Japprends le créole haïtien , livre ebook

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Publié par

Date de parution

01 janvier 2002

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845863012

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Robert DAMOISEAUet Gesner JEAN-PAUL
Japprends lecréolehaïtien
Faculté de Linguistique Appliquée Université d’État d’Haïti
J’APPRENDS LE CRÉOLE HAÏTIEN
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture :
Rue de Saint-Marc (photo : H. Tourneux, 1975).
&Éditions KARTHALA, 2002 ISBN : 2-84586-301-2
Robert Damoiseau et Gesner Jean-Paul
J’apprends le créole haïtien
Ann’ aprann pale kreyòl !
Préface de Pierre Vernet
Faculté de Linguistique Appliquée Université d’État d’Haïti Port-au-Prince
KARTHALA 22-24, bd Arago 75013 Paris
Préface
La première impression de létranger francophone arrivé en Haïti est quil se trouve au plan de la communication, surtout en milieu urbain scolarisé, en terrain plus ou moins connu et quil peut sans trop defforts ou de difficultés vivre en Haïti en échangeant avec la population. Cette première impression, malgré des spécificités culturelles évidentes, se trouve vite confirmée. En effet, la participation du français, en rapport avec des idiomes africains, à lélaboration de la langue créole a entraîné demblée un vocabulaire à base lexicale française. Ainsi donc, les mots créoles pouvant être considérés comme français sont très nombreux. Certains, en grand nombre, sonnent tout à fait français et sont tout de suite repérés à loreille par le locuteur francophone. Cette facilité nest pas seulement confirmée par la seule pratique du français. Certains des mots créoles nont pratiquement subi aucun changement phonétique :chèz« chaise »,kaye« cahier »,panye « panier »,soulye« soulier »,valiz« valise »,papye« papier », pantalon« pantalon »,bouton« bouton », etc. Dautres ont subi une certaine modification dans leur pronon-ciation :
bale lèt fre sòt pèsi dous bann gade
vanse rache
balai lait frais sot persil doux, sucré bande regarder
avancer arracher
se prononce avec un « é » le « t » se prononce se prononce avec un « é » au lieu dun « è » se prononce avec un « ò » ouvert et un « t » se prononce sans le « r » et sans le « l » se prononce avec le « s » se prononce avec un « n » au lieu dun « d » se prononce sans un « re » et sans le « r » du milieu
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bliye zaboka zèb zoranj zanmi
oublier avocat herbe orange ami
JAPPRENDS LE CRÉOLE HAÏTIEN
Ainsi, létranger francophone, contrairement à limpression de dépaysement quil aurait eue dans un pays où lon parle des langues comme langlais, lallemand, voire le chinois, le swahili ou larabe, se sent-il en Haïti dans un monde plus ou moins familier. Outre le vocabulaire, certaines règles grammaticales du créole présentent une certaine similarité avec le français :
Mwen manje pen ak zaboka
Liv ki la a pa pou vann
Elèv yo achte kaye pou fè devwa
jai mangé lavocat.
du
pain
avec
de
le livrequi est là nestpas à vendre.
les élèves ont acheté des cahiers pour faire des devoirs.
Malgré des différences dans certaines règles comme la place de larticle (postposé en créole), ou labsence du verbe « être », ces phrases, du point de vue de lorganisation des mots, ne posent pas de problèmes majeurs. La situation du francophone se trouve également facilitée par la situation sociolinguistique haïtienne marquée par une forte présence du français en milieu urbain pour ce qui est de loral et une occupation totale et quasi exclusive de lespace national pour ce qui est de lécrit. En effet, si le créole est, à côté du français, langue officielle dHaïti, cela ne date que de 1987. Et son statut officiel ne sest pas encore véritablement traduit dans les faits. Tandis que le français, lui, est resté au moment de lIndépendance en 1804 la langue de lécole, de léglise, de ladministration, etc., avec tout ce que cela implique en termes de prestige et de poids social. Ce qui lui a valu dêtre la langue pratiquée dans les familles de lélite. Toutefois, vu que le créole est pratiqué par tous les Haïtiens dans tous les aspects essentiellement informels de la vie, létranger franco-
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phone est amené dès son arrivée à avoir besoin du créole et devrait normalement connaître des difficultés par rapport à la pratique de cette langue. Et là encore, le problème se trouve atténué : le mode de créole pratiqué par la population partiellement ou totalement scolarisée des régions urbaines ou suburbaines connaît aujourdhui un degré de francisation de plus en plus important. Ce qui ne peut que faciliter la tâche à létranger francophone. La nouvelle ère politique de 1986 a entraîné une très grande liberté de parole inconnue jusqualors. Dans ce contexte, la pratique du créole dans la presse, notamment dans la trentaine de stations de radio qui fonctionnent aujourdhui, est devenue un phénomène général. En plus dautres émissions réalisées dans lune ou lautre des deux langues, tous les bulletins de nouvelles sont diffusés systématiquement en créole et en français. Le créole est utilisé quotidiennement au Parlement, et des discours officiels se font parfois dans cette langue. Cependant, le créole de la presse orale, parce que produit par des scolarisés, est en général assez francisé. Les phrases suivantes ne posent aucun problème de compréhension pour le francophone étranger :
Premye Minis la ak Prezidan an nan konfli ak Paleman an. Gouvènman an anonse lis Minis yo. Prezidan an resevwa Palmantè yo nan Palè.
Dans le milieu du travail à Port-au-Prince ou dans les grandes villes, dans les réceptions, dans les salons, etc., face à létranger francophone, cest le français qui est en général pratiqué. Et quand le créole est utilisé, son degré de francisation rend le plus souvent la compréhension possible. Et dans toutes ces situations de commu-nication, le locuteur étranger a tout le loisir de sexprimer en français. Les membres du personnel de maison (bonnes, gardiens, etc.), en général non ou peu scolarisés, ne connaissent pas assez de français pour franciser leur créole au point den faciliter sensiblement la com-préhension par un étranger francophone. Leur francisation se limite le plus souvent à laspect phonétique : remplacement, par exemple, des sons étirés « i, é, è » par des arrondis : « u, eu, eù ». « Diri » devient « duri », « ze » devient « zeu », « bè » devient « beù », etc. Mais dans leurs efforts pour assurer la communication, ils déve-loppent souvent un langage réduit au départ aux mots clés de lénoncé accompagnés de mimiques et de gestes. Tout en adaptant ce langage aux caractéristiques de celui de leur employeur. Ce dernier, de son
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JAPPRENDS LE CRÉOLE HAÏTIEN
côté, sefforçant de se faire comprendre, sadapte par rapport au langage de lemployé haïtien. Se fait alors, comme dans tout début de mise en place dun nouveau code de communication, une rencontre à mi-chemin, chacun essayant de sadapter à lautre. Se développe alors unmodus vivendi, un mode de langage embryonnaire qui assure une certaine intercompréhension limitée aux activités concernées. Le français ayant contribué à lélaboration du créole, sa présence dans ce dernier est manifeste, comme déjà indiqué, au niveau du lexique dont la perception par le locuteur francophone est facilitée par des repères phonétiques. Toutefois, dautres facteurs sont à prendre en compte qui rendent la distance entre le créole et le français plus importante quelle ne peut, au départ, le paraître. Dabord, les esclaves africains, dans lélaboration du créole, ont dû faire appel à des aspects de fonctionnement de leurs propres langues, notamment ceux touchant lorganisation syntaxique, la structuration lexico-sémantique, etc. Ensuite, ils ont dû adapter les données du français aux nouvelles réalités à vivre et à exprimer. Enfin, la distance entre le français de lépoque et la transformation de lexpression en fonction des nouvelles réalités tant en France quen Haïti na fait que sélargir au fil de lévolution des sociétés. Ainsi donc, malgré cette « facilité » de communication produite par tous les facteurs indiqués, le locuteur se rend vite compte de certaines limites essentielles qui le gênent dans sa vie en Haïti. Dabord, sa compétence, orientée davantage vers la compréhension que vers la production, peut rester assez superficielle et imparfaite dès linstant où les scolarisés abordent certains sujets : histoires drôles, ragots, aspects de la vie intime, traits culturels spécifiquement haïtiens, etc. Ensuite, et cest là le point le plus important, le locuteur se trouve face à des difficultés certaines de communication dès linstant où il se trouve dans lespace des couches non scolarisées (à la campagne, dans les bidonvilles, au centre ville, au marché, etc.) Car, contrairement à limpression laissée par la pratique des couches scolarisées omni-présentes dans certaines sphères, la vie de la grande majorité de la population, qui est non scolarisée, se fait en créole et exprime des réalités quil faut comprendre si lon veut entrer en communication avec elle. Ainsi, ce qui paraissait au départ être compris peut savérer lêtre partiellement ou même pas du tout. Déjà, les formules de salutation changent en passant du milieu des scolarisés à celui des non-scolarisés : Au lieu de « Bonjour » on peut entendrekouman kò a ye ?(litt. : « comment est le corps laEt au lieu de « ? »). ! » Ça va
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réponse la plus courante en milieu rural estpa pi mal ak Bon Dye: « pas plus mal, grâce à Dieu ! ». Au niveau du lexique, certains termes ont développé un sens différent du français :
Mwen angajeje suis en situationsignifie en créole : « difficile ». Le terme français « bêtise » a donné par dérivation le verbe créolebetizequi signifie « déconner ». Deux mots français comme « tête » et « marteau » ont produit par composition en créole le termetèt-matoqui signifie « chauffard ». Anrajeculotté,a dans certains contexes en créole le sens de « qui exagère ». Un terme comme « table » utilisé avec le mot « bord » dans lexpression créolebò tab la(litt. en français : « être au bord de la table » signifie « faire partie dun certain parti politique ». Le mot « maman » associé à « argent » donne par composition en créole le termemanman-lajan, qui signifie le capital dun commerce par opposition au bénéfice.
Dans certains cas, certains termes apparemment français ou dorigine française renvoient à des réalités qui correspondent à une vision spécifique des choses par la population. Cest le cas par exemple de certains termes en rapport avec le corps : estomac, poitrine ne renvoient pas à la même perception de lorganisation de son corps selon que lon est en français ou en créole. Les deux termes « maman » et « ventre » associés en créole donnent un seul termemanman-vantqui signifie « matrice ». Disons que globalement, les termes apparemment français renvoient souvent à de profondes réalités que la simple connaissance du terme ne permet pas de toucher. Ainsi, le « kolye maldyòk » est porté par une personne qui est tombée malade à la suite dun sort quon lui a jeté. « Alelouya » utilisé à léglise dans le sens de « Gloire à Dieu » est en créole une formule incantatoire. Prononcée au départ pour faire partir les mauvais esprits, elle est actuellement utilisée dans la vie de tous les jours pour chasser une personne indésirable. Sang-froid a donnésan-frètmais signifie en créole « indolent, peureux, insouciant ».
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