82
pages
Français
Ebooks
2020
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Publié par
Date de parution
19 février 2020
Nombre de lectures
1
EAN13
9782764439579
Langue
Français
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Date de parution
19 février 2020
Nombre de lectures
1
EAN13
9782764439579
Langue
Français
DE LA MÊME AUTEURE
TRILOGIE LA TOUR DE GUET
Le silence des ombres , Tome 3, La courte échelle, 2016.
Les enfants de Nivia , Tome 2, La courte échelle, 2013.
Le jardin de statues , Tome 1, La courte échelle, 2012.
Cobayes – Sarah et Sid , Éditions de Mortagne, 2014.
Clandestine , Éditions Porte-Bonheur, 2012.
TRILOGIE LES PULSARS
Le dernier pulsar , Tome 3, La courte échelle, 2011.
Les étoiles mortes , Tome 2, La courte échelle, 2010.
L’abeille de Lokimë , Tome 1, La courte échelle, 2010.
Projet dirigé par Stéphanie Durand, éditrice
Conception graphique : Nicolas Ménard et Nathalie Caron
Mise en pages : Marylène Plante-Germain
Révision linguistique : Sophie Sainte-Marie
Illustration en couverture : Eve Patenaude
Conversion en ePub : Fedoua El Koudri
Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre : Tourterelle/Eve Patenaude.
Noms : Patenaude, Eve, auteur.
Collections : Magellan.
Description : Mention de collection : Magellan
Identifiants : Canadiana 20190035722 | ISBN 9782764439555
Classification : LCC PS8631.A8296 T68 2020 | CDD jC843/.6c—dc23
ISBN 978-2-7644-3956-2 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3957-9 (ePub)
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2020
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2020
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2020.
quebec-amerique.com
Chapitre 1
Seconde année, fin novembre
De sa main gauche, Tourterelle planta une dernière fois son aiguille dans la toile de lin. Elle fit une boucle avec le brin émeraude afin de le nouer, puis repassa dans les quelques points voisins, sur l’endos du travail. Elle étendit le bras vers la table d’appoint près du canapé, attrapa les minuscules ciseaux dorés en forme d’oiseau – ceux que Stella lui avait offerts pour son vingt- deuxième anniversaire, quelques mois plus tôt – et trancha le fil. Elle tourna le tambour entre ses doigts pour examiner son ouvrage ; les lignes de broderie formaient des buissons autour d’un faon debout sur ses frêles pattes. En arrière- plan, un enchevêtrement de verts illustrait une forêt profonde. Bien. La jeune femme était satisfaite.
Elle posa son œuvre sur ses genoux, ses mains de chaque côté de ses cuisses, et laissa son regard errer par la fenêtre. Il y avait au moins une heure qu’elle avait levé le nez de son travail, et sa vue ne s’ajusta pas tout de suite devant les vastes espaces. Les aplats neigeux se clarifièrent enfin, ponctués de hautes herbes blondes. Le long de la clairière, les auroriers, ces arbres qui se couvraient de fleurs dès la fin de l’automne pour les conserver jusqu’au printemps, émergèrent du brouillard visuel. Avec la venue de la saison froide, le paysage paraissait encore plus beau à Tourterelle. Même après tous ces mois à vivre en ermite ici, dans la maison de campagne d’Erik, la ville ne lui manquait pas un instant.
Tandis qu’elle laissait son esprit vagabonder, un souvenir la rattrapa. Le jour où elle s’était perdue, l’année précédente, était aussi magnifique que celui- ci.
Il faisait juste assez froid pour que de la buée s’échappe de ses narines à chaque expiration. Pas un flocon n’était encore tombé, mais une épaisse croûte de givre s’était déposée sur toutes choses, leur donnant l’aspect de ces bonbons en gelée recouverts de sucre granulé qui craquaient sous la dent quand on les mâchait. Les feuilles mortes figées dans la glace se cassaient net sous ses bottes. Le ciel était si profond qu’on l’aurait dit badigeonné de bleu de méthylène.
Tourterelle soupira en triturant un pan de sa longue jupe de velours côtelé. Elle aurait voulu conserver son véritable prénom, celui qu’elle avait reçu à sa naissance. Elle aimait sa sonorité simple et claire, tel le bruit d’un drapeau qui claque au vent. Elle aimait qu’il rime avec celui de sa sœur Stella.
C’était sa faute, c’était elle qui n’avait pas su le prononcer comme il le fallait au moment fatidique.
Et cette part d’elle- même qui portait le prénom cristallin qui lui plaisait tant s’était alors mise à disparaître, avalée par Tourterelle.
La jeune femme jeta un œil à l’horloge au- dessus du buffet ; presque quinze heures. Elle terminait juste à temps pour la venue d’Hector.
Tourterelle se leva tout en dévissant le tambour de bois qui retenait la pièce d’étoffe prisonnière. Elle étendit celle- ci sur la planche à repasser et brancha le fer. Elle élimina les plis du tissu à coups de vapeur, veillant à ne pas écraser les points. Une fois sa tâche accomplie, elle étala le faon dans sa forêt de pénombre par- dessus les lièvres des champs et les oiseaux punaisés au ciel. Tous disparurent sous le couvercle d’une grande boîte de carton.
La jeune femme venait de couper un bout de ficelle pour attacher le paquet lorsqu’on frappa à la porte. Elle n’avait pas entendu la voiture s’avancer dans l’allée qui menait vers la maison.
Elle se précipita pour ouvrir. Hector lui sourit en secouant ses bottes sur le paillasson.
— Bonjour, Tourterelle ! Vous allez bien ?
Elle acquiesça en l’aidant à retirer son manteau. Le feutre rêche était tiède malgré la température glaciale. Hector avait dû faire toute la route depuis la ville avec le chauffage au maximum. Elle regarda à l’extérieur ; sous la voiture gouvernementale bleu nuit aux vitres teintées, la neige fondait doucement.
L’homme s’approcha de la table, appliqua les doigts avec précaution sur le bord de la boîte.
— Je peux ?…
— Bien sûr.
Il souleva le couvercle et admira le travail de Tourterelle. Celle- ci resta derrière lui, enroulant et déroulant la ficelle autour de son index.
Elle aimait beaucoup Hector. Il était toujours bien mis avec ses costumes à fines rayures et ses cravates de satin ardoise ou lavande. Ses bottes cirées accrochaient la lumière, ses cheveux bruns parsemés de mèches argentées étaient coiffés avec juste assez de nonchalance pour éviter une image trop parfaite. Il se montrait enjoué et respectueux à son égard. Il se chargeait de la conversation, ayant rapidement compris la timidité de Tourterelle.
— Magnifique ! Monsieur St- Hilaire sera ravi.
— J’espère que ce sera le cas, répondit- elle sobrement.
— Avez- vous eu le temps de vous attaquer aux gants de soie que j’ai apportés la dernière fois ?
— Oh ! j’ai bien failli les oublier !
Tourterelle pivota sur elle- même, sa longue jupe bruissant autour d’elle, et ouvrit l’un des tiroirs du buffet d’acajou. Elle saisit une petite boîte et la remit à Hector.
— Voilà.
L’homme se permit un regard à l’intérieur. Sur une mince feuille de papier dormait une paire de gants sombres, chacun décoré d’une tourterelle cousue de fil gris perle. Les tourterelles… C’était ce que la jeune femme savait broder de mieux. Elle les créait si fébriles et duveteuses qu’elles paraissaient vivantes.
— Quelle merveille ! s’exclama Hector. Personne ne possède un talent comme le vôtre dans tout le pays.
— Arrêtez, vous me gênez !
Tourterelle étouffa un petit rire nerveux derrière ses doigts. Hector referma les deux boîtes.
Ça se passait toujours ainsi quand il venait chercher les paquets destinés à Erik. Le seul moment de la semaine où un peu de gaieté franchissait la porte de la maison dans laquelle Tourterelle s’était cloîtrée au début du printemps précédent. Il y avait bien Thomas, le nouveau coursier, qui lui fournissait matériel et provisions, mais, puisqu’il se montrait tout aussi gêné qu’elle, leurs conversations se réduisaient à l’essentiel. Et elle avait de la difficulté à le regarder dans les yeux, qu’il avait du même gris que ceux d’Alexandre… Des yeux transparents qui vous transperçaient jusqu’au cœur.
Lorsque Hector fut parti avec les broderies, le calme se réinstalla dans la clairière. Tourterelle écouta le bruit du moteur s’amenuiser tandis que la berline s’enfonçait dans la forêt. Puis elle déplia un coupon de toile sur la table désormais vide, choisit de grands ciseaux et tailla un carré sur lequel s’entrelaceraient bientôt les fils d’une nouvelle pièce.
Chapitre 2
Première année, fin novembre
J’adorais la venue des temps froids. J’aimais me cacher sous plusieurs couches de laine et de coton molletonné. Je pouvais en superposer un nombre ridicule : une camisole, un t- shirt, un pull à manches longues, une veste à capuchon, un cardigan de tricot. Je portais presque tout le temps un foulard à l’intérieur. Des collants sous mon pantalon. Une paire de bas supplémentaire dans mes pantoufles rembourrées. Mes mouvements entravés par l’épaisseur des vêtements devenaient moins précis, un peu comme si j’avançais dans de la crème fouettée. Je me sentais protégée du monde extérieur, emmitouflée dans tous ces tissus moelleux. La chaleur de mon cocon me rappelait celle du pain sorti du four, du feu de bois dans la cheminée.
Un nid douillet que je traînais partout avec moi. Confortable et apaisant.
Lorsque je quittais la tiédeur de mon appartement, je m’enfonçais dans mon manteau garni de plumes, j’enroulais un deuxième foulard autour de mon cou, je camouflais mes cheveux sous un bonnet et mes lobes fragiles sous des cache- oreilles en peluche. Mes bottes montaient presque jusqu’à mes genoux. Il me fallait un long moment pour les lacer au complet.
Ce jour- là, je pris avec