Hiver : Cinq fenêtres sur une saison , livre ebook

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2019

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Cinq fenêtres grand ouvertes sur la plus austère des saisons, comme autant de façons d’en proposer une histoire sociale et culturelle. Cet essai, poétique et abondamment documenté, puise dans l’art, le sport, l’urbanisme et l’histoire pour décrire les mille facettes de l’hiver: le chauffage au charbon, le patin, l’art romantique, les grandes explorations polaires, les fêtes de fin d’année, la littérature russe, l’art pictural japonais, le hockey ou la retraite de Russie de Napoléon. Avec élégance et érudition, Adam Gopnik sonde aussi les sentiments et attitudes qu’inspire l’hiver et montre comment ceux-ci changent avec le temps et la distance, donnant ainsi à lire une représentation commune et humaine du froid et de la neige. L’hiver, qu’on ne trouve jamais aussi beau qu’à travers les fenêtres givrées d’une demeure chaude et protectrice, évoque aussi une grande vérité anthropologique: c’est toujours de l’intérieur que nous appréhendons le mieux le monde extérieur.
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Publié par

Date de parution

31 octobre 2019

Nombre de lectures

1

EAN13

9782895967705

Langue

Français

© Lux Éditeur, 2019
www.luxediteur.com
© Adam Gopnik et Canadian Broadcasting Corporation, 2011
Titre original: Winter: Five Windows on the Season
Toronto, House of Anansi Press
Dépôt légal: 4 e  trimestre 2019
Bibliothèque et Archives Canada
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN (papier): 978-2-89596-305-9
ISBN (pdf): 978-2-89596-815-3
ISBN (epub): 978-2-89596-770-5
Ouvrage publié avec le concours du Conseil des arts du Canada, du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec et de la SODEC . Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada pour nos activités d’édition, ainsi que du Programme national de traduction pour l’édition du livre, une initiative de la «Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018: éducation, immigration, communautés», pour nos activités de traduction.

Pour Gudrun Bjerring Parker
Réalisatrice, féministe, amoureuse du monde,
femme du Nord,
qui a élevé, aimé et formé puis
laissé partir mon grand amour
et, comprenant trop bien les sentiments de Déméter, n’a jamais laissé son cœur
devenir froid envers l’emprunteur.

Ce que j’ai appelé notre enveloppe, l’isolement culturel qui nous sépare de la nature, rappelle (pour reprendre une image qui a hanté mon enfance) la vitre d’un wagon de train illuminé, à la nuit tombée. La plupart du temps, il s’agit d’un miroir qui reflète nos préoccupations, y compris à propos de la nature. En tant que miroir, il nous donne l’impression que le monde existe principalement par rapport à nous, qu’il a été créé pour nous, que nous en sommes le centre et la raison d’être. Mais, à l’occasion, le miroir se change en fenêtre, où défile une nature indifférente qui se prolonge à perpétuité, sans nous, une nature qui donne l’impression de nous avoir enfantés par accident et qui, si elle éprouvait des sentiments, le regretterait.
Northrop F RYE , Creation and Recreation

MOT DE L’AUTEUR
Le plaisir que procurent les conférences Massey s’explique en partie par le fait qu’elles sont publiées au moment même où elles sont prononcées. C’est un cadeau pour le conférencier dans la mesure où le gros du travail s’effectue en amont de la tournée; dans le cas du conférencier porté sur la procrastination, la prise de notes de dernière minute devient moins effrénée, moins lassante. Mais c’est aussi un défi pour ceux d’entre nous dont les retards ont bonifié le travail et qui ont l’habitude de parler à partir de notes ou même de mémoire – en partie, je suppose, à titre de cascade du genre qu’on réalise au cinéma, quelque chose comme un saut en chute libre, sans parachute: on cherche désespérément une botte de foin dans laquelle atterrir, il doit bien y en avoir une, quelque part . Bref, on gagne en hardiesse ce qu’on perd en lucidité.
Puisque les conférences, dont celles-ci, ont pour fonction d’être prononcées, je voulais que les essais publiés aient un ton différent de celui des textes léchés dont j’ai l’habitude, mais je tenais à ce que le lecteur y trouve quand même son compte. Un an avant d’entrer en scène, j’ai donc eu l’idée de préparer cinq fausses conférences Massey – cinq conférences que j’ai improvisées dans mon salon, au cours de l’hiver 2010, à raison d’une par sujet, avec le soutien enthousiaste du vin et de la caféine. Les chapitres qu’on va lire s’inspirent de la transcription de ces conférences de salon, que j’ai, avec l’aide de spécialistes, repassées, lissées, manucurées et taillées, sans, je crois, les dépouiller entièrement de leur oralité. J’ai supprimé les tics de langage les plus irritants – les «en fait», les «en réalité» et les «donc, essentiellement» – plus fréquents que nous le pensons et le craignons –, mais je n’ai pas tenté de corriger les aspects les plus raboteux et les plus exaltés des prestations. (Je me suis rendu compte que les phrases dites à voix haute ont un rythme naturel en trois temps: une affirmation, son développement et un résumé simplifié.) Ces chapitres conservent donc, à dessein, une dimension «parlée», et j’espère qu’on y retrouvera le ton d’un homme qui a approfondi une question – ou, dans quelques cas, l’a à peine effleurée – et communique à des amis rencontrés en soirée son enthousiasme de l’après-midi. Je le mentionne par crainte que le lecteur, devant le tempo heurté et saccadé de certaines phrases, se dise que je n’ai tout simplement pas remarqué leur étrangeté ou que j’ai tenté, sans succès, de reproduire sur le papier la musicalité de la parole.
Il s’agit donc de transcriptions revues et corrigées des conférences que j’ai prononcées naguère, destinées à servir de modèles parlés à celles que je n’avais pas encore données. Bien que paradoxale, l’entreprise semble adaptée au sujet: pourquoi l’hiver, saison longtemps considérée comme une forme de disgrâce de la nature, est-il devenu pour nous synonyme de chaleur humaine?
Par conséquent, je dois d’abord et avant tout remercier ceux qui m’ont écouté – Patty et Paul, Ariel, Alec et David, Becky et Emily, Leland et Aimee, sans oublier, bien sûr, Martha, Luke et Olivia et même Butterscotch, qui mâchouillait en s’interrogeant sur le sens de l’exercice – de m’avoir supporté patiemment. J’aurai d’autres personnes à remercier à la fin du livre, mais, sans les oreilles de ceux que je viens de mentionner, il n’y aurait même pas eu de début.
A.G.
New York
Juin 2011

CHAPITRE 1
L’HIVER ROMANTIQUE
La saison en vue
Je me souviens de ma première tempête de neige comme si c’était hier, alors que, en l’occurrence, elle a eu lieu le 12 novembre 1968. La neige a commencé à tomber peu après quinze heures. L’école terminée, j’étais à la maison, un appartement d’Habitat 67 (legs de l’Exposition universelle tenue l’année précédente), niché au-dessus du Saint-Laurent, où ma famille était installée depuis à peine quelques mois.
Jeune enfant à Philadelphie, j’avais vu de la neige, évidemment, mais cette neige-là était un grand événement, un prodige qui se présentait une fois par an. La neige qui tombait à Montréal – sa douce et enveloppante persistance, son intensité, son extrême précocité (la mi-novembre!), acceptée avec complaisance par tous – emmailloterait le monde pendant des mois et des mois. Campé derrière la mince fenêtre panoramique qui dominait la terrasse, je l’ai vue tracer les contours du monde, souligner les plantes, les arbres et les lampadaires, les entourer de fines bordures blanches, puis les ensevelir lentement sous les crêtes et les dunes. J’avais conscience d’être entré dans un nouveau monde – et que ce monde était celui de l’hiver.
Quand je me remémore ma jeunesse montréalaise, c’est toujours à l’hiver que je pense en premier. Je pense au froid, bien sûr. Je me souviens d’avoir marché dans un froid si mordant que mes oreilles me donnaient l’impression de s’être changées en glace. (Qu’était-il arrivé à mon chapeau? Qu’arrive-t-il aux chapeaux des petits Canadiens? Ils s’égarent dans quelque vaste entrepôt de laine qui, lorsqu’on le découvrira enfin, suffira à regarnir tous les moutons du monde.) J’éprouvais de la douleur, assurément, en même temps que – errant dans les rues d’un lieu qui, quelques heures plus tôt, avait l’apparence d’une grande ville, mais qui, à vingt degrés sous zéro, semblait aussi étrange, abandonné et polaire qu’une banquise – je me trouvais dans un singulier état de fugue. [*]
Mais, par-dessus tout, je garde le souvenir d’instants de sérénité, de rares moments de parfaite équanimité: les skis de fond aux pieds, au sommet du mont Royal, au cœur de Montréal, à cinq heures de l’après-midi, par une soirée de février, j’éprouve un sentiment de paix, un attachement au monde, une compréhension du monde, pour moi inédits. Cette émotion ne m’a jamais quitté. Mon cœur bondit chaque fois qu’on annonce une tempête, même dans la grisaille * perpétuelle de Paris; je souris quand on nous promet du froid, même à New York, où le mercure oscille perpétuellement entre cinq et dix degrés. Ciel gris et lumières de décembre sont pour moi source d’une joie secrète, et au paradis, s’il existe, je m’attends à trouver un ciel bas, gris-violet, des lumières blanches dans tous les arbres et les premiers flocons qui tombent doucement. Et ce sera perpétuellement le 19 décembre, la plus belle journée de l’année: l’école est finie, les magasins ferment tard et Noël n’est plus qu’à une semaine.
Pourtant, l’amour de l’hiver, si on adopte une perspective historiq

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