Far West , livre ebook

Table des matières La horde sauvage Le Grand Mystère Explosion de TNT L’offrande de la forêt Terminus Kansas City Un squelette ambulant Pinkerton, au rapport ! Le plus vieux des grands-pères Dandy et pistolero Paroles vraies et sorcellerie Piège sur la piste La marche du rêve Renégat et scélérat ! Les Indiens n’existent pas Le rêve d’Icare L’homme aux yeux de serpent Montreur d’Ombres et Cheveux de Feu Un sauvetage imprévu Deux grands-pères valent mieux qu’un ! L’envol du wendigo Voilà la cavalerie ! Un geste héroïque Sacrifice et fumée Dans les prairies du ciel L’adieu aux Black Hills Notes Page de copyright
Points de repère Cover Title Page Copyright Page Corps de texte
Manitou : chez les Indiens Lakotas, pouvoir surnaturel pouvant s’incarner dans différentes personnes étrangères ou dans certains objets mystérieux, inhabituels.
Chapitre 1
La horde sauvage
Territoire du Dakota, 1865.
Un cri déchire la nuit. Théodore et Wilma se réveillent en sursaut. Ils sont seuls dans le chariot. Aucune trace de leurs parents, nulle part.
Où ont-ils pu passer ? Ce n’est vraiment pas leur habitude de s’éclipser sans rien dire ! Un mauvais pressentiment étreint le cœur de Wilma. L’index dressé, barrant ses lèvres, elle fait signe à son frère de ne pas faire de bruit. Un nouveau cri résonne, plus proche et plus perçant que le premier…
Wilma repousse la couverture et soulève la bâche qui les protège un peu du froid mordant du Dakota. Elle aperçoit d’abord le ciel immense du Territoire, piqueté de milliers d’étoiles flamboyantes. Puis son regard se pose sur le campement et l’effroi lui glace le sang.
Des ombres inquiétantes se glissent entre les feux mourants du bivouac. Wilma en compte près d’une douzaine. Rapides et silencieuses, elles s’infiltrent dans chaque véhicule du convoi, sous chaque tente. Le clair de lune accroche des reflets d’argent à la lame de leurs couteaux. Wilma aimerait ne pas trembler, mais elle ne peut s’en empêcher. C’est sûrement un cauchemar…
Sauf qu’elle n’a pas besoin de se pincer pour savoir que tout est vrai. Ça arrive réellement. L’expédition Tomkins est attaquée par une horde d’assassins sauvages !
Un hululement s’élève soudain tout près de là. Celui d’un hibou, peut-être ? La jeune fille n’y croit pas. Surtout qu’un autre lui répond sur le même ton. Il s’agit plutôt d’un signal entre les assaillants.
— Qu’est-ce qui se pa… commence Théodore d’une voix ensommeillée.
Wilma se retourne et plaque sa paume sur la bouche de son frère.
— Chut !
En s’efforçant de ne pas trembler, elle remet la bâche en place à gestes lents. Il ne faut surtout pas attirer leur attention. Puis elle enfile ses bottes et passe son manteau par-dessus sa chemise de nuit, intimant à Théodore de l’imiter.
Le garçon lui obéit en refoulant ses sanglots. Il a beau n’avoir que dix ans et quelques mois, il fait preuve d’un grand courage. Il a compris que quelque chose de grave se produisait.
L’obscurité est retombée dans le chariot. Wilma parvient néanmoins à ouvrir la grande malle qui contient leurs affaires. Elle y récupère le pistolet de poche Deringer, modèle Philadelphia, offert par son grand-père juste avant le départ, un mois plus tôt. Thimotée Nathanaël Tomkins a appris à sa petite-fille adorée comment l’utiliser, en secret de ses parents, pour ne pas les affoler. Rien de plus simple avec ce modèle léger à coup unique : il suffit de relever le chien puis d’appuyer sur la queue de détente. Wilma rafle également le petit sac de poudre et de balles en plomb caché dans le fond. Elle s’apprête à refermer le couvercle quand Théodore l’arrête :
— Attends, la supplie-t-il dans un murmure.
Fouillant à son tour la malle, il en retire les portraits photographiques de la famille, pris par leur mère, Elizabeth. Il glisse avec précaution les précieuses feuilles de papier à l’abri contre sa poitrine, sous la toile de sa chemise.
Wilma l’attend près de la trappe dissimulée derrière le banc du cocher. Elle la soulève juste ce qu’il faut pour que son cadet puisse se faufiler par l’ouverture. Théodore n’est pas bien gros, ni grand, même pour un enfant de son âge. Agile et souple comme un chat, il adore se livrer à des acrobaties. Il n’a donc aucun mal à se couler sous le chariot et à se dissimuler dans les hautes herbes, entre les roues.
Sa sœur le suit avec moins de facilité. Depuis son douzième anniversaire, Wilma a commencé à changer d’apparence, à grandir et à prendre des formes féminines. « Tu ressembles de plus en plus à une authentique pionnière ! » la félicitait son père en mesurant chaque jour sa croissance sous la toise. Wilma en retirait une légitime fierté, d’autant qu’il ajoutait toujours : « Bientôt, tu seras comme ta maman, tu feras tourner les têtes de tous les gentlemen de Nouvelle-Angleterre ! »
À présent obligée de se contorsionner, elle regrette d’avoir autant poussé. Elle doit fournir un effort pour s’extirper de l’étroit passage découpé dans une planche. Une écharde lui érafle la tempe et elle lâche un grognement. Personne ne semble l’avoir entendu, heureusement.
Elle se laisse choir dans l’herbe, près de l’endroit où son frère se tapit. Puis, avec une extrême prudence, elle se redresse en s’abritant derrière une des grandes roues cerclées de fer pour tenter de repérer leurs attaquants.
Un démon grimaçant surgit soudain face à Wilma. Le visage peinturluré, les yeux brillants, il brandit un couteau dégoulinant de sang.
Théodore étouffe un hurlement. Wilma ne réfléchit pas et pointe le canon du Deringer à travers deux rayons de bois. Elle n’hésite qu’un bref instant avant de tirer : désormais, il est de son devoir de protéger son frère, à n’importe quel prix.