Le plurilinguisme au Sénégal Langues et identités en devenir , livre ebook

icon

362

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2004

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

362

pages

icon

Français

icon

Ebook

2004

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Publié par

Date de parution

01 janvier 2004

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845866186

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

3 Mo

Martine Dreyfus et Caroline Juillard
L e plurilinguisme au Sénégal
Langues et identités en devenir
KARTHALA
LE PLURILINGUISME AU SÉNÉGAL
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture :
LÁarche de Noé, fixé sous-verre de Sikh, 1995.
Éditions KARTHALA, 2004 ISBN : 2-84586-618-6
Martine Dreyfus et Caroline Juillard
Le plurilinguisme au Sénégal
Langues et identités en devenir
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Cet ouvrage est publié avec le concours de lÉcole doctorale « Éducation, langages, sociétés » de la Faculté des sciences humaines et sociales,Université René Descartes,Paris-5.
Introduction
Les recherches que nous avons conduites depuis 1985, et que nous avons continué de mener en 2001, se sont principalement déroulées à Dakar et à Ziguinchor (région de Casamance). Elles se situaient alors dans le cadre dune recherche communeàlUniversitéde Dakar etàlUniversitéRené 1 Descartes-Paris V, et elles associaient des chercheurs français et sénégalais dans un projet détude sociolinguistique concernant lévolution du plurilinguisme¬des langues africaines et de la langue officielle, le français¬ dans les villes du Sénégal. Ces recherches ontétéen partie financées par une convention inter-universitaire de la Mission française de coopération de Dakar entre 1985 et 1994, et en partie par les universités concernées ; lAUPELF-UREF et lACCT ontégalement participéau financement de deux colloques inter-nationaux tenusàDakar, en 1990 et 1995, sur«Les langues et les villes»et sur«Les politiques linguistiques ; mythes et réalités». Cest enfin dans le cadre du réseau«Sociolinguistique et dynamique des langues»de lAUF, que nous avons pu réaliser nos dernières recherches entre 1998 et 2001. Ces recherches se situent dans le courant français de la sociolinguistique influencé, entre autres, par létude des rapports entre langues dominantes et langues minoritaires et le modèle théorique de la diglossie tel quil aété utiliséen sociologie du langage et dans le champ de linteractionnisme symbolique. Nos aînés ontétésensibilisés par le contexte social de post-
1.
Pour luniversitéCheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) : Mamadou Ndiaye, Ndiasse Thiam et Martine Dreyfus (Centre de linguistique appliquée de Dakar) ; pour luniversitéRenéDescartes : Louis-Jean Calvet, Marguerite Descamps-Hocquet, Marie-Hélène Drivaud, Christine Deprez et Caroline Juillard. Lors de recherches ultérieures et ponctuelles, tantàDakar quàZiguinchor, se sont adjoints Pape Alioune Ndao (Département de Lettres modernes de lUCAD) et Marie-Louise Moreau (Universitéde Mons-Hainaut). Des contacts et deséchanges ontété égalementétablisàDakar avec Leigh Swigart (WARA-Dakar) et Moussa Daff (Département de Lettres modernes de lUCAD). On trouvera en bibliographie les travaux des chercheurs impliqués.
6
LE PLURILINGUISME AUSÉNÉGAL
indépendance et le rééquilibrage souhaitéentre les langues nationales et le français dans les pays africains. Le contexte sociohistorique de notre recherche est donc marquépar la période de post-indépendance, période de déstructuration et restructuration 2 sociale, et donc linguistique . Lesévolutions sociolinguistiques sont dans ce contexte particulièrement fécondes en déplacements et transformations des usages. La régression de lusage de certaines langues, la véhicularisation accrue dautres, autant que lémergence de codes mélangés, ladoption demprunts massifs aux langues plus dominantes (français,wolof, entre autres) sont les indices de cette recomposition. 3 Nous avons menénos recherches personnelles principalementàDakar, pour lune, etàZiguinchor pour lautre. Ces villes, dont lune est capitale nationale et lautre capitale régionale, sont toutes deux fortement multilingues et multiethniques. Elles se situent sur un axe nord/sud. A lexemple de la France et du Soudan, entre autres, ce type de rapport entre des régions culturellement différentes induit fréquemment des tensions entre des populationsàla périphérie au sud et un pouvoir centraléloignéau nord. Ces villes ontétéchoisies parce quelles représentent deux ensembles nettement contrastés. Dakar et sa région sont«héritiers»de grands ensembles politiques, religieux,économiques et culturels dont les centres de rayonnementétaient situés au nord et au nord-est du pays (anciens royaumes du Kayor, du Baol, du Dyolof). Il sagit de sociétés très hiérarchisées selon 4 deux systèmes superposés : les castes et les ordres . Ziguinchor est au centre dautres sphères dinfluence, au sud et au sud-est du pays. Linfluence prépondérante du royaume mandingue du Gabou, aux structures compa-rablesàcelles des royaumes du Nord, sest exercée jusquàlarrivée des Français dans la zone ; elle sest superposéeàcelle de petites communautés territoriales indépendantes etégalitaires, basées sur des civilisations du riz, dispersées sur la Basse-Casamance et le nord de la Guinée-Bissau. Toute la zone aétéfortement marquée par une résistance au pouvoir mandingue, puis à; la pacification ne sla puissance coloniale est faite quen 1919 (cf. Christian Roche, 1985). Après lIndépendance, Dakar prend le relais de la France dans lexploi-tation de la Casamance et Ziguinchor devient un satellite administratif du
2.
3.
4.
Voir Robert B. Le Page et Andrée Tabouret Keller (1985),Acts of identity, Cambridge University Press. Les résultats les plus saillants ontétéprésentés, pour Martine Dreyfus, dans sa thèse de doctorat :Le plurilinguisme à Dakar. Contribution à une sociolinguistique urbaine (1995), pour Caroline Juillard, dans son livre :Sociolinguistique urbaine. La vie des langues à Ziguinchor (Sénégal)(1995). Cf. Abdoulaye-Bara Diop (1981),La société wolof. Tradition et changement. Les systèmes dinégalité et de domination.
INTRODUCTION
7
pouvoir de Dakar (cf. Pierre-Xavier Trincaz, 1984). La«tutelle admi-nistrative»sest progressivement intensifiée. Un mouvement populaire a émergépeuàpeu, organisant la résistanceàpartir du moment oùle gouvernement a commencé àsoccuper de la gestion des terres en Casamance, suiteàla ratification de la loi de 1964 sur le Domaine national. Les«Nordistes»furent et sont toujours accusés, comme le souligne Jean-Claude Marut (1992, p. 210), de léser la population«en accaparant des emplois, des terrains, des terres agricoles, des droits de pêche ou dexploi-tation forestière, etc.». Malgrédes recherches dentente et des trêves, cette rébellion sest amplifiée ; une guerre civile sest installée dans la région depuis 1996 et déborde la frontière bissau-guinéenne. Dakar aussi bien que Ziguinchor sont des pôles dattraction drainant la migration rurale. Mais la capitale draine le pays et Ziguinchor, sa région, bien que la grande sécheresse des annéait provoques 80 éun afflux des populations rurales de la région du fleuve Sénégal vers la Casamance. Dakar resteévidemment le pôle dattraction le plus important et son accroissement 5 est spectaculaire, au point de créer autour delle«un désert urbain». On y trouve 21,6 % de la population du Sénégal et 50 % de la population urbaine. 6 En poids relatif, cest Ziguinchor qui donne le plus de migrantsàDakar . Ziguinchor compte 124 000 habitants au dernier recensement. Plus récemment, des réfugiés des villages de Casamance, issus de la zone frontalière surtout, accroissent le flux migratoire vers Ziguinchor. Ces migrations induisent dimportants brassages ethniques. La ville,«point de convergence des migrations et donc des différentes langues du pays», est ainsi considérée comme un«lieu dobservation privilégiépour le sociolinguiste»2). Elle(Louis-Jean Calvet, 1992, p. représente un«laboratoire»3), lieu de dsociolinguistique (id., p. écons-truction/reconstruction des identités, quelles soient ethnico-villageoises, ou citadines, régionales ou nationales. Dakar et Ziguinchor sont deux villes quil est intéressant de comparer, parce que le multilinguisme sest constitué à Dakar sur une durée relativement courte et que les mouvements des populations dans la ville le remodèlent sans cesse, tandis quàZiguinchor, le multilinguisme régional sest recomposéen ville depuis le début du siècle et se différencie des quartiers centraux anciens vers la périphérie de formation récente et spontanée. Dautre part, le multilinguismeàDakar sorganise autour de trois pôles fédérateurs qui sont lewolof, langue dominante du milieu, le français et les langues ethniques dorigine des migrants. A Ziguinchor, le multilinguisme est beaucoup plus diversifié.
5.
6.
LVerniexpression est de M. ère (1973). Dakar comptait 235 000 habitants en 1955 (A. Seck, 1970) et 1 488 941 habitants au recensement de 1988. Voiràce sujet les travaux réalisés sous la direction de Philippe Antoine (1992, 1995).
8
LE PLURILINGUISME AUSÉNÉGAL
Les rapports sociolinguistiques entre ces deux villes peuvent senvisager autour des notions de centre et de périphérie. La conurbation de Dakar est au centre, la périphérie est constituée des villes secondaires et des régions intersticielles. Ce rapport fonctionne comme modèle de la diffusion de la (ou des) langue(s) commune(s), cest-à-dire principalement duwolof, mais également du français, et comme modèle des représentations portant sur lunification linguistique du pays. Ce modèle fonctionneégalementà Ziguinchor, du centre-villeàla périphérie (cf.Langage et Société, n°68, introduction). En labsence de données quantifiées récentes sur les langues parlées au Sénégal, un de nos objectifs fut de préciser le paysage linguistique. Aucun 7 recensement au Sénégal navait encore relevé, en 1985 , les langues parlées par locuteurs ; les principales données chiffrées, citées dans de nombreux travaux de recherches, relevaient dune enquête de François Wioland réalisée en 1965. Wioland concluaitàune assimilation progressive des autres langues sénégalaises par le wolof, notamment en milieu urbain, etàune régression rapide des langues ethniques chez les enfants, puisque pour 72,2 % des enfantsàDakar, la«première langue parléeàla maison» était lewolof. Ce phénomène se produisait aussi, selon lui, dans des capitales régionales oùles Wolof nétaient pas numériquement les plus importants. A Ziguinchor, les enfants parlaient davantage en première langueàla maison lewolof(33,9 %) que lemandinka(25 %) ou lejoola(19,8 %). Cela lui permettait de conclure en ces termes :«On peut donc se demander si le wolof ne risque pas de devenir de facto la langue nationale du Sénégal, parallèlement au français, langue officielle, consacrant un bilinguisme qui tendàêtre de règle dans tous les pays africains dits francophones». Plusieurs réserves ontétéformulées sur cette enquête réalisée dans le contexte de post-indépendance et par lintermédiaire des directeurs décole primaireàqui les questionnaires 8 avaientétéadressés . Ce travail fait encore référence dans de nombreuses
7.
8.
Les données corrigées du recensement de 1986, et qui comportaient pour la première fois des questions sur les langues parlées, sont parues en 1988. De lavis de nombreux observateurs, linguistes africanistes, les données sur les langues sont«relativement» fiables, elles donnent des ordres de grandeur en ce qui concerne les langues dites majoritaires, langues connues des enquêelles le sont beaucoup moins en ce quiteurs ; concerne les langues dites minoritaires, beaucoup moins connues des enquêdesteurs ; problèmes se sontégalement posésàpropos de la transcription du nom des langues données par les enquêtés,àquelles dénominations -parmi les noms de langues données dans les formulaires du recensement- les rattacher ?¬De plus, cétait en général lun des membres présents de la famille qui donnait les renseignements linguistiques pour tous les autres. On peut lireà59 et suivantes de la thce sujet les pages èse de M. Dreyfus, ainsi que l96 et suivantes. Les chiffres de nos enquCalvet, 1994, p. ouvrage de L.-J. êtes (réalisées entre 1985 et 1992) et ceux du recensement de 1988 contredisent ceux avancés par F. Wioland. Ils sont plus faibles, en ce qui concerne lewolof, et plusélevés en ce qui
INTRODUCTION
9
études linguistiques et sociologiques et a induit auprès des lettrés du pays des représentations sur lexpansion duwolof. La dominance numérique des Wolof et la véhicularisation de leur langue, bien attestées dans le pays, ne peuventêtre mises en doute. Par contre, la représentativitédes autres langues nous semblait devoirêtre reconsidérée, notamment en tant que langues parlées dans le milieu familial. Nous souhaitionsétudier lévolution en cours de lusage duwolofsous langle du rapport centre/périphérie, en considérant sa vernacularisation au centre (Dakar) et sa véhicularisationàla périphérie (Ziguinchor). Ce rapport fonctionne-t-il comme modèle de la diffusion des langues communes,wolof et français, dans un univers sociolinguistique diversifié? Nous souhaitions également préciser le changement linguistique en cours : quelles seraient les limites dune tendanceàlunification linguistique qui se diffuseraitàpartir des centres urbains, mais ne supprimerait pas pour autant la configuration multilingue propreàchaque communautéurbaine ? Quelles sont la ou les langues qui assurent la communication inter- et intra-groupes ? Est-ce quil apparaît une assimilation rapide des autres langues auwolofou un maintien significatif dune assimilation plus lente, accompagnéde modifications notables de leurs usages ? La ville multilingue suscite-t-elle de nouvelles formes et normes de communication ? Comment les locuteurs peuvent-ils créer dans une sociétéurbaine en formation,àtravers des choix de langues, dalternances ou de mélanges, de nouvelles formes dusage et donc de nouvelles possibilités dexpressions identitaires ? Lexpansion duwolofet sa vernacularisation, cest-à-dire : son emploi comme langue première, comme seule langue africaine, la variabilitéde ses formes, des emprunts, des registres, impliquent-elles déjàune stabilisation et une focalisation en cours de la langue ? Existe-t-il une norme dakaroise, perceptible comme telle par ceux qui habitent dautres villes ou régions ? Notre démarche sinspire des approches macro sociolinguistiques et micro sociolinguistiques, ainsi que des approches ethnographiques. Elle conjugue plusieurs méthodes dinvestigation et plusieurs niveaux danalyse : questionnaires, entretiens, observations participantes, enregistrements dinteractions. Nous avons souhaitéfaireéclater la dichotomie macro/micro par une démarche très diversifiée, ce qui aétérendu possible par un long 9 temps dinvestigation sur nos terrains respectifs .
9.
concerne les langues ethniques. Selon F. Wioland lui-même, interrogédepuis par C. Juillard, en 1994, lenquête aétéadministrée par les instituteurs.Étaient-ils, déjà à lépoque, majoritairement wolophones ? En ce cas, auraient-ils favoriséleur langue, non seulement au détriment du français, mais surtout dupulaaret dusereer? M. Dreyfus a travailléau CLAD entre 1975 et 1977, puis entre 1981 et 1990, ensuiteà lInstitut de français de lUCAD jusquen 1996. Elle a fait ensuite deux missions au Sénégal en féJuillard a bvrier-mars 1998 et mars-avril 2001. C. énéficiéde missions
Voir Alternate Text
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents
Alternate Text