84
pages
Français
Ebooks
2022
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Publié par
Date de parution
01 septembre 2022
Nombre de lectures
2
EAN13
9782897627874
Langue
Français
Publié par
Date de parution
01 septembre 2022
Nombre de lectures
2
EAN13
9782897627874
Langue
Français
Les données de catalogage sont disponibles auprès de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et de Bibliothèque et Archives Canada.
Éditrice : Joëlle Sévigny
Conception de la couverture et infographie : Marie-Ève Boisvert, Éd. Michel Quintin
Illustration de la page couverture : Mathieu Benoit
Adaptation numérique : Studio C1C4
La publication de cet ouvrage a été réalisée grâce au soutien financier du Conseil des arts du Canada et de la SODEC.
De plus, les Éditions Michel Quintin reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition.
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC
Tous droits de traduction et d’adaptation réservés pour tous les pays. Toute reproduction d’un extrait quelconque de ce livre, par procédé mécanique ou électronique, y compris la microreproduction, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.
ISBN 978-2-89762-654-9 (papier)
ISBN 978-2-89762-787-4 (ePub)
Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2022
Dépôt légal – Bibliothèque et Archives Canada, 2022
© 2022, Éditions Michel Quintin inc.
Éditions Michel Quintin
Montréal (Québec) Canada
editionsmichelquintin.ca
info@editionsmichelquintin.ca
Des fougères géantes. Des troncs d’arbres tapissés de mousse. Des fleurs exotiques. Des lianes. Je tourne sur moi-même pour admirer la flore époustouflante qui m’entoure. Avec l’habileté d’un singe, je m’accroche à une grosse tige avant de m’élancer jusqu’à la suivante. Je me balance ainsi d’arbre en arbre, mais ils se font de plus en plus rares, et je dois bientôt voler pour me rendre d’une liane à l’autre. Je m’arrête à la cime d’un arbre gigantesque, où j’aperçois un nid. Cui-cui, cui-cui. Intriguée, j’étire le cou pour voir ce qui s’y cache. Des perroquets au plumage rouge et bleu grouillent dans leur petite maison de paille. Et leurs plumes ont l’air si douces! Je ne peux résister à l’envie de tendre la main pour les toucher… mais je perds l’équilibre. Mes pieds tanguent sur la branche, mes doigts glissent sur l’écorce rugueuse, et je bascule vers l’arrière, aspirée par le vide…
Mon corps bondit brusquement sur mon matelas, et je me réveille avec l’impression d’avoir fait une chute du haut d’un gratte-ciel.
Je reconnecte peu à peu avec la réalité. Dehors, les oiseaux chantent tellement fort que je jurerais qu’ils se tiennent juste à côté de mes tympans. Cui-cui, cui-cui. Les perroquets de mon rêve me reviennent à l’esprit. Derrière mes paupières closes, des taches rougeâtres, orangées et noires dansent en tous sens, me donnant presque l’illusion d’une flamme vacillante. Je couvre ma tête d’un oreiller pour bloquer la lumière qui a envahi ma chambre, mais je sais que je ne réussirai pas à me rendormir. Lorsque j’écarte l’oreiller et que j’entrouvre enfin les yeux, je distingue par la fenêtre un bout de ciel dénué de nuages. Je soupire intérieurement. Eh oui, une autre journée radieuse… une fois de plus peu représentative de mon humeur sombre des derniers mois.
Des bruits de casseroles et d’assiettes qui s’entrechoquent me parviennent du rez-de-chaussée, mais je choisis de les ignorer pendant un instant, trop amorphe pour bouger de mon lit. C’est le son d’un verre se fracassant sur le sol suivi d’un juron de ma mère qui me tirent finalement de ma léthargie. D’un geste brusque, j’envoie valser mes couvertures sur le côté. Toute la chaleur de mon corps me quitte en un temps record, et je commence à grelotter. J’enfile mes pantoufles et ma robe de chambre, ce qui calme aussitôt mes tremblements. En sortant de la pièce, je me retrouve nez à nez avec mon petit frère.
— On se croirait au pôle Nord, Théo! As-tu encore touché à l’air climatisé?
Mon ton est beaucoup plus agressif que je l’aurais souhaité, mais c’est plus fort que moi : je déteste avoir froid, surtout l’été.
— Maman était d’accord, se justifie-t-il sans hausser la voix.
Comme d’habitude, Théo reste calme. Trop calme. De toute ma vie, je crois n’avoir jamais vu mon frère perdre son sang-froid. En l’observant ce matin, je me rends compte qu’il pourrait vraiment se faire passer pour un jeune surfeur avec ses cheveux blonds mi-longs, sa tenue décontractée et son air toujours hyper relax. En plus, il se promène en quasi-permanence avec une planche sous le bras. Bon, il s’agit d’une planche à roulettes et non d’une planche de surf, mais quand même!
Je ravale mes reproches. Si ma mère lui a permis de transformer la maison en congélateur, il est préférable que je m’abstienne d’argumenter : nous n’avons pas besoin d’une autre chicane de famille en ce moment…
— Tu t’en vas où comme ça?
— Jess m’attend devant la maison. On s’en va au nouveau skatepark avec Math et Liam, répond Théo avec enthousiasme.
— Cool, lâché-je en traînant mes pieds jusqu’à l’escalier.
Je descends au rez-de-chaussée en essayant de me construire un visage enjoué, sans succès. Comme bien souvent ces temps-ci, je me sens irritable. J’entre dans la cuisine avec l’entrain d’un zombie.
— Fais attention où tu marches! me lance ma mère, à quatre pattes sous l’évier, en me voyant surgir.
— Qu’est-ce qui se passe ici?
Je regarde autour de moi, étonnée. La pièce est sens dessus dessous : des plats, des chaudrons et des tasses sont empilés pêle-mêle partout sur le comptoir, et les portes d’armoires sont grandes ouvertes. En gardant bien droit devant elle un porte-poussière rempli de débris, ma mère s’agrippe à l’îlot central pour se relever. Une fois sur pied, elle éponge son front humide du revers de sa main libre.
— J’ai cassé un verre en vidant les tablettes. On a encore une infestation de fourmis, m’annonce-t-elle, l’air complètement découragée. J’ai découvert une colonie complète dans le tiroir à ustensiles, ce matin.
— Oh non…
— Je dois aller acheter un nouvel insecticide au magasin, enchaîne-t-elle. Pourrais-tu laver l’intérieur des armoires à l’eau savonneuse pendant mon absence, s’il te plaît?
Quand mes parents se sont séparés, il y a quelques mois, ma mère est tombée en dépression. En dépit de sa peine et de son épuisement, elle a hérité de la totalité des fonctions parentales et des tâches à la maison, puisque Théo et moi vivons à temps plein avec elle et que nous ne voyons pas très souvent notre père. Je sais à quel point tout lui semble lourd présentement… En entendant sa demande, je n’ose donc pas lui rappeler que je viens de me lever et que je n’ai pas déjeuné. Je me retiens aussi de lui signaler que je trouve injuste que Théo puisse sortir s’amuser avec ses amis, alors que moi, je dois rester à la maison pour l’aider. Mes commentaires sont coincés dans ma gorge. Je hoche plutôt la tête en signe d’assentiment.
— Merci beaucoup, ma grande.
Tandis que j’évalue l’ampleur de la tâche à effectuer, je suis parcourue d’un frisson. Je serre la ceinture de ma robe de chambre autour de ma taille, ce qui attire l’attention de ma mère. Elle m’examine en fronçant les sourcils.
— Qu’est-ce que tu fais en robe de chambre au beau milieu du mois d’août?
— Je suis congelée, dis-je en tentant de ne pas trop laisser paraître mon mécontentement.
Ma mère pince les lèvres.
— Tu devrais être reconnaissante de pouvoir demeurer au frais durant la canicule… Bon, j’y vais. Il faut que j’arrête chez Janine et Bertrand en revenant du magasin. Ils m’ont suggéré d’emprunter leur tondeuse en attendant que je fasse réparer la nôtre…
Janine et Bertrand sont nos voisins d’en face, un couple de retraités très serviables qui ont donné de nombreux coups de pouce à ma mère cet été.
— Pas de problème, maman. Prends ton temps.
— Une chance que tu es là, Lili.
Ma mère expire bruyamment en se massant les tempes du bout des doigts. Puis elle attrape sa sacoche sur le comptoir, passe à côté de moi comme si j’étais un meuble à contourner et sort de la cuisine en silence.
Alors que j’empoigne un linge humide et le bol d’eau savonneuse, une boule de tristesse gonfle dans ma poitrine. Je m’ennuie de ma maman d’autrefois, qui était si souriante, légère, affectueuse… Depuis la séparation, c’est comme si elle s’était changée en un robot programmé pour faire les courses, les repas et le ménage, ou pour se rendre au travail. Ma mère s’est… éteinte. La rupture a siphonné toute la chaleur qu’il y avait en elle et, malheureusement, je sais qu’il faudra bien plus qu’une simple robe de chambre pour la réchauffer.
Installée à l’ombre dans la cour de la maison, je m’efforce de lire un roman, mais je cogne des clous. Il faut dire que j’ai une bonne raison d’être fatiguée : pendant des heures, j’ai aidé ma mère à gérer l’invasion de fourmis, à préparer le dîner et à désherber des plates-bandes sous la chaleur écrasante. J’estime donc avoir bien mérité une petite sieste d’après-midi!
Je me roule en boule sur le banc coussiné de la balançoire avant d’appuyer ma tête sur mon livre. L’été, cette balançoire devient mon refuge. Ici, c’est comme si plus rien ne pouvait m’atteindre : les haies de cèdres me cachent des voisins trop curieux, un grand chêne me protège des rayons du soleil, et la petite chute d’eau qui se jette dans notre bassin artificiel produit un bruit de fond apaisant qui me coupe du monde environnant. J’ai la sainte paix, comme dirait ma mère!
Je somnole depuis quelques instants lorsqu’un cliquetis provenant de la clôture me tire de mon demi-sommeil. En ouvrant les yeux, j’aperçois une petite blonde au toupet carré et deux grandes échalotes qui viennent à ma rencontre. Olivia et les jumelles! Je me redresse vivement.
— Les filles? Mais qu’est-ce que vous faites ici?
— On s’ennuiiiiie! s’écrient-elles à l’unisson.
J’attache mes cheveux en bataille pour essayer de me donner une contenance tandis que mes meilleures amies s’assoient à mes côtés sur la balançoire. Même si je les adore, je ne suis pas certaine que cette visite spontanée me fasse plaisir… Je déteste les surprises!
— On ne t’a pas vue depu