L'Oeuvre au soufre , livre ebook

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« “Je vous demande de présenter ma défense.” Je suis estomaqué. Mon délire prend une proportion à la fois intéressante et inquiétante. Je m'ébroue. Je lâche un souffle lent et profond. “L'avocat du diable ?” Mon ton est sincère et dépourvu de tout humour. Je perçois l'inquiétude en moi aussi nettement qu'une douleur physique. Sa requête a brutalement immobilisé le temps, mon temps. “Oui.” » Avec ce procès du diable – ou plutôt de la diablesse Sophia –, c'est un roman crépusculaire et baroque, riche de sens dissimulés et fantastique, que signent Marik Arjona et Julien Dauryan. Deux auteurs qui convoquent dans le cadre de leur « affaire » des figures aussi emblématiques qu'inattendues, qui créent une scène judiciaire fascinante et parfois lourde d'ironie... et qui délivrent un message portant sur l'histoire, l'humanité et la divinité. Une œuvre audacieuse, transgressive, philosophique encore, à l'écriture aussi léchée que mordante !

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Date de parution

04 mars 2016

Nombre de lectures

1

EAN13

9782342049091

Langue

Français

L'Oeuvre au soufre
Marik Arjona Et Julien Dauryan
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
L'Oeuvre au soufre
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
 
 
Le souvenir de Remy
 
 
 
Pourquoi l’écrire aujourd’hui ?
Je dispose d’un temps infini pour le faire. De plus, pour qui l’écrire ?
Un peu plus de lassitude qu’hier… L’envie primale de provoquer le réveil progressif d’un mauvais rêve, fait de ces pesanteurs sans objet qui te font traîner les pieds dès le premier café.
Je n’actionne plus que des points de suspension…
Des passages cloutés vers une sortie impossible, qui ponctuent le rythme intérieur qu’il m’a laissé. Je m’emmerde avec indifférence au spectacle des termites abrutis dont j’ai stupidement voulu libérer la respiration. Il m’a prévenu souvent, à sa manière, faisant appel à cette intelligence dont j’étais si pétri, et ne me servant que de moteur pour un jeu sans issue : engranger sans cesse dans mon recès les fantasmes que je n’avais aucun goût à objectiver ici, dans la merde normalisée par les boîtes crâniennes en forme de cloche des faux décideurs.
Je m’emmerdais avant sa venue, mais selon un mode primitif. Une sorte d’ébauche brute et permanente, due sans doute à une paresse profonde. Mon manque d’ambition renforçait naturellement ce désir net de ne rien faire de probant, au sein d’une société que je vivais comme un agglomérat de gens sans colonne vertébrale. Il m’était possible de ciseler le genre, en peaufinant un emmerdement hédoniste, ou teinté de sadisme, voire de temps à autre de ce cynisme facile mais si délectable…
Mes spectacles secrets me suffisaient pour attendre la mort que j’espérais sans douleur.
Comme tous les lâches ordinaires, je subsistais noblement en exerçant ce qu’il est convenu d’appeler un métier, au sein duquel j’œuvrais avec conscience, en m’emmerdant lucidement.
Curieux, sûrement à la suite d’une erreur de fabrication, je lisais beaucoup. Je thésaurisais par automatisme, au cas où…
Je m’étais renoncé sans douleur, m’acclimatant à une espèce de marigot moelleux dans lequel ma nausée ordinaire servait de liant. Elle m’offrait l’avantage précieux d’une justification rapide, lorsque je me retirais défait de tout désir, d’une relation susceptible de me mener dans la salle d’attente des bonheurs raisonnables. Non seulement je m’emmerdais sans remords, mais je m’en foutais avec une absolue et reposante tranquillité d’esprit. Le cœur ne servait qu’à pomper le sang dans le sac, et ne souffrait plus depuis fort longtemps de ces fièvres pathétiques, qui gênent l’estomac, le foie et la tripaille, provoquant un flux de météorisme ordinaire, s’étendant du pet libérateur à la défécation béate. L’enfermement volontaire était douillet.
J’étais enfin emballage vide, fonctionnaire de mon organisme, gestionnaire presque apaisé d’un ensemble de molécules vieillissantes. Révolté en retraite comateuse, presque transparent, je touchais j’en suis sûr cette zone très proche où la dilution est raisonnablement envisageable.
 
Il arriva exactement à la fin de ce cycle.
Pour m’emmerder…
 
La lune des ramures mourantes s’est installée, remarquable par ses lumières.
Je rentre d’une réunion durant laquelle j’ai dormi les yeux ouverts. Personne n’y a prêté la moindre attention. Tout était donc pour le mieux.
Je vis dans une ancienne écurie, perdue dans un bouquet de châtaigniers fort bavards, mais réellement intéressants. Nos entretiens réguliers m’ont appris à mieux penser arbre.
De leur côté, ils admettent enfin que notre condition humaine, portant témoignage d’un sens de la destruction historiquement confirmé, doit raisonnablement peser plus lourd que le risque lié à une tronçonneuse de passage. Nos rapports quotidiens m’encouragent dans le sens d’un travail visant à me changer en indifférence consciente. Les chiens et les chats, bien que désintéressés par cette démarche, en acceptent malgré tout les effets, surtout à l’heure du remplissage des trois gamelles. Avant de jouir de cette entente confortable, nous avons vécu de terribles disputes.
Je fus forcé par leur entêtement, d’user d’arguments grossiers, insistant sur le fait patent que leur survie était liée à ma volonté de préserver mon lieu de résidence.
Le temps d’une saison, les arbres refusèrent de laisser sortir leur feuillage, exerçant ainsi une rétention d’ombrage, pensant naïvement me soumettre à leur vue. Les chiens et les chats parvinrent à ménager à la fois le devoir de solidarité de la biodiversité et leurs estomacs, en me confrontant à une grève de l’affection. « Pour le principe », me confia le plus âgé, rajoutant à voix basse : « Uniquement pour la forme… Mais dedans, rassure-toi, nous sommes tous d’accord pour ne surtout rien changer. » Je sais aujourd’hui que les châtaigniers firent semblant d’y croire. Ce fait a renforcé chez moi une admiration profonde pour la distance majestueuse, la solidarité entre espèces, mais m’a laissé une vague tristesse sur une osmose de comportement avec l’humain.
 
Je ressens une présence avant d’entrer. La pression en est étrange, car très anormalement enveloppante… Ne tournant jamais une clef, il m’arrive assez souvent de trouver un passager en ces murs. Je ne m’en étonne pas, mais confesse une réelle curiosité quant au responsable de cette pesanteur très palpable. Le climat m’empreint comme les parfums trop lourds, dont la fragrance d’abord agréable, provoque rapidement une migraine qui perdure, laissant les papilles désagréablement collantes et le front douloureusement serré dans un casque à boulons.
De dos, face à l’âtre brûlant, je la vois. Je maîtrise une réelle surprise, l’influx féminin est absolument imperceptible.
— Bonsoir, Remy.
La voix est rauque et voilée, dangereusement insinuante ; j’ai le désir d’en écouter encore le timbre.
L’agacement est immédiat et définitif. Je constate que la température est agréable et égale en tout point de la salle commune conséquente, état que je n’ai jamais pu créer depuis mon installation dans les murs. Rapidement, je vérifie que le poêle d’appoint n’est pas allumé. Je me sens partagé entre une envie immense de foutre à la porte la visiteuse, et l’énervant besoin de savoir ce qu’elle attend, dans mon fauteuil, devant ma cheminée…
— Approchez, je vous en prie…
La formule est courtoise, mais le ton contient un ordre inflexible.
— Je fais comme chez moi ? Humm ?
Elle exhale un rire qui là aussi, mélange intimement sensualité et dureté. Mon agacement grandit. Je me sens vulnérable, improbable, presque vulgaire. Habituellement, je manie le verbe avec habileté et précision. Mes reparties sont craintes et déchirent à tous les coups les cicatrices chez les vis-à-vis ayant tenté la moindre attaque. Le solde de mon orgueil, cette gangue plus dure que le granit, s’éveille brutalement. Trop brutalement, je le sais. Je me mords les neurones. L’instinct du chasseur de mauvais cons me hurle la prudence. J’éructe un feulement de baryton, destiné à traduire l’essence du blasé en forme, prêt à monter en loges après les vocalises d’usage.
Le même rire-soupir, mais cette fois enrichi d’un amusement presque enfantin, semble tourner dans la pièce. Je ne m’aperçois de la pénombre ambiante qu’au moment où elle tourne lentement la tête vers moi. Le mur des flammes en arrière-plan présente à la vue le volume parfait d’un visage dont je ne reçois que le profil gauche. Je m’approche en saisissant le second fauteuil, le plus inconfortable donc le plus indispensable à l’état de vigilance accru dont je sais l’absolue nécessité. En m’asseyant à moins d’un mètre, je découvre enfin, avec un soulagement inconnu et angoissant, le modelé de la visiteuse. Je crois parvenir à ne rien laisser s’exprimer sur mes traits, de cette profonde stupéfaction lorsque je confronte l’image dans son entier.
Le chat de Chester, Audrey Hepburn et le tigre de Sibérie se sont concertés pour créer ce visage parfait. Le modelé est presque indécent par ce qu’il renvoie de lumière.
Le feu semble rebondir sur les courbes, prendre un élan de tremplin et sauter dans le regard vert. Le sourire d’une fixité photographique n’invite en rien. Il tient à distance sans qu’aucune pulsation ne soit ressentie. L’œil est ourlé d’une ombre de mélancolie…
Le mot ne me satisfait pas pour ce que je suis sûr de percevoir. Ni tristesse, spleen ou morosité ne font l’affaire… Ils contribuent sans satisfaire. Ce nouvel élément du jeu donne naissance à un énervement douloureux, comme une rage de dents naissante. Elle m’a juste regardé puis très lentement, la tête a repris son axe d’observation des flammes.
Pourquoi ne suis-je pas surpris ? Environ quatre minutes ont été dissoutes. La même bûche se consume sans s’amenuiser, l’horloge murale surmenée ne bruite plus. Et je ne suis pas surpris… Caractériels depuis leur naissance, inapprochables, les trois chats sont lovés sur ses jambes, perdus dans un sommeil inconnu. Les trois chiens cernent son fauteuil. Et je ne suis pas surpris…
Les questions qui me compriment la cervelle menacent de s’échapper par mes narines. Je sais qu’elle le voit, littéralement, malgré mon impassibilité diplomatique. Je suis en train d’atteindre l’état tant rêvé d’indifférence. Je ressens, comme plein d’un excellent dîner, ces vapeurs sans identité qui mènent à la sieste des sens intellectuels. Voici le temps où

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