157
pages
Français
Ebooks
2021
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
157
pages
Français
Ebooks
2021
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Publié par
Date de parution
22 septembre 2021
Nombre de lectures
1
EAN13
9791097570804
Langue
Français
Maddy est heureuse. Entourée de ses amis, elle vit sa passion au sein de l’école de danse de la prestigieuse et regrettée
Ila Sellers-Varnet
. Elle est même retenue pour la danse de clôture du gala de fin d’année, en duo avec Mademoiselle Tu.
Mademoiselle Tu...
En quatre mois de répétitions, cette élève mystérieuse et solitaire va bouleverser sa vie à jamais.
Publié par
Date de parution
22 septembre 2021
Nombre de lectures
1
EAN13
9791097570804
Langue
Français
Have you ever danced with the Devil in the pale moonlight ?
[Avez-vous déjà dansé avec le Diable au clair de lune ?]
Le Joker (Jack Nicholson) dans le film Batman de Tim Burton (1989)
C’est fini. La dernière danse vient de s’achever et c’est peu dire qu’elle a bien porté son nom ce soir. Ma terrible partenaire et moi, nous ne danserons jamais plus ensemble. Elle ne devrait pas me manquer, ma partenaire. Pourtant… Pourtant, je ne peux empêcher ma main de se tendre vers elle, en vain, tandis qu’elle s’éloigne et que je suis à terre, clouée au sol par la douleur. J’aimerais qu’elle revienne, j’aimerais lui parler, j’aimerais la comprendre enfin et lui pardonner. Ma vue se brouille, seule l’image de mes doigts qui s’agitent dans la lumière des projecteurs me parvient. Soudain, les événements de ces quatre derniers mois me reviennent, par vagues, à une vitesse folle ; mes quatre mois avec Mademoiselle Tu.
QUATRE MOIS PLUS TÔT
PREMIER TEMPS
Premier jour
– Bel appétit !
Je lève les yeux. C’est le chef de la cantine, Jim – en fait Jean, mais il préfère Jim –, qui m’a lancé ça en souriant. Il n’a pas tort : je viens d’engloutir un grand bol de céréales, trois tartines, deux bananes et une pomme.
– Oui, j’avais faim…
– Et c’est plaisant à voir, crois-moi, surtout pour un cantinier. Sans compter que cela devient rare ici… Regarde donc : il est seulement sept heures et demie et tout le monde est déjà parti sauf toi !
Un grand geste circulaire accompagne ses paroles, son bras balaie l’étendue des tables abandonnées, puis retombe mollement, tristement. Son autre bras supporte un plateau de muffins appétissants, de quoi être plus joyeux.
– J’ai beau mettre des panneaux de conseils nutritionnels, cuisiner des repas nourrissants, choisir du bio… Ils me fuient ! poursuit Jim avec un accent de désespoir. C’est très mauvais pour des danseurs de manger si peu ! Bientôt, ils ne tiendront plus sur leurs jambes ! Dis-le-leur, Maddie, dis leur bien… Et pitié, fuyez ce maudit stand de frites d’en face ! Je sais qu’il est tentant, cependant je les ai étudiées, leurs frites, et je t’assure qu’elles sont loin d’être diététiques. Je peux en faire, moi, des frites, de bonnes frites saines… Oui, j’en suis capable ! Quant aux boissons protéinées, oubliez-les. Rien ne vaut de la vraie nourriture. Il faut manger pour danser. S’en rendent-ils au moins compte ?
Il semble déprimé pour de bon, surtout avec son calot blanc qui lui tombe à moitié sur l’œil. Je lui souris gentiment et il me rend la pareille, pas sans un soupçon de tristesse.
– Ne t’en fais pas, Jim, nous savons tous ça. Si tu n’étais pas là, nous serions des mollusques – même si je n’ai jamais pu le vérifier, j’aurais tendance à croire que les mollusques sont mauvais danseurs. Avec toute l’équipe du réfectoire, tu es la pierre angulaire de cette école. Rien ne serait possible sans toi !
Là, il sourit franchement, ses yeux pétillent de fierté fondée.
– Pour ce qui est de ce matin, lui dis-je, c’est sûrement la big réunion qui nous attend à huit heures qui leur a coupé l’appétit. Au déjeuner, nous serons tous là, avides de tes bons petits plats. Et puis, le stand de frites est fermé jusqu’à la mi-janvier… De toute façon, l’ensemble du stock de frites de ce monde ne peut pas faire le poids face à un seul de tes plats de pâtes ou de l’une de tes salades. Sans oublier tes muffins !
Sur ce, j’en prends un sur le plateau qu’il tient et croque dedans.
En sortant du réfectoire, le froid m’enveloppe soudain, me pique le nez et les yeux. Au fond, cela ne me gêne pas. C’est vivifiant, comme on dit. D’ailleurs, il reste du temps avant la réunion ; autant me promener un peu.
Je quitte l’école et en longeant la façade, je repense à Jim. Je ne lui ai pas menti. Qu’est-ce que l’on deviendrait sans lui, et sans l’école ? Qu’est-ce que je deviendrais, par exemple ? L’école secondaire de danse Ila Sellers-Varnet – dite l’I.S.V. – est devenue ma maison, elle l’est depuis deux ans et demi et j’envisage parfois d’échouer sciemment au bac rien que pour y rester un peu plus longtemps. L’avenir ne me fait pas peur, simplement mon présent me plaît beaucoup.
Les rues sont plutôt animées ce matin. Perchés sur des échelles, des employés municipaux décrochent déjà une partie des décorations de Noël. Je les regarde faire sans rien ressentir de particulier. Noël reviendra. C’est ce que j’aime dans les fêtes de fin d’année : elles sont toujours au rendez-vous.
À mon retour devant les portes de l’I.S.V., j’aperçois Carine, cigarette au bec. Elle est de dos, malgré ça je la reconnais à son carré effilé et à sa silhouette qui reste fine malgré son blouson. Je m’approche discrètement et lui retire son poison des mains tandis qu’elle souffle de la fumée.
– Eh ! lance-t-elle pendant que j’écrase l’objet du délit sur le rebord d’une poubelle avant de le jeter dedans.
Constater que c’est moi la coupable ne l’étonne pas.
– Sainte Maddie, tu as encore frappé ! Sais-tu que les anges sont parfois énervants ? dit-elle en faisant semblant d’être fâchée.
– Je ne suis pas une sainte ni un ange. Ce que je suis, c’est une amie qui tient à toi et qui ne veut pas que tu te tues à petit feu.
– Si ce n’est pas ça, ce sera autre chose qui le fera. Laisse-moi choisir mon arme.
Elle meurt d’envie d’en reprendre une, je le vois à sa main qui agrippe la poche de son blouson, mais elle se retient. Ses joues sont rosies par le froid – et aussi par le blush – et ses yeux bleu acier, savamment maquillés, me lancent un regard légèrement suppliant.
– Tu ne comprends pas Maddie : je suis stressée et fumer me détend.
– Mauvaise excuse.
– Très bonne excuse ! Le stress tue plus sûrement que le tabac.
– Hum… Tu crois vraiment ?
– Bien sûr. Le stress déprime et la déprime mène au suicide.
– Tu prends de sacrés raccourcis.
– Le stress est le pire fléau de l’univers, il n’y a pas de mauvais remède pour le vaincre.
– Quitte à choisir, autant opter pour des remèdes moins… néfastes. Au fait, pourquoi es-tu stressée ?
– À cause de la réunion…
– Pourquoi ? Elle est la même tous les ans. C’est déjà la troisième fois qu’on y assiste.
– Septième pour moi ! N’oublie pas que j’ai fait tout mon collège ici.
– Raison de plus, tu devrais y être habituée. Il ne s’agit que de la composition du programme du gala de fin d’année. Aucun danger ne nous guette…
– Que tu crois ! L’an dernier, je suis tombée dans le groupe de madame Breuil. Ce n’est pas une prof de danse, mais un commandant en chef !
Maintenant qu’elle n’a plus aucune raison de se tenir de l’autre côté du panneau « Interdit de fumer » placardé sur le portail de l’école, Carine entre et je la suis. Nous rejoignons les autres élèves qui se dirigent tous vers les portes de l’auditorium B, à l’arrière du bâtiment principal.
– De toute façon, pourquoi une si grande réunion ? dit Carine. Puisque, pour chaque danse, nous sommes répartis par niveau, faire une réunion par classe suffirait. Ou mieux : faire passer un mémo.
– Madame Ratch adore rassembler ses troupes. C’est l’occasion pour elle de parler à toute l’école.
– C’est surtout pour nous l’occasion de dormir !
Arrivée devant les portes de l’auditorium, je m’arrête.
– Tu n’entres pas ? me demande Carine.
– J’attends Josie.
Carine lève les yeux au ciel en souriant et franchit le seuil du bâtiment.
Tandis que je sautille sur place pour lutter contre le froid, mes camarades me saluent en passant devant moi.
– Maddie, tu vas geler sur place, viens donc à l’intérieur ! dit l’un.
– Laisse la porte ouverte derrière toi, Josie entrera seule, dit un autre.
– Cela ne marche pas comme ça, Frank. D’abord, il ne fait pas si froid, je réponds.
D’ailleurs, c’est vrai, je me suis réchauffée en sautillant.
En passant, Lisa, ses longs cheveux fins lissés à la perfection, se plante un instant face à moi.
– Maddie, Josie a un problème, tu ne le régleras pas en cédant à ses caprices.
Sa mine est presque aussi sévère que celle de la terrible madame Breuil.
– Ce ne sont pas des caprices, Lisa. Ça ne me dérange pas de lui être utile, au contraire. Un jour, ça se réglera tout seul, avec l’âge…
– Rien ne se règle avec le temps, c’est une fausse idée.
– Hum… Je ne suis pas d’accord avec toi, Lisa, vraiment…
– Tu ne vas pas lui servir de chaperon toute sa vie, si ? Laisse-la se débrouiller. Elle a deux jambes, deux pieds, tous les quatre en état de marche : elle peut passer les portes seule.
– Lisa, encore une fois, cela ne me dérange pas. Pourquoi ne lui rendrais-je pas ce service qui ne me coûte rien ? Ce n’est pas un crime de désirer de la compagnie.
Derrière elle, je repère Josie qui s’avance vers nous en trottinant.
– Oh, tiens, la voilà !
Lisa rentre d’un air pincé tandis que Josie arrive à ma hauteur. Ses cheveux courts et roux sont mouillés.
– Ah, Maddie ! Quelle galère ! Mon réveil m’a lâché. Je sors à peine de la douche…
– J’en ai un en rab', je te le donnerai.
– Oui, je veux bien, parce qu’utiliser un téléphone portable comme réveil, avec les ondes, ce n’est pas terrible.
– Je comprends. Viens, rentrons vite, tu vas attraper froid.
Nous descendons ensemble l’escalier étroit qui mène à l’auditorium B. Ça se bouscule un peu. Trois élèves de sixième nous dépassent en courant.
– Ah, les jeunes ! grommelle Josie.
Ça me fait sourire.
– Non, mais c’est vrai ! s’exclame-t-elle. Qu’est-ce qu’ils ont à être pressés ? À cette heure-ci en plus…
Je pousse un des battants de la porte de la salle. Le brouhaha qui règne à l’intérieur nous submerge soudain. Ce matin, quasiment tous les sièges sont pris. C’est normal, il y en a deux cent cinquante, ce qui correspond à peu de choses près au nombre d’élèves et pour cette traditionnelle réunion, tout le monde est là, de la sixième à la terminale.
Je repère rapidement deux places libres au bout d’une rangée et y entraîne Josie.
– Tiens, pour sécher ta tête, dis-je en lui te