150
pages
Français
Ebooks
2020
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Publié par
Date de parution
13 février 2020
Nombre de lectures
32
EAN13
9782764439845
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Publié par
Date de parution
13 février 2020
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32
EAN13
9782764439845
Langue
Français
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1 Mo
Du même auteur chez Québec Amérique
Cap- aux- Esprits , coll. Titan, réédition, 2019.
Projet dirigé par Stéphanie Durand, éditrice
Conception graphique : Nicolas Ménard
Mise en pages : Marylène Plante-Germain
Révision linguistique : Sophie Sainte-Marie et Sabrina Raymond
En couverture : Photographie de Shaiith / shutterstock.com
Conversion en ePub : Fedoua El Koudri
Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre : Le projet Pox / Hervé Gagnon.
Noms : Gagnon, Hervé, auteur.
Collections : Titan jeunesse.
Description : Mention de collection : Titan
Identifiants : Canadiana 20190039035 | ISBN 9782764439821
Classification : LCC PS8563.A3273 P76 2020 | CDD jC843/.6—dc23
ISBN 978-2-7644-3983-8 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3984-5 (ePub)
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2020
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2020
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2020.
quebec-amerique.com
Prologue
Mont réal, samedi 28 février 1885
Les deux hommes se tenaient sur le quai de la gare, rue Bonaventure. Droits comme des chênes, impeccables dans leurs vêtements bien taillés, le haut- de- forme sur la tête, ils se confondaient avec les banquiers et les financiers du quartier. Le petit édifice en bois était mal chauffé et, au cœur de l’hiver montréalais, on y gelait dans un froid humide et pénétrant.
— Ils appellent ce taudis une gare…, cracha avec mépris le plus grand des deux en observant la salle.
Avec l’élégance naturelle de l’aristocrate, il replaça son foulard autour de son cou, puis serra le col de son macfarlane. Le tweed anglais résistait assez bien à ce climat de sauvages, dont il avait refusé de croire ce qu’on lui en avait dit, mais son couvre- chef, lui, n’était assurément pas conçu pour le réchauffer. Ses oreilles rougies lui faisaient mal. Ses bottes et ses gants de cuir n’empêchaient pas ses orteils et ses doigts de s’engourdir. Ni son nez qui, en plus, coulait sans cesse.
Il comprenait mieux, maintenant, que les habitants de cette colonie maudite portent la tuque et les mitaines de grosse laine ; aucune personne normalement constituée ne pouvait endurer longtemps une telle température sans sacrifier le bon goût. Mais pour sa part, il préférait mourir plutôt que d’être vu avec un attirail semblable.
Il s’encourageait en se disant que, bientôt, il pourrait quitter cet endroit et rentrer à la maison. Il aimait mieux la pluie et l’humidité de Londres. Il ne comprenait vraiment pas pourquoi l’Angleterre avait récupéré l’ancienne colonie française au terme de la guerre de Sept Ans. Un peu plus d’un siècle plus tard, on y parlait encore la langue de l’ennemi, les lois civiles françaises y étaient toujours appliquées et les papistes formaient l’essentiel de la population.
— I hate this godforsaken place with my heart and soul 1 , soupira- t- il, résigné.
— I share the sentiment, I assure you , convint son compagnon, qui grelottait autant que lui. More than I can ever express 2 .
De sa main gantée, le grand frisa pensivement sa moustache cirée en levant le nez.
— Look 3 , dit- il en se raidissant.
Le contrôleur venait de descendre du train de la Grand Trunk Railway en provenance de Chicago. Quand il passa près d’eux, ils aperçurent les pustules qui lui couvaient le visage et les mains.
George Longley – c’était le nom du malheureux – s’éloigna, le pas lourd et traînant, en titubant un peu. Les gens qu’il croisait dans la salle des pas perdus s’écartaient de son chemin avec un air effrayé.
— Do you think it’s going to work, Warrick 4 ? s’enquit son compagnon en regardant l’objet de leur intérêt se diriger vers la sortie.
— Cessez de vous inquiéter, mon ami. Notre démar che se base sur la science. Il n’y a aucune raison pour que les choses ne se déroulent pas exactement comme prévu.
— Right. Of course 5 , reconnut l’autre.
Le contrôleur avait maintenant atteint l’extrémité de la salle. Alors qu’il allait pousser la porte de la gare, il prit appui sur le mur et fut pris d’une toux creuse. Sous les regards suspicieux des passants, Longley s’adossa au mur, les yeux fermés. Même de loin, la sueur qui luisait sur son visage pustuleux était bien visible.
— The poor chap really doesn’t look well 6 , insista le moustachu en arquant le sourcil.
— Perfect 7 , dit le dénommé Warrick, l’esquisse d’un sourire se dessinant sur ses lèvres minces et sévères.
Son malaise un peu passé, le contrôleur de train se redressa, ouvrit la porte et sortit de la gare.
— En ce moment même, il se dirige assurément vers le Montreal General Hospital, déclara le grand mince. Je serais surpris qu’un cocher accepte de le prendre. Espérons qu’il arrivera à s’y rendre à pied par ce froid. Ce serait vraiment trop bête qu’il meure avant d’avoir été utile. Tout est arrangé de ce côté ?
— J’y ai vu personnellement, avec le concours discret de l’ambassade, du gouvernement et de la police. La direction de l’hôpital a reçu l’ordre de ne pas l’accueillir. Longley sera soigné chez les Canadiens français. Il ne faudrait pas qu’il contamine les Anglais !
— Fort bien, fit le moustachu en frottant énergiquement ses mains gelées. Un sherry serait de mise, vous ne trouvez pas ? Sinon mes doigts vont rester dans mes gants quand je vais les enlever.
— Ce ne serait pas de refus.
— Dans quelques mois, nous serons fixés. Si tout va bien, nous pourrons quitter ce trou à rats.
— Que Dieu vous entende, mon ami.
Ils s’esclaffèrent d’un rire méchant et se dirigèrent vers la sortie, où ils s’assurèrent d’utiliser une porte différente de celle que Longley avait franchie.
Mont réal, mercredi 1 er avril 1885
Pélagie Robichaud savait qu’elle allait mourir. Son corps semblait littéralement se liquéfier de l’intérieur. Elle saignait et coulait par tous les orifices. Elle ne reverrait jamais son Acadie natale. Tout ça parce qu’elle tra vaillait à la buanderie de l’Hôtel- Dieu. Elle avait lavé les draps de cet Américain que les Anglais avaient refusé d’admettre dans leur hôpital. Le mécréant de protestant avait survécu, en plus.
Dans le lit voisin, sa sœur Marie agonisait, elle aussi. Et il y en aurait sans doute d’autres. Beaucoup d’autres. L’épidémie faisait rage et serait difficile à enrayer.
Pélagie ferma les yeux pour la dernière fois. La douleur cessa. Enfin.
1 . Je déteste cet endroit oublié de tout mon cœur et de toute mon âme.
2 . Je partage le sentiment, je vous l’assure. Plus que je ne pourrai jamais l’exprimer.
3 . Regardez.
4 . Vous croyez que ça va fonctionner, Warrick ?
5 . Oui, bien sûr.
6 . Le pauvre type n’a vraiment pas l’air bien.
7 . Parfait.
1
Accroupi, papa lui serre les épaules. Julien n’a jamais vu son père dans un tel état. Papa n’a jamais peur, d’habitude. Il est fort. Il est médecin, papa. Il sait tout et il comprend tout. Mais là, il a l’air d’un lièvre effrayé.
Julien sent une grosse boule froide se former dans son ventre et se retient pour ne pas pleurer. Il n’arrive pas à empêcher sa lippe de retrousser et de trembloter. Il n’est qu’un petit garçon.
— Maman et papa doivent partir pour quelque temps, lui dit son père d’une voix nerveuse.
Il a beaucoup de peine, ça se voit. Ses yeux marron sont luisants, et son visage, défait. Ses joues sont mal rasées et ses cheveux foncés sont dépeignés. Lui, toujours bien mis, a le costume froissé, la cravate dénouée et un des boutons de son col de chemise est détaché. Maman n’est pas en meilleur état. Même si sa jolie robe à col de dentelle est élégante, des mèches s’échappent de son chignon blond et, ses yeux vert émeraude bouffis par les pleurs, elle sanglote en tenant dans ses bras une petite fille aux cheveux bouclés et blonds comme les blés mûrs – sa sœur, Victorine. Elle pleure tout le temps, Torine. Une vraie fontaine. Julien sent son cœur se serrer encore plus. Il a très envie de faire pareil.
— Vous allez revenir demain ? demande- t- il.
— Un peu plus tard que ça, avoue papa avec malaise.
— Après- demain ?
Il braque sur Julien un regard intense.
— Je te confie ta petite sœur, dit- il en évitant de répon dre. Tu as cinq ans. Tu es un grand garçon. Prends bien soin d’elle. Aime- la pour nous pendant notre absence. Parle- lui de nous. Raconte- lui tout ce dont tu te souviens. Ne la laisse pas nous oublier. Je compte sur toi. Tu me le promets ?
— Oui, répond Julien, le cœur gros et l’esprit confus, sans trop savoir s’il sera capable de faire ce qu’on lui demande.
Les sanglots de maman deviennent plus saccadés et profonds, comme si chacun lui arrachait un morceau d’entrailles.
— Seigneur Jésus, hoquette- t- elle, au désespoir, le visage chiffonné de souffrance et luisant de larmes, tandis qu’elle écrase la pauvre Torine encore plus fort contre sa poitrine. Sainte Marie, mère de Dieu… Pourquoi nous ? Qu’avons- nous fait pour mériter ça ?
— Nous reviendrons, insiste papa en se déplaçant un peu pour lui cacher la vue du désespoir de maman, dont il ignore les questions. C’est juste temporaire.
— Oui.
Papa n’a pas l’air de croire ce qu’il dit, et Julien est très inquiet.
— Promis ?