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0
EAN13
9782491826277
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
L'univers est infini et plein de promesses, à l'image de l'esprit humain. Des myriades d'influx nerveux connectent les synapses du cerveau telles les étoiles reliant les constellations, magnifiques et fascinantes de complexité. À tel point qu'il est aisé de se perdre en contemplation dans cette galaxie de possibilités. L'espace et l'âme offrent bien des merveilles, mais prenez garde à ne pas vous perdre dans leurs méandres sous peine de voir le rêve devenir cauchemar.
Vous voilà fin prêts à explorer nos nombreuses destinations : terre promise, nouvel Éden, transhumanisme, prolongement de la vie. Quel que soit votre choix, vous en reviendrez transformé.
Et si tout cela n’était que chimères ? Si ce paysage idyllique abritait de biens sombres secrets ? Que cette société parfaite ne reposait que sur un mensonge ?... Choisirez-vous d’échapper à ce paradis artificiel ?
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EAN13
9782491826277
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Paradis artificiels
Anthologie
© [erminbooks]. Tous droits réservés.
Crédit iconographiques : @Kriscole, ActiveDesigner, vanzyst, liuzishan, VVadi4ka, anttoniart, sila5775, andrush,
Polices : Sansation et Jade.
Couverture et compositions : Shealynn Royan
Responsable éditorial : Jérôme Véron
ISBN : 978-2-491826-27-7
STK 2029
Serge Goriely
Shi-Tsu-Khi – plus connue comme STK – est une nouvelle ville de quelque 12 000 hectares, fondée en 2023 dans le district de Chong Chuan, au nord de Shanghai. Bâtie en grande partie sur un terrain gagné sur la mer Jaune, la ville constitue, selon Wikipédia, « le plus ample projet de développement réalisé avec des fonds privés », « engage de très ambitieux défis urbains dans le domaine de la technologie et de l’écologie » et « propose la plus vaste zone franche de Chine ». En à peine trois ans, son essor a été spectaculaire. Pour Yahoo Finance, STK a rejoint le peloton des dix places financières incontournables (grâce au formidable essor des valeurs biotechnologiques) et, selon le palmarès 2029 de Forbes, elle fait partie des trois villes les plus agréables à vivre au monde.
Partie de rien, sa population n’arrête pas de croître. Elle dépasse aujourd’hui le million d’habitants, dont, fait remarquable, seulement un tiers est d’origine chinoise. À STK, on dénombre 125 nationalités. Une trentaine de langues sont pratiquées par les traducteurs automatiques pour les échanges intercommunautaires. La ville est désormais devenue la référence pour ce qu’il est convenu d’appeler la Super-Smart City , reléguant ipso facto les modèles précédents, comme celui de Songdo en Corée, au statut de villes intelligentes de première génération.
Ayant investi depuis ses débuts sur la prévision des incidents, STK a réussi à s’imposer comme une ville extrêmement sûre. Les accidents ou événements regrettables, a fortiori les actes délictueux et criminels, y sont rarissimes, mais toutefois possibles.
L’histoire qui suit se rapporte au drame qui s’est déroulé le 15 octobre 2029 dans le quartier cossu de Fustang, plus exactement à la Cloud Tower sur Pearl Street, un des joyaux architecturaux de STK. Celle-ci est également connue pour être un édifice que Zhi-Zhu, le tout puissant consortium chargé d’administrer la ville, réserve à son personnel de catégorie supérieure.
Au 53e étage de la Cloud Tower, le duplex T-537 était alors occupé par le Français Alex G. Il y logeait avec sa famille, à savoir son épouse Tina D., de nationalité américaine, et leurs deux enfants, Zeb et Zack. Alex et Tina travaillaient tous les deux chez Zhi-Zhu. Ils avaient commencé six mois auparavant, lui comme chef développeur web au département des consommateurs et elle comme contrôleuse de gestion dans l’unité responsable des logiciels éducatifs.
Le 15 octobre 2029, à l’heure du midi, Alex et Tina organisaient un repas dans leur luxueux duplex, avec l’intention de fêter en famille le douzième anniversaire de leur nièce, Vicky. Vicky était accompagnée de ses parents : Clotilde G., sa mère, qui est la sœur aînée d’Alex, ainsi que son père, Gavin H. Clotilde était alors directrice de recherche au Monsanto Lab, un organisme très actif en Chine, alors que Gavin, citoyen britannique, donnait des cours particuliers d’anglais.
Clotilde faisait partie des premiers arrivants à STK. Comme telle, elle avait reçu l’autorisation exceptionnelle de pouvoir y acquérir un bien immobilier, un privilège en principe réservé aux Chinois. C’est ainsi qu’elle était devenue propriétaire d’un petit appartement dans le quartier dit « historique » d’Heduo, éloigné d’une demi-heure en bus de la Cloud Tower.
Le jour du drame, outre Alex et Tina, Vicky et ses parents, était aussi présent le Belge Hervé R., professeur de littérature comparée à l’université de Bruxelles. Hervé avait profité d’un colloque à Tokyo pour faire un saut jusqu’à STK et y retrouver son ami Gavin qu’il n’avait pas vu depuis plusieurs années. Il était hébergé dans le duplex T-537.
Hervé (Belge, 41 ans) – 5 h 37
Le 15 octobre 2023, à l’aube, Hervé, en proie à un cauchemar, se réveille en sueur. Son premier réflexe est d’essayer de se souvenir des éléments qui l’ont effrayé et de reconstituer la trame du récit dans lequel il a été entraîné.
Il se revoit dans son rêve. Il est chez lui, à Bruxelles, dans son lit. Une grande araignée a envahi sa chambre. Il aimerait réagir, mais une peur terrible l’en empêche. Pendant ce temps, la bête aux pattes poilues continue de grossir. Il choisit de se dissimuler sous les couvertures, mais avec regret. Il sait qu’il ferait mieux de sortir du lit et trouver une arme. Il abattrait alors l’intruse, puis se rendrait dans les autres chambres, car d’autres créatures menaçantes ont pénétré dans la maison et il faut les tuer. Entre-temps, l’araignée géante a sauté sur son lit. Le drap bouge. Il sent qu’elle s’approche de lui. Retenant son souffle, il soulève un coin de la couverture, le plus discrètement qu’il peut. Il se retrouve alors face à quatre gigantesques paires d’yeux globuleux surmontant deux puissants crochets aiguisés qui s’agitent dans sa direction avec un bruit de cisailles.
C’est alors qu’il s’est réveillé.
Voilà à peu près tout ce qu’Hervé se rappelle ; au fur et à mesure qu’il cherche dans sa mémoire, inexorablement, les images s’effacent. Lui restent le souvenir de la peur face à des êtres monstrueux ainsi que la gêne honteuse d’avoir préféré se cacher plutôt que de se battre.
Il essaie de comprendre. De quoi aurait-il peur ?
Toujours blotti sous les couvertures, il bouge légèrement la tête et tend la main jusqu’aux lunettes sur la table de chevet. Il les prend, les pose sur le nez et, encore allongé, regarde autour de lui. Malgré l’obscurité, il distingue une haute armoire claire et la silhouette d’un bureau bien rangé. Il se croirait presque dans un show-room d’Ikea à l’heure de fermeture. Rien à voir avec sa chambre à Bruxelles, marquée par un désordre qu’on pourrait qualifier d’endémique.
Il lui faut quelques instants pour reconnaître l’endroit où il se trouve.
La mémoire lui revient : STK, la chambre d’amis, l’appartement du beau-frère de son ami Gavin. Deux jours qu’il est arrivé. C’est dimanche. Il repart ce soir. Avant cela, à midi, une fête d’anniversaire.
Hervé se redresse dans le lit, passe une main sur son corps qu’il sent moite. Il étire ses bras.
Un air de musique se fait entendre.
— Oh ! Mais je connais ce morceau, se dit Hervé, agréablement surpris.
Un écran s’allume sur le mur qui lui fait face. Il indique l’heure – 5 h 42 ! Comme c’est tôt ! – et affiche aussi une série de chiffres en rapport avec la température, la météo, le niveau de pollution ou la consommation en énergie de la nuit.
— Mais bien sûr, il s’agit du premier quatuor de Rossini !
C’est un de ses airs favoris. Il l’écoutait souvent quand il était étudiant.
La carte de l’Europe apparaît sur une partie de l’écran. Hervé ajuste ses lunettes. Par un effet de zoom, il en vient à reconnaître la Belgique, puis Bruxelles, son quartier... et jusqu’à sa maison. Il fait noir. On est en temps réel. Là-bas, c’est encore la nuit, les lumières sont éteintes… Tout est calme. La vue est nette, prise sous plusieurs angles, toujours depuis l’extérieur.
Un jeune guerrier de manga de belle prestance, lui rappelant Son Goku de Dragon Ball , apparaît sur l’écran. La musique s’enchaîne sur une voix suave qui lance dans un français parfait :
— Tu peux rester serein, Hervé ! À Bruxelles, tout va bien ! Rien à signaler chez toi !
Hervé reste indifférent à la nouvelle, tant son esprit est sous le charme du spectacle qui lui est offert.
— Heureusement, puisque tu vis seul, ajouta le messager inattendu en clignant de l’œil
Puis, ouvrant les deux mains, il déclare avec une solennité feinte :
— Hervé, le bruit court que c’est ta troisième et dernière journée à Shi-Tsu-Khi. Sache que je te la souhaite merveilleuse et riche en émotions positives !
Presque simultanément, au bout de la pièce, les stores de la grande baie vitrée se lèvent. Lentement, presque sans bruit, ils laissent pénétrer une lueur brillante, aux teintes rosées. L’aurore perce.
Il se souvient alors de ce que Tina lui avait expliqué : la chambre est munie de senseurs et fait réagir les objets en fonction de ses mouvements et des informations qu’elle a découvertes sur lui sur la toile. Depuis son arrivée, sa perception s’est affinée et elle a maintenant intégré qu’il vivait seul, qu’il aimait Rossini et les mangas… et peut-être même qu’il a fait un cauchemar cette nuit !
Même s’il ne sait pas exactement à quoi s’en tenir, Hervé s’amuse de cette idée. Quelle technologie miracle ! C’est comme si la pièce savait avant lui ce qu’il voulait et ce dont il avait besoin pour se sentir mieux !... Décidément, ce qu’il vit depuis deux jours n’arrête pas de dépasser son imagination. Lui qui jusqu’à ce voyage ignorait tout de Shi-Tsu-Khi, la super-ville intelligente de l’avenir ! Jusqu’à son nom !
La lumière envahit progressivement la pièce. Hervé, dont les yeux se sont habitués à la clarté, se sent poussé par une envie soudaine. Il se lève et marche vers la baie vitrée, à présent entièrement découverte. Sans qu’il ait besoin de s’arrêter, la porte-fenêtre principale s’ouvre automatiquement en coulissant. Il avance de quelques mètres et se retrouve rapidement face au paysage qui l’a tellement impressionné le premier jour, mais rendu cette fois encore plus spectaculaire par l’effet des feux rougeoyants du jour naissant.
La paroi en verre est transparente, presque invisible. À travers elle, il peut contempler les larges avenues bordées d’espaces verts en forme de nénuphars ou de papillons, sur lesquelles ne circulent que des véhicules autonomes et à propulsion électrique ; les longs canaux qui tracent sans fin des motifs géométriques multiples et que d’élégants ponts enjambent sans avoir l’air de les toucher ; les gratte-ciel aux formes surprenantes, courbées, en étoile, trouées ; d’autres