121
pages
Français
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2019
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Publié par
Date de parution
15 novembre 2019
Nombre de lectures
3
EAN13
9782356770233
Langue
Français
Jean se réveille dans un cercueil la veille de sa crémation. Il est vivant et pourtant son décès a été formellement déclaré !
La situation est inédite et inexpliquée. Doit-on le déclarer mort alors qu’il parle, boit et rit avec sa femme et ses amis, ou vivant alors que son corps est froid et son cœur à l’arrêt ?
Tandis que chacun y va de son point de vue, Jean profite de sa "nouvelle vie" pour réaliser ce qu’il n’avait pas jugé opportun de son vivant.
Avec un ton humoristique et une écriture originale, Vincent FERRIQUE nous livre un récit décalé mais empli de philosophie de vie. Vous ne pourrez rester de marbre devant les tribulations de Saint Jean-le-Macchabée !
Publié par
Date de parution
15 novembre 2019
Nombre de lectures
3
EAN13
9782356770233
Langue
Français
SAINT JEAN
LE MACCHABÉE
© Editions du Saule, 2019
Tous droits réservés – Reproduction interdite
« Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. »
Dépôt légal : Novembre 2019
ISBN 978-2-35677-023-3
SAINT JEAN
LE MACCHABÉE
VINCENT FERRIQUE
Éditions du Saule
à Rémi
CHAPITRE 1
Le réveil de Jean
Jean ressuscita en cette belle aube de juin.
Il se réveilla, et décida d’attendre avant d’ouvrir les yeux. Il voulait profiter encore un instant de son lit douillet.
Cependant, ce matin-là, il ne ressentit rien de douillet dans ses draps. Une impression d’oppression, d’enfermement, le tenaillait aux limites de sa conscience qui émergeait des brumes du sommeil.
Il ne reposait pas sur son matelas, mais sur ce qui lui parut une surface dure recouverte d’un molleton. Il ne se souvenait pas avoir découché, d’autant que cela ne lui était pas arrivé depuis vingt ans. La sensation de confinement provenait du fait que ses deux épaules portaient contre un revêtement identique à celui qui martyrisait son dos.
Il secoua ses neurones, cherchant vainement une explication plausible à cette situation fort inconfortable.
La veille au soir, sa petite bande s’était réunie, comme tous les lundis, dans son restaurant – dont c’était le jour de fermeture hebdomadaire – pour leur sacro-sainte partie de cartes. Ils avaient picolé, comme d’habitude, mais il se rappelait être retourné chez lui, à deux cents mètres de l’estaminet, sans la moindre anicroche. Il tenait alors une légère cuite, mais rien qui justifie un réveil dans un fossé ou dans un caniveau. D’autant qu’il se revoyait monter à l’étage de sa maison, se déshabiller en silence, et se mettre au lit – dans son lit – en poussant du coude sa femme, Andrée, pour tenter de se réapproprier un peu d’espace. S’il se rappelait nettement avoir enfilé son pyjama, il était tout aussi certain de ne plus l’habiter ; il portait des chaussures de ville et un costume de flanelle, une tenue qu’il n’avait jamais adoptée pour se rendre au pays des songes.
Avait-il chuté du matelas sur le plancher durant la nuit ? Était-ce le cadre de son plumard qui pesait contre son épaule ? Il ouvrit enfin les yeux, mais cela ne l’éclaira en rien. Sa chambre était plongée dans une obscurité absolue. Il tourna son regard vers la droite, espérant distinguer le fin trait de lumière qui s’immisçait depuis trente ans sous le volet, sans succès. Même au cœur des nuits les plus profondes, le lampadaire devant la vieille baraque distillait en permanence une lueur jaunâtre. Tous ces signes l’amenèrent à se convaincre, contre toute logique, qu’il ne reposait plus dans sa chambre.
Il étendit le bras, et entreprit de repérer au toucher ce qui l’entourait, pour récupérer des indices qui élucideraient sa situation. Ses doigts rencontrèrent vite un obstacle, constitué d’une planche – également capitonnée – qui lui servait de plafond. Inspectant des pieds et des mains son environnement, il se rendit à l’évidence : il était enfermé dans une boîte de dimensions restreintes.
Son adrénaline monta d’un coup lorsqu’il s’imagina que cette boîte ne pouvait être qu’un cercueil, et qu’on l’avait inhumé de son vivant. Dans un mouvement de panique, il appuya des deux mains sur le couvercle avec énergie. Celui-ci se souleva sans opposer d’autre résistance que son poids, glissa sur le côté, et tomba avec fracas de la hauteur de la caisse. Un souffle d’air caressa le visage de Jean, qui se calma aussitôt, toute peur évacuée par cette libération. Il s’assit dans la boîte.
Il nageait toujours dans un noir d’encre, mais il aperçut les contours d’une porte et d’une grande fenêtre à une courte distance. Il reprenait pied dans un monde tangible qui le tranquillisa. Des stores ou des volets protégeaient les vitrages, mais leurs cadres se distinguaient nettement en laissant filtrer une faible lumière qui semblait celle du soleil. Il passa une jambe par-dessus le rebord de la boîte, et tâtonna jusqu’à sentir sous son pied une surface solide. Ce qui lui servait de cellule reposait sur le sol. Il s’extirpa en se contorsionnant de sa prison, et se retrouva debout près de la caisse. Il avança d’un pas, mais ne rencontra que le vide. Ne trouvant rien auquel se retenir, il chuta lourdement de hauteur d’homme et se reçut sans douceur sur le carrelage.
Il resta un moment sur le dos pour reprendre ses esprits. Il ne ressentait aucune douleur, et se tirait sans mal de sa cabriole. Il se remit sur ses pieds en pestant qu’il avait passé l’âge des galipettes impromptues.
Échaudé par sa mésaventure, il entreprit de rejoindre ce qu’il estimait être l’issue principale en tendant les mains devant lui et en laissant ses semelles glisser sur le carrelage. Il prévint par deux fois de se heurter à des objets qui encombraient le passage, objets qui, à la suite d’une exploration tactile, lui parurent furieusement ressembler à des cercueils. Il parvint à la porte, mais la trouva verrouillée. Il concentra son attention sur le mur voisin, et dénicha comme il l’espérait un interrupteur qu’il s’empressa de pousser.
La lumière l’éblouit quelques instants. En fermant à moitié les paupières pour se protéger, Jean reconnut l’endroit et ses craintes se confirmèrent. Il musardait dans le magasin d’Edmond, le propriétaire des pompes funèbres du village, sans avoir le moindre souvenir d’y être entré de sa propre volonté. Et comme l’alcool ne lui avait jamais occasionné de trous de mémoire, il parvint à la conclusion qu’on l’y avait amené contre son gré. Les deux objets qu’il avait heurtés possédaient la forme caractéristique, les poignées et le molleton intérieur des cercueils. Ceux-ci étaient ouverts, et heureusement vides. Lui-même s’était extrait d’une boîte à cadavre, posée sur un catafalque rudimentaire recouvert d’un drap noir, sur lequel il avait pris pied en se levant, et duquel il avait chuté ensuite. Il réessaya la porte, et ne put la pousser ni trouver de clef. Il se résolut à attendre l’ouverture du magasin, assis sur une chaise, en essayant de rassembler ses idées.
Si quelqu’un l’avait déclaré mort, il s’agissait pour le moins d’un malentendu. Il se sentait en pleine forme. Par ailleurs, il n’avait pas contracté de maladie dangereuse, pas même la cirrhose dont le menaçait sempiternellement Pierre, son médecin. Son dernier souvenir restait son coucher, une péripétie somme toute banale et qui paraissait ne receler aucune menace létale. Il ne pouvait guère avoir succombé lors d’un accident, les chutes de lit demeuraient, lui semblait-il, d’une incidence rare et peu susceptibles d’entraîner un décès. Avait-il passé l’arme à gauche dans son sommeil, et serait-il passé de vie à trépas comme une chandelle qui s’éteignait le temps d’un souffle ? Cela arrivait. En revanche, il n’entrait pas dans les habitudes que les défunts rouvrent le cercueil, en dehors des bouquins sur Dracula et des films sur les zombies.
Il tâta ses canines, qui n’avaient pas poussé plus que de raison. Une rapide introspection lui apprit qu’il ne ressentait aucune envie de dévorer un cerveau humain, ou d’explorer de ses griffes un ventre pour en arracher un cœur encore palpitant. En fait, il n’avait ni faim ni soif, ce qu’il trouva rassurant en ces circonstances auxquelles il n’était pas préparé.
Il se rappela qu’Edmond ouvrait son lugubre commerce à huit heures pétantes. Il jeta un coup d’œil à sa montre, qui indiquait neuf heures et demie. En approchant l’oreille, il constata qu’elle ne fonctionnait plus. Le mécanisme, non remonté, était parvenu en bout de course. Or, il répétait ce geste depuis vingt ans tous les matins sans exception, y compris après un réveil difficile à l’issue d’une nuit courte et arrosée. Il savait que sa toquante donnait l’heure pendant deux jours et demi une fois remontée à bloc. Depuis lundi matin, les neuf heures indiquées correspondaient à un arrêt des aiguilles dans la soirée du mercredi. Par conséquent, il flânait dans un salon funéraire un jeudi matin. Ou un vendredi. Ou… Edmond n’ouvrait pas durant le week-end – sauf en cas d’enterrement ou de crémation –, et Jean s’imagina rester enfermé dans la boutique jusqu’au lundi matin. Une perspective qui l’enthousiasmait autant que de savourer un repas gastronomique sans déguster un grand cru.
Il se leva, et essaya d’ouvrir la porte intérieure qui menait au bureau d’Edmond, sans succès. Il s’apprêtait à la forcer pour atteindre le téléphone, lorsqu’il entendit du bruit à l’extérieur du magasin. Quelqu’un glissait une clef dans la serrure, et abaissait la clenche. Il s’avança vers son libérateur, s’attendant à voir apparaître Edmond, mais ce fut Anita qui entra. À peine émit-il un mot pour la prévenir de sa présence, que la femme de ménage leva les yeux et aperçut celui qui la veille gisait comme un honnête cadavre.
Elle poussa un hurlement de terreur qui lui vrilla les tympans, et elle s’enfuit aussi vite que son âge et son embonpoint le lui permettaient. Jean l’admira se dandiner à travers la place du village, entrer dans l’église et s’y enfermer, le tout sans cesser de crier « Piedad, piedad, dios mío, sálvame ! ». Au moins, il était libre.
Avant de s’aventurer dehors, un dernier doute le tracassa : s’il était devenu vampire, la lumière diurne ne lui serait d’aucun