » savent qu’il est passé et depuis longtemps maître dans l’art de raconter une histoire. S’appuyant sur un scénario crédible et cohérent, ce roman acquiert sa propre vitesse de croisière, enchaînant petit à petit ces scènes qui nous mènent de façon inéluctable à son dénouement. Le décor social est vite planté : une mésalliance, un mariage arrangé, contre l’avis de sa famille entre Charme, docteur de son état, fils de bourgeois nantais, et Elsa orpheline sans éducation. Un mariage contre nature, celle d’un ordre social fixé dans le marbre des conventions, immuable. Et si la belle-mère d’Elsa, vexée dans son orgueil de classe, ne la recevra jamais chez elle à Nantes, c’est bien pour manifester sa répugnance à cette alliance de deux êtres, qui n’éprouvent pas, de plus, l’un pour l’autre, de sentiments bien marqués. Ajoutons à cela que le couple s’établit dans la maison de famille « La Colombière » grande bâtisse sans âme perdue au milieu de la campagne bretonne. L’hiver y est triste même si les marais et les bruyères environnantes y composent un hymne à la nature. Il est peu de dire que les personnages de ce roman sont joliment croqués ; leur description précise et imagée reflète bien leur nature profonde, impossible de s’y tromper, Jean-Paul Delessard sonde justement les cœurs et les âmes. Et comment ne pas voir qu’ils sont prisonniers de ce qu’ils sont et qu’ils ne pourront échapper à leur destin ? Les femmes ne s’aiment pas entre elles, dominatrice comme la mère de Charme, retorse comme Noémie, la femme de chambre ou bien simplement jalouses. Le portrait des hommes est à l’unisson, leurs travers sont dépeints sans apprêts, vaniteux comme le beau-père d’Elsa, sans malice comme Charme, chasseur de femmes assoiffé de pouvoir comme Le Gallic, imbu de lui-même, avide de reconnaissance comme Antoine. Le regard de l’auteur reste cependant amical car jamais ses personnages ne sont vilipendés ou mis au pilori. Par petites touches progressives, il leur donne de la consistance, peaufine leur caractère, si bien qu’on les imagine vivants : ce ne sont plus des êtres de fiction, nous pouvons reconnaître chacun d’entre eux, nous les avons rencontrés dans notre quotidien ! Nous les voyons en image dans notre tête, nous y associons Maupassant, nous pensons à Chabrol ! Il est peu de dire que Jean-Paul Delessard avance, tel un chasseur à l’affût, d’un pas de loup pour nous emmener là où il le souhaite. La tristesse de la vie à la Colombière nous est racontée par le menu et si ce n’était ces parties de chasse dans lesquelles Elsa pouvait se distraire, trouvant plaisir à marcher dans les ajoncs et bruyères, nous ressentirions dans notre chair, l’ennui et l’étroitesse de cette vie campagnarde. Pas étonnant qu’Elsa essaye de s’en dégager pour vivre, en rêvant de s’établir dans le chef-lieu provincial. Dès lors, un nouvel horizon s’ouvre devant elle ; voir du monde, sortir en ville, elle est tout à son bonheur, mais avec cette nouvelle vie apparaissent d’autres tentations ! On imagine volontiers lesquelles et c’est par petites touches et vagues successives que Jean-Paul Delessard nous y conduit avec maîtrise ; sorties à la plage, rencontre avec Gébé, découverte et révélation de sa féminité, montée du désir, et puis c’était écrit, la petite orpheline devait un jour succomber ! Proie facile pour un homme aussi aguerri dans l’art d’être aimé, il fallait qu’Elsa tombe éperdument amoureuse de Le Gallic. Un homme qui comme beaucoup, compte tenu de son rang social dans la ville, croit pouvoir tout se permettre, en restant discret bien sûr. Rencontres furtives sur son bateau, ou chez elle lorsque le placide Dr Charme est en consultations, Elsa se donne à son amant avec bonheur et sincérité. Leur entourage était-il au courant, une liaison aussi longue pouvait-elle rester secrète ? Qu’en disent les amis du couple Le Gallic ? Ils se réunissent chaque fin de semaine pour un dîner chez les uns, chez les autres, y sont invités les commerçants, petits bourgeois et notabilités locales, on se connaît depuis si longtemps, les soirées toujours bien arrosées, se terminent très tard. Chacun est à sa place, joue son rôle social comme il le doit, quoi de plus normal pour un futur maire d’inviter sa maîtresse et son mari à sa table ? Personne n’y trouve rien à redire, il ne faut pas hypothéquer l’avenir, même si les femmes commencent à chuchoter entre elles, à moins que ce ne soit Noémie, qui une fois de plus ait craché son venin contre Elsa. La sauvageonne, devenue femme et maîtresse, sent son amant s’éloigner imperceptiblement d’elle, pris dans ses nombreuses obligations, un peu de lassitude aussi peut-être ? Jean-Paul Delessard en fin connaisseur de l’âme humaine sait que ces choses-là aussi ont une fin. Veut-il nous faire croire qu’Elsa trouvera de nouvelles distractions, se mettra, elle que rien n’y prédispose, à la peinture, pour faire comme les autres femmes de son entourage ? Ou bien s’engagera par dépit ou désœuvrement, dans une nouvelle aventure sentimentale ? Nous hésitons avec lui, sommes déjà un peu attristés même si la suite ne nous est pas connue. Nous interpelle ce style si beau, si plein des phrases, de Jean-Paul Delessard, qui s’enchaînent les unes aux autres sans coup férir, sans nous laisser respirer, dans un mouvement quasi perpétuel. Aucun mot de trop, aucun qui ne soit juste, sobre et précis ; avec une constante fascination pour des mots anciens oubliés de la langue française, hallier – gros buisson où se réfugie le gibier –, truisse – tronc d’arbres coupés ou arbres têtards –, salorge – entrepôt à sel –, étiques – décharnés – et bien d’autres encore qu’il parsème comme pour nous intriguer, nous mettre sur la piste, retenir notre attention et nous essouffler. Car il ne nous laissera pas deviner ou imaginer la suite, c’est lui qui pilote les âmes, sonde les cœurs et nous prend par la main pour nous conduire là où il sait qu’il lui faut aller. C’est le destin qui nous guide, semble-t-il nous dire mais tout est déjà écrit n’est-ce pas ? Pour avoir enfreint les codes sociaux, Elsa et Le Gallic ne peuvent s’en sortir à bon compte. La passion amoureuse si elle peut triompher momentanément, reste profondément injuste tant elle mène les êtres qui s’y sont brûlés à l’anéantissement. Tout en gardant sa part de mystère. Saura-t-on jamais la vérité, Jean-Paul Delessard ?
François Azières Kerassel en Sarzeau (56), le 15 décembre 2015
 
 
 
La mer, en nous tissée, jusqu’à ses ronceraies d’abîme, la mer, en nous tissant ses grandes heures de lumière et ses grandes pistes de ténèbres. (ST John Perse)
 
 
 
1
 
 
 
L’antique 4 L du médecin de Surzeau descendait la petite route qui pend au bas du bourg, longe la rive sud du grand étier et file vers d’anciens marais salants. On n’aperçoit plus guère aujourd’hui de ces marais que les ajoncs qui ont depuis bien des lustres colonisé les digues. Des anciens œillets emplis de vase ne se distinguent plus que des broussées de phragmites aux pieds desquels s’agite tout un peuple d’oiseaux aquatiques et logent d’énormes ragondins. De gros nuages bourgeonnants semblaient, depuis le matin, s’être amassés sur la côte dont ils soulignaient le profil. Il eut été possible, du large, de se faire une juste idée de la configuration du littoral simplement en suivant des yeux cette ligne d’énormes cumulus qui en reproduisaient exactement le contour.
Depuis maintenant près de deux mois, trois ou quatre fois par semaine, Charme Debors empruntait cette petite voie communale à peine entretenue pour se rendre au chantier du père Blanchet dont l’état de santé ne réclamait plus d’aussi fréquentes visites. Charme n’en serait sans doute point convenu et il eut été fort capable d’aligner les meilleures raisons médicales pour justifier ces apparitions répétées au bord de la rivière de Sénerf face à laquelle se tenaient, aussi laids et austères l’un que l’autre, l’habitation et le chantier ostréicole de Pierre Émile Blanchet. À lui-même, il n’osait avouer qu’entrait dans ses manigances autre chose que le strict intérêt de son patient, lequel, grippe-sous comme il l’était, aurait depuis longtemps mis un terme à son manège s’il avait dû ouvrir sa bourse à chaque fois que la 4 L s’arrêtait dans sa cour. La timidité de Charme, son inexpérience à peu près complète des femmes à l’exception de sa mère qui n’en était qu’à peine une paralysait ce dadais presque trentenaire qui, se sentant confusément coupable, s’interdisait de seulement rêver aux beaux yeux de la nièce de l’ostréiculteur vers laquelle pourtant, sans se l’avouer, il roulait une fois encore.
 
 
 
2
 
 
 
Charme Debors était né, disons pour faire rond, vingt-huit ans plus tôt par une triste journée d’hiver froide et emboucaillée. Il avait vu le jour rue Kervégan, en plein cœur de ce quartier de Nantes où l’on trouve concentrée la fine fleur de l’aristocratie locale. Sa mère, née De Roguenard, grande haridelle au teint de cendre, avait exigé d’accoucher à domicile, pratique pourtant depuis plusieurs lustres abandonnée. Charles Antoine Debors, son époux, chirurgien en renom, avait bien tenté de s’y opposer mais sans insister par trop car il avait déjà à cette époque, après cinq années de mariage se

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