85
pages
Français
Ebooks
2015
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Publié par
Date de parution
01 décembre 2015
Nombre de lectures
197
EAN13
9782215159599
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
3 Mo
Sentiments, humour, fantastique, policier, histoire vécue, science-fiction... Les 10 histoires de ce livre abordent tous ces genres !
Autour du thème de la danse, voici de quoi s’embarquer dans d’extraordinaires aventures, aux côtés de héros qui ne manquent pas d’audace.
Les auteurs : Jacques Daniel, Kochka, Victoire Labauge, Franck Pavloff, Gilbert Schlogel, Marie Tenaille, Stéphanie Tesson, Emmanuel Viau, Freddy Woets
Publié par
Date de parution
01 décembre 2015
Nombre de lectures
197
EAN13
9782215159599
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
3 Mo
DANSE
Table des matières
La danse de Louisa
Hip-hip-hop hourra ! Danse, Olga, danse !
La Grande Danse Le bal des Faucheurs
Opération Tango Tashi mène la danse
Un pas fantôme ou pas ?
« Superstar » La danse du feu
Copyright
Dans la même collection
La danse de Louisa
de Kochka illustré par Marc Bourgne
À Paris, près de la gare Saint-Lazare, il y a la rue des luthiers. C’est là que Jean et Louisa doivent se rendre à la descente du train. La gare immense est bondée. Ils marchent côte à côte. Jean est artisan luthier. La petite entreprise qui l’employait a fermé. Il doit trouver du travail. Louisa va avoir treize ans.
Jean sait où il doit aller. Rue de Rome, dès le troisième atelier, on l’engage à l’essai. Avec sa façon de caresser les instruments, on devine qu’il est très fort. À lui de fabriquer un luth. Il sera jugé sur pièces.
Dans une impasse à proximité, un appartement est à louer : 30 m 2 dans un immeuble humide, cela leur suffira. Mais la propriétaire est une vieille dame qui veut des garanties.
– Et votre épouse, demande-t-elle à Jean, travaille-t-elle ? Est-ce qu’elle touche un salaire ?
Non. Jean n’a pas d’épouse, il vit avec sa fille qui est sa force et sa raison de vivre, et c’est leur amour qu’il glisse dans ses luths. C’est pourquoi les sons qu’il en tire sont si beaux.
Par miracle, la propriétaire accepte, et le jour même ils emménagent. Au rez-de-chaussée d’en face, ils remarquent tout de suite un café : Chez Saria .
Le lendemain, Jean laisse sa fille pour aller travailler. Il s’occupera dans la journée de l’inscrire au collège. Quant à Louisa, elle doit attendre l’arrivée de son parrain, Pablo, le meilleur ami de son père. En effet, avant de quitter Troyes, ils ont entreposé leurs meubles dans une camionnette, et Pablo s’est proposé de la monter sur Paris dès qu’ils auraient une adresse.
Très vite dans l’appartement vide, l’adolescente est prise d’ennui. En désespoir de cause, elle s’accoude à la fenêtre. Mais sauf un chat, l’impasse est grise et déserte. Et en face, où qu’elle pose son regard, les rideaux sont tirés. Louisa reste perdue dans le silence de l’air. L’hiver la gagne et la terrible solitude, quand elle perçoit une musique. C’est une musique lointaine d’un pays du soleil. D’où vient cette source ? Dans le vide et le froid, elle semble être une issue, une lumière. Louisa tend l’oreille, elle est attirée. Pas de Pablo à l’horizon. Elle enfile son manteau. De toute façon, elle ne va pas quitter l’impasse.
La musique filtre du café aux volets en fer mi-clos. La jeune fille jette un œil. Il fait sombre à l’intérieur, mais au fond, entre les tables, une dame danse. Louisa se baisse et se colle à la vitre. La femme n’est pas très jeune. Ses mains sont levées vers le ciel et ses paupières sont fermées. Elle est comme une fleur qui tourne. Louisa pense à la danse de la pluie des Indiens. Pas à cause des gestes qui n’ont rien à voir, mais parce que c’est une affaire entre la dame et le ciel. Qu’essaie-t-elle de faire venir ?
Lorsque la femme ouvre les yeux, elle aperçoit Louisa qui s’apprête à s’enfuir. Mais la danseuse aux pieds nus s’approche et lui ouvre la porte.
– C’est encore fermé, annonce-t-elle avec l’accent et la douceur des mamans orientales. Ça ouvre vers onze heures.
L’adolescente s’excuse et se présente :
– On vient d’emménager, mon père et moi. On habite au deuxième en face, ajoute-t-elle en lui montrant la fenêtre.
La dame qui s’appelle Saria est bavarde et curieuse. Elle lui demande aussitôt où est sa mère. Louisa répond qu’elle n’en a pas. Saria est sur le point de s’étonner, car si parfois on ne connaît pas son père, on connaît toujours sa mère. D’une seule phrase, Louisa clôt le sujet :
– Ma mère, c’est un mystère, mais ce n’est pas grave, j’adore mon père.
Une fille sans mère, le cœur de Saria est touché. Elle l’invite à entrer, la jeune fille passe sous le volet.
Les banquettes en Skaï rouge, les bougies éteintes sur les tables… l’endroit est agréable, et Louisa a envie de s’asseoir. Dans la musique, derrière la voix du chanteur, elle perçoit le son du luth.
– D’où venez-vous ? lui demande Saria.
– De Troyes, répond Louisa.
– Moi, je suis d’Algérie. On était neuf à la maison. Mouloud est devenu médecin, Najma a eu six enfants. Il y avait aussi Nourdine, Chafik et Zina… Mais celle qui me manque, c’est ma plus jeune sœur Latamène. La pauvre, elle était paralysée, mais elle ne se fâchait jamais. Chaque fois que je pouvais l’emmener, je la portais et la faisais danser… J’adorais quand elle riait…
Saria fait une pause en dévisageant Louisa :
– Tu vois, tu lui ressembles dans tes yeux. Tranchant sur son teint clair, les prunelles de l’adolescente s’étonnent.
– Alors comme ça, enchaîne Saria, tu aimes Takfarinès ?
Louisa ignore de qui elle parle.
– C’est le chanteur, précise Saria. Chez nous, la musique est faite pour danser !
Elle passe derrière le bar :
– Parce que à quoi sert la mer si on ne plonge pas dedans !
Et elle monte le son :
Secoue-toi comme ci comme ça zaama zaama
C’est bon tu aimes ça zaama zaama
Profite des moments de joie
On ne vit qu’une fois zaama zaama…
– Tu vois quand le village me manque, je danse et j’ai l’impression de retourner là-bas.
Puis prenant un foulard noir sur le portemanteau, elle se le noue autour des hanches.
D’abord Louisa est gênée – elle n’est pas accoutumée à ce genre d’exhibition. Cependant rapidement, elle se laisse emporter. Saria ne se donne pas en spectacle, elle fait venir son pays. Elle le danse avec ses hanches, et ça fait la mer et les vagues sur la mer. Les paillettes du foulard attrapent la lumière et deviennent le soleil. Avec ses bras, elle dessine les branches des palmiers et ses mains sont des fleurs. Louisa est émerveillée.
Chanson après chanson, le café, les tables, le décor disparaissent. Il n’y a plus que cette femme dansant ses souvenirs, et la jeune fille qui la regarde.
Quand le disque se termine, Saria s’arrête et le monde avec elle. Dans son dos, Louisa entend un bruit de collier. Un jeune homme vient d’entrer par un rideau de perles. Il est brun, solide et semble gentil.
– Mon fils Malik ! clame Saria, de la fierté dans la voix. Puis elle ajoute : C’est Louisa, elle s’est installée en face.
Comme la fin d’un rêve, Louisa remet son manteau, repasse sous le volet de fer et retombe dans l’hiver. Par contraste après tant de vie, la ruelle lui paraît immobile. Elle remonte au deuxième. Un peu plus tard, son parrain Pablo arrive.
Pour Jean et Louisa, Pablo est l’homme de toutes les confidences. Son frère Guy l’accompagne. Dans l’impasse, le va-et-vient commence. À midi, le camion est vide et le salon plein. Guy repart avec la camionnette, Pablo reste. Louisa lui raconte Saria, les pieds nus, le foulard et la danse.
– Je t’assure, rien qu’en dansant elle a dessiné le monde. Avant, elle m’a parlé de sa famille et de sa sœur. Si tu avais vu comme c’était beau !
Plus sa filleule parle, plus Pablo devient étrange.
– Elle dansait, elle coulait ! s’enthousiasme Louisa. Elle n’est pas vraiment mince, pourtant en dansant, elle est devenue légère. Ses bras, on aurait dit des ailes. J’avais l’impression de comprendre ses gestes. J’ai vu le cycle des saisons. J’ai senti la naissance et la mort !
– Mais elle est d’où cette dame ? demande Pablo innocemment.
Quand elle lui répond « D’Algérie », il frémit et lâche un regard furtif vers l’armoire de Jean. Louisa remarque tout de suite qu’il se passe quelque chose. Elle connaît bien Pablo, et ses yeux l’ont trahi.
Rapidement, Pablo retrouve son assurance, mais Louisa n’est pas dupe. Quel rapport entre l’Algérie et l’armoire de son père ? Vu son attitude, Pablo est certainement tenu par le secret. D’un seul coup, Louisa en est persuadée : son parrain sait une chose qu’elle ignore, et cette chose est dans cette armoire !
Dès lors, la jeune fille n’a plus qu’une idée : que Pablo s’en aille pour qu’elle puisse aller voir. Elle change de sujet et aborde la question de sa rentrée prochaine d