Le grain de sable et autres nouvelles , livre ebook

CHRIS LED
 
Le grain de sable
 
Nouvelles
 
***
 
© Chris Led
Bookless-Editions
Tous droits réservés
Mars 2022
Isbn : 9782372226479
 
 
Le grain de sable
 
 
 
 
Il semble sortir d’une forme de torpeur dans laquelle on l’aurait plongé.
Peu à peu ses sens se remettent en marche, à la manière saccadée d’un néon qui s’allume.
Il perçoit le bruit de la mer, très proche, et cette odeur iodée si particulière. Il entend le roulement régulier des vagues qui se brisent en cadence avant de s’étaler de tout leur long dans un bruissement continu que la pente, aussi douce soit-elle, finit par dominer.
Comme sur une plage, pense-t-il.
 
Portés par une risée de vent qui vient agiter ses cheveux, quelques grains de sable lui criblent soudain la joue.
Intrigué , il ouvre les yeux et découvre avec horreur ce qui entrave sa respiration mais aussi sa mobilité.  
Il est enterré dans le sable, debout, et seule sa tête émerge de cette prison sans nom.
Instantanément une peur panique le saisit. Son rythme cardiaque s’ a ccélère à lui battre les tempes, sa respiration devient désordonnée et ses yeux se révulsent. Son visage grimaçant exprime l’angoisse irrépressible qui le pénètre. Son être tout entier est plongé dans un abîme de terreur, tétanisé.
 
Son instinct lui commande de se mouvoir, mais c’est pure perte ; il a les bras dans le dos et perçoit que ses poignets sont retenus par des liens. Il réalise qu’il n’a pas la maîtrise des choses et qu’il est à la merci des flots. Un rapide coup d’œil de part et d’autre lui confirme d’ailleurs l’imminence du danger. À la dernière marée , l’eau est montée bien plus haut sur la plage, le cordon d’algues échouées est là pour en témoigner.
Malgré la gangue qui l’enserre, de violents et incontrôlables tremblements lui parcourent le corps, symptomatiques de la peur sourde qui le terrasse.
Il suffoque et n’a même pas la force de crier. Il semble totalement anéanti.
 
Après de longues minutes où cet état de panique a consommé toute son énergie , il se sent épuisé et toujours aussi impuissant à inverser le cours des évènements. Paradoxalement, la fin de la crise paroxysmique qu’il vient d’endurer est pour lui l’occasion de retrouver une once de lucidité. Et il est bien temps car la distance qui le sépare de l’eau s’amenuise irrémédiablement.
 
Il sait que ce moment de relative clairvoyance va être court avant que ne revienne la terreur des derniers instants, lorsque l’eau viendra lui lécher le visage puis contrarier sa respiration, vague après vague, alors il s’efforce de réunir ses facultés pour échapper à cette funeste issue.
 
D’abord retrouver le contrôle de sa respiration, malgré l’étau qui lui compresse le thorax ; cela, pense-t-il, devrait modérer progressivement son rythme cardiaque, à condition de ne pas se laisser envahir par de nouvelles bouffées d’angoisse. Plus facile à dire qu’à faire face à un tel supplice. Mais il y parvient peu à peu au prix d’un effort soutenu.
Ensuite, reprendre la maîtrise de son cerveau et tuer dans l’œuf toute pensée anxiogène qui viendrait perturber ses capacités de réflexion. Il a la force de caractère pour cela et doit imposer sa volonté aux errements incontrôlés de son esprit.
Maintenant essayer d’imaginer les mouvements qui lui permettront de s’extraire de cette fâcheuse posture ; peut-être, imagine-t-il, à la façon d’un lombric dont les anneaux s’écartent puis se resserrent lorsqu’il se déplace ? L’inspiration est hasardeuse mais il n’a pas de meilleure idée. Il tente donc de faire simultanément pression sur ses plantes de pieds et ses poings, réunis dans son dos. Il y met toute sa force. Son corps a bougé, il l’a senti. Il relâche doucement ses appuis pour permettre au sable de combler les interstices créés par le déplacement et renouvelle le geste. La deuxième tentative est moins performante et la troisième quasiment sans effet.
 
Le sable qui a rempli les espaces n’offre plus assez de résistance. Plus meuble, il se dérobe à la moindre sollicitation. À défaut de mieux , il insiste encore et encore mais en vain. L’entreprise s’avère infructueuse.
 
Face à lui la mer continue à monter, emportant quelques galets épars qui mêlent leur bruit de roulement à celui des vagues.
 
Une légère brise s’est levée, soulevant les plus fines particules de silice qui viennent lui cingler la joue. La hantise d’en recevoir...