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pages
Français
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2015
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Publié par
Date de parution
04 février 2015
Nombre de lectures
0
EAN13
9791093552156
Langue
Français
Robert perd Lucienne, son épouse, après quarante années de mariage. C’était une femme singulière : intelligente, cultivée, folle parfois, mais aimante et aimée de son mari.
Neuf mois plus tard, lors d’un voyage en Andorre, Robert rencontre une seconde Lucienne, veuve depuis dix ans, même âge, même origine que la première. Il est séduit par cette autre Lucienne...
Par petites touches, Odile Gapillout (la fille de Robert) recompose des scènes de vies familiales. Les évocations sont courtes, directes, vivantes. Elles nous plongent immédiatement dans les instants décrits. Appuyé sur des souvenirs denses, Temps couvert... pas de vent est un roman autobiographique émouvant qui nous montre combien tous ces personnages ont aimé vivre malgré la tourmente et ont été capables de faire leur route.
Longtemps enseignante puis documentaliste Odile Gapillout vit près de Paris. Temps couvert... pas de vent est son deuxième ouvrage édité, après Le taureau par les cornes (Kirographaires, 2012).
Avis blogs, presse et lecteurs :
De clichés en brefs instantanés, rebondissant par petits textes concis dont la mosaïque finit par dessiner une cartographie familiale complète, l'auteur rappelle le souvenir des siens à la manière de photos passées. Pétri d'indulgence et de sagesse, son roman se lit comme une succession de petits bonheurs.
15/04/2015 - O COMME COLOMB
Cet ouvrage original ancré dans les racines familiales et l’amour inconditionnel pour le père — le premier homme — m’a captivée. D’une écriture délicate, drôle et rugueuse, l’auteur offre le portrait d’une mère qui s’en va pas à pas, d’un père qui résiste et d’une belle-mère sereine qui reçoit la lettre bienveillante de l’auteur.
O.L. (lectrice)
Très bon récit intimiste : de l’émotion, de l’humour. Nombreux passages touchants ou cocasses, retraçant une enfance tourmentée. Se lit d’une traite.
C.M. (lecteur)
Quand j’ai reçu le livre d’Odile, J’ai immédiatement commencé à le livre. Je l’ai dévoré en 2 soirées. Ma mère avait également des périodes de dépression parfois assez graves. Mais elle s’en est toujours plus ou moins sortie. J’ai été très impressionnée par la scène du chat. Il faut certainement être très malheureux pour en arriver là. Je connais bien Odile et je me réjouis lire ses livres à chaque fois.J’ai souvent l’impression lors des lectures qu’elle me confie ses secrets intimes surtout avec « Temps couvert ... pas de vent ».
C.S. (lectrice)
Nous avons lu avec beaucoup de plaisir le dernier livre d’Odile Gapillout, d’une seule traite ! Nous avons aimé le déroulé de ces instants du passé comme tirés d’un album de photos avec ses bonheurs, ses peines et ses drames.
A. et CL. B. (lecteurs)
Publié par
Date de parution
04 février 2015
Nombre de lectures
0
EAN13
9791093552156
Langue
Français
temps couvert pas de vent Traces [4] Odile Gapillout éditions de la Rémanence (2014)
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Découvrez nos autres parutions :
www.editionsdelaremanence.fr
Cette chose pluscompliqué et plus confondante que
L’harmonie des sphères: un couple
Julien Gracq, Unbeau ténébreux
Temps couvert…
ROBERT ET LUCIENNE
PROMENADE
Habille-toi, Lucile, mets ton gilet. Nous partons pourSaint-Gilles.
Nous marchons tous les trois au milieu de l’étroitedépartementale de campagne et laissons derrière nous la maison de Lestivalerie où habite mon grand-père Marande .La route est sinueuse, bordée par endroits de chênes et de châtaigniers. Dansles prés broutent quelques vaches qui lèvent la tête à notre passage et noussuivent longtemps du regard. Il fait beau , mes parentssont gais et bavards et se tiennent par la main.
Lorsque nous atteignons l’école communale du Mazalaigue , nous quittons la route pour prendre un cheminqui coupe à travers bois et champs, un de ces raccourcis entre Corrèze etHaute-Vienne que mes parents connaissent depuis toujours. Je suis comme unchien en liberté, rendue joyeuse par cette longue promenade, sensible àl’atmosphère détendue qui règne entre mes parents. Je saute à cloche-pied, jecours en avant, m’arrête, me retourne pour vite revenir vers l’un ou l’autre.Dans les clairières, en bordure de chemin, nous nous arrêtons cueillir desclochettes et manger les mûres de couleur sombre. Plus loin, mon père nous faitattendre car il cherche dans les sous-bois des cèpes ou des girolles pour faireune omelette à l’arrivée. Le chemin est peu emprunté : un fil de toiled’araignée s’accroche à mon visage et mon père sort son couteau pour couper lesronces qui ont envahi le passage.
Ce n’est qu’en descendant vers la Veysseix puis en traversant le hameau du Bohème que je reconnais l’endroit. Mon père meprend sur ses épaules. Bientôt nous serons à Saint-Gilles où mes grands-parentspaternels doivent nous attendre.
MES GRANDS-PARENTS
Levés tôt, avec le jour, ils se parlent en patois. Elle,s’occupe des repas, mène les moutons, donne à manger aux poules et aux cochons.Lui va garder les vaches, travailler aux champs.
Tous deux lisent le journal à la clarté de la fenêtre,écoutent la radio. Le soir, ils épluchent des châtaignes au coin du feu.
Dans leur chambre, deux grands lits de campagne avecédredon.
L’une parle, raconte des histoires, l’autre est silencieux. Me minze – elle me bouffe, dit-il parfois.
POTAGER
Allongé sur le ventre de tout son long parmi les salades,mon père sourit en regardant l’objectif. La lumière est belle. Je suis assise àcôté de lui et moi aussi je souris, sans doute à maman qui prend la photo carje reconnais le potager de Saint-Gilles en Limousin. Photo-souvenir dont je neme souviens pas, mais je reconnais cette façon que mon père a de s’allonger surle ventre dans la nature.
Toute sa vie, il a cultivé un potager. Je l’ai toujoursconnu en short et maillot de corps, arrosant avec un seau rouillé, rapportantune laitue, quelques poireaux et deux ou trois petites poires ou prunes trèssucrées qui ne paient pas de mine. Et j’ai quelquefois pensé qu’il mourraitsubitement dans un jardin. Comme son père le fera près de son poirier.
PORTRAITS
À Saint-Gilles, j’ai toujours vu accrochés au mur de lasalle à manger le portrait de mon père prénommé Robert, et celui d’Odette, sasœur, qui figurent à la place d’honneur – de part etd’autre du buffet Henri III. Cadres en bois identiques, photos des annéestrente retouchées à la main, qui font penser à de la peinture.
À gauche, portrait en dégradés de gris d’un beau jeune hommephotographié de trois quarts : veston d’été, cravate, cheveux ondulés, leregard droit, les traits fins, un sourire léger.
À droite, portrait d’une belle jeune fille au doux sourire.Le regard plus timide.
Tous deux se ressemblent et ressemblent à ma grand-mèrepaternelle.
SAINT-GILLES
Réveillée par le raclement des chaises dans la cuisine endessous, je guette les bruits. L’horloge qui égrène distinctement chaqueseconde, les coups de gong pour savoir s’il est l’heure de me lever. J’entendsmon grand-père qui chausse ses socques pour aller donner à manger aux vachespuis la porte qui grince. Ma grand-mère qui fourrage bruyamment avec sontisonnier pour retirer un à un les cercles en fonte de la cuisinière avant d’yenfourner papier journal et branchages secs. Le grattement d’une allumette. Lefeu qui ronfle.
Bientôt la fumée de la cuisinière se faufile à travers deuxlattes du plancher. J’observe le mouvement des volutes dans la pièce. L’âcretéde la fumée me pique les yeux. Dès lors, mon temps au lit est compté.
Je descends.
Dehors, je vois mon père casser du bois, tirer le fumier desétables, maintenir la charrue, nettoyer la grange. Dans la maison, maman quin’est pas chez elle, aide aussi. Elle balaie, cire l’escalier qui monte auxchambres, donne un coup de main à ma grand-mère, pour la cuisine, pour lavaisselle… Je vais de l’un à l’autre et les regarde faire.
Le soir, à la fraîche, laissant mes grands-parents, nouspartons à pied sur un des chemins autour de la maison. Mon père a pris sonbâton, par habitude, maman aussi. Regarde bien où tu mets les pieds, Lucile .Quand la nuit descend, nous nous asseyons sur un talus et observons en silencela nuit gagner sur les bois du Puy Labrune . À l’aidede son bâton, mon père me montre l’étoile du Berger, la casserole de la GrandeOurse, celle de la Petite Ourse… Quand la nuit est vraiment noire, nous nous enretournons. De loin, je vois la lampe rassurante qui éclaire la porte de lamaison de Saint-Gilles.
À l’intérieur, tout est silencieux.
DANS LE PRÉ
Il fait lourd. J’ai quatre ans, cinq ans peut-être mais j’aidix ans aussi. Assise sous le pommier, je les regarde travailler.
Elle est rouge, le corsage lui colle. Elle transpire de latête comme pépé Marande qui retourne le foin à côtéd’elle.
Ses cheveux fins sont trempés, une rigole de sueur luidégouline dans l’œil. Elle s’arrête et d’un revers de l’avant-bras repoussebrutalement l’écoulement de la transpiration. Merde dit ma mère.
À ses côtés, pépé soulève sa casquette, tire son grandmouchoir à carreaux de sa poche, s’essuie lentement le crâne à plusieursreprises avant de rajuster tranquillement son couvre-chef tandis que mon pèreen short continue de faner.
JARDIN
Dans la cour de l’immeuble où nous habitons tous les trois àMaisons-Alfort, mon père m’assoit en amazone sur le cadre de son vélo orange. Accrochetes mains au guidon. Me voici calée entre les bras et les jambes de monpère qui pédale en grenouille et file à son jardin ouvrier au bord de la Marne.
Je ne garde aucun souvenir précis de ce jardin où ilm’emmenait en fin d’après-midi de ces années cinquante, seulement celui demagnifiques fleurs sauvages rouges, au cœur noir, qui m’attirent dans leterrain en friche voisin. Déception : elles ne sentent pas. Et quand je veuxles emporter pour les montrer à maman, les pétales sont tout chiffonnés et latige avachie.
MAISONS-ALFORT 1
Dix ans locataires. Au troisième étage d’un immeuble enbriques grises, au trente-huit de l’avenue Gambetta. Toilettes à la turque surle palier.
Une entrée sombre, encombrée de la penderie cachée par unrideau où je vais décrocher la jupe à volants rouges de maman et mettre seschaussures à talons.
Tout de suite, la petite cuisine, où nous mangeons serrésautour d’une table bistro coincée contre le mur, où maman me savonne dans labassine en zinc tandis que papa, assis, nous regarde.
Je suis debout, toute nue dans la grande bassine. Je parle àvoix haute : ça, c’est le ventre . Je passe mon doigt dans le creuxsavonné, ça c’est le nombril… et ça, comment ça s’appelle ? Maman passele gant entre les cuisses. Ça, c’est le batou , ditma mère un peu gênée en riant avec mon père… Ça, c’est le batou … je répète la phrase de maman.
La chambre commune : lit cosy dans une encoignure, deuxfauteuils assortis, une commode, l’armoire, la machine à coudre rentrée dansson cube en bois qui me sert de bureau, une table, le poêle à charbon près demon canapé-lit. La nuit lorsqu’il est déplié, il ne reste presque plus de placepour passer, j’avance avec précaution, les bras en avant.
MAMAN
Nous descendons d’autobus à Alfortville. Je tiens la main demaman pour traverser. Mes parents s’arrêtent devant des vitrines de vêtements.
— Et celle-là, Lucienne ? dit papa en désignant une robebleu ciel.
— Laquelle ? dit maman.
— Celle qui est au fond, sans manches.
Maman crie. C’est la première fois que je l’entends criercomme ça. Ce ne sera pas la dernière.
— Mais enfin Robert, je ne peux pas mettre une robepareille. C’est bien trop clair… Le bleu ciel, ça grossit et sans manches, çan’ira pas. Avec mes gros bras.
— Entrons tout de même, tu n’auras qu’à l’essayer, répondmon père. Comme ça, tu verras.
Pour essayer, la vendeuse nous conduit dans une sorte decouloir. Ma mère, qui se regarde dans la glace, n’est pas contente. Elle ditque ça la grossit. Moi, je trouve que ça lui va, j’aime bien la couleur, papaaussi.
Finalement, nous la prenons, mais ma mère ne la mettra pas.
PROJETS
Mon père ne fume pas, ne va pas au café, ne joue pas. Ilachète un terrain à Yerres. Pour se constituer un capital. Mes parents endiscutent à table. Dans quelques années, on pourra le revendre … Un soiraprès dîner, je me souviens de la visite inhabituelle des Dumont – les voisinsplus âgés du rez-de-chaussée – qui viennent de trouver la maisonnette de leursrêves à retaper. J’entends mes parents qui proposent de leur prêter del’argent.
Fiers de pouvoir le faire.
FORMULES ...