197
pages
Français
Ebooks
2023
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Publié par
Date de parution
13 février 2023
Nombre de lectures
8
EAN13
9782379614699
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
3 Mo
Romance contemporaine - 370 pages
Depuis toujours, Ava a l’encre dans le sang. En intégrant une prestigieuse école d’art, elle imaginait son avenir tout tracé. Mais son mentor et professeur pourrait bien tout bouleverser. Aussi charismatique et troublant, que sombre et intransigeant, il va la pousser dans ses ultimes retranchements, l’obliger à faire face à ses démons.
Quand l’art et la passion s’épousent avec tant de force, quand les âmes se mêlent, se confrontent et se confondent, qui peut en sortir indemne ? Et de quelle manière ?
Publié par
Date de parution
13 février 2023
Nombre de lectures
8
EAN13
9782379614699
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
3 Mo
L’encre dans le sang
Chrys Galia
Chrys Galia
Mentions légales
Éditions Élixyria
http://www.editionselixyria.com
https://www.facebook.com/Editions.Elixyria/
ISBN : 978-2-37961-469-9
Photographie de couverture : Conrado
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Parce que vous méritez
les émotions les plus intenses !
“… et quand l’un d’eux rencontre l’autre moitié, la moitié réelle de lui-même, qu’il soit un am ant de jeunesse ou un am ant d’un autre genre, le couple est perdu dans un émerveillement d’amour et d’amitié et d’intimité et ne sera pas décollé de l’autre moitié , pour ainsi dire, même pour un instant… »
Platon
1
TRISTAN
— Dessiner, c’est comme danser, c’est ressentir, exprimer, vivre une émotion intensément et la sortir de ses tripes. Si vous y parvenez, si vous y mettez assez de cœur, alors vous la transmettez. Ceux qui observent une toile ou assistent à un ballet sont, sans le savoir, les spectateurs de vos pensées les plus profondes, les plus intimes. C’est pour cela que c’est si difficile, parce qu’il s’agit de révéler au monde votre plus grand secret : votre vous intérieur. Êtes-vous prête à cela ?
— Je n’ai jamais envisagé les choses de cette façon, hésite la jeune femme.
Dans des frusques trop grandes pour elle, le teint diaphane, elle ne paye pas de mine. Pourtant, mon œil averti sait reconnaître la beauté, la véritable beauté. Pas celle des canons qui orientent faussement et influencent honteusement les rêves des adolescentes, s’étalent sur les pages des magazines à grands renforts publicitaires. Non, pas ces nanas tellement Photoshopées qu’en les croisant dans la rue on serait bien incapables de les reconnaître. Pas ces beautés parfaites dont même les cils s’alignent en des « saluts militaires ». J’aime les beautés pures, crues, sans artifices. Des petits défauts par-ci par-là, des aspérités, des imperfections, comme ses yeux un peu trop grands qui semblent manger tout son visage, son nez fin et droit, mais orné d’une cicatrice légèrement plus blanche que le reste de sa peau. Sa bouche est une merveille, pulpeuse, superbement sculptée et d’une teinte d’un rose presque rouge qui tranche dans ses traits opalins. Elle semble un peu maigre et la faveur de mon inspiration va généralement aux courbes pleines. Mais elle n’est pas là pour poser, elle est là pour mon enseignement uniquement. Alors, mes exigences sont toutes autres et ses chances par-là même réduites. Je suis encore capable de peindre un sujet qui ne satisfait pas entièrement mes goûts ; pour accepter un élève, je demeure intraitable.
— Vous n’êtes pas prête, lui asséné-je.
— Je n’ai jamais dit que je ne voulais pas essayer, me contre-t-elle offusquée.
Histoire de la provoquer, de l’étudier, de déterminer son potentiel, je vais jusqu’au bout de la manœuvre. Elle doit affronter le personnage, le guide, le maître. Si elle résiste, si elle tient le coup, peut-être lui laisserai-je une chance.
J’ai dit « peut-être »…
Dans mon école, les places sont chères. Je trie mes élèves sur le volet. Comme dans l’alimentation, je ne veux que le bio, le meilleur, le plus pur. Si je sens le moindre artifice, la moindre pomme pourrie, je ne me pose pas la question, je vire, ça ne m’intéresse pas, mon temps est trop précieux.
Je suis né avec un pinceau dans les mains. Mes parents étaient eux-mêmes artistes dans l’âme. Ma passion est un don qui s’est inscrit dans mes gènes. J’ai hérité du chromosome pierre noire et j’ai la chance, si c’en est une, de m’être construit tout seul. Jamais je n’ai fait les Beaux-Arts, jamais je n’ai suivi de cours. J’ai simplement laissé la matière décrire mon existence sur les supports. J’ai été repéré. Mes toiles ont commencé à se vendre, mon nom à alimenter les conversations dans les salons, dans les cercles privés, jusqu’à ce qu’un mécène s’offre une bonne partie de ma production pour la revendre quelques années plus tard, à prix d’or. Jeune, fier, prêt à enfoncer les portes, j’ai pourtant pris quelques claques. Si mes œuvres se vendaient, il y avait un hic. Un énorme blanc dans mon CV. J’avais un titre d’ingénieur, aucune formation artistique. En gros, j’étais doué, mon travail payait bien, mais je n’avais aucune légitimité.
Pas si aisé de se faire une vraie place, j’allais de frustrations en déconvenues et je ne me voyais pas reprendre un cursus juste pour satisfaire le pédantisme d’une colonie de dinosaures. Mon compte en banque ne cessait de gonfler.
Ça prouvait bien que je valais quelque chose, non ?!
À cette époque, mes parents m’encourageaient à continuer, sans me prendre la tête. Faut dire qu’ils sont d’un naturel soixante-huitards. Ne pas se poser de questions, carpe diem , apprécier le lever du soleil aux aurores, se coucher avec les poules en savourant le bonheur d’un nid douillet. Manger ce que la nature t’offre et… attendre que le temps passe en enchaînant les postures de Yoga. À force de faire La Montagne, La Chaise, La Cigogne et le Chien tête en bas, j’ai pigé que mes vieux ne pourraient rien pour moi. Artistes oui, mais plutôt axés musique et déco bucolique.
Pendant quelques années, j’ai continué comme ça, mon âme errant entre des projets scientifiques barbants et des envies de noircir des toiles de mes désirs profonds. Mon cœur, lui, n’était pas partagé. Je brûlais de l’intérieur, mon art me consumait et empiétait de plus en plus sur le reste. J’ai fini par démissionner, m’enfermer dans une bulle que je croyais protectrice. Je me suis coupé de tout, coupé du monde, plusieurs mois. Internet était mon ami, le seul. La virtualité me convenait parfaitement. Je ne maîtrisais plus rien. La peinture avait pris possession de mon existence tout entière.
Le jour et la nuit ont fini par se confondre. Obsédé, je ne voyais plus le temps s’égrener. Je ne répondais plus au téléphone, à l’interphone ; de toute façon, je n’entendais plus. J’avais un besoin irrépressible de créer la vie sous mes doigts. Encrés du noir de mes crayons, de mes souffrances et de mon exaltation, ils s’agitaient de manière incontrôlable sur la blancheur immaculée des supports de toutes ces toiles qui encombraient mon petit appartement parisien.
Entre les boîtes de conserve vides et les bouteilles éparpillées sur le sol, j’avais à peine de quoi me reposer quelques heures sur mon canapé. Je ne m’inquiétais plus du monde extérieur, de ma famille, de mon job d’ingé que j’avais rejeté comme on se débarrasse d’un objet inutile. Je ne pensais plus à personne, pas même à mes proches. J’étais dans un autre univers, un monde où ma passion stimulante m’enterrait vivant. Parce qu’il est bien là, le problème, la passion, c’est envahissant, destructeur, addictif. On se fait prendre par surprise, on finit par tout perdre de vue, même l’essentiel. C’est aussi douloureux que bon, aussi bon que douloureux. On souffre, on jouit de cette souffrance parce que pour ressentir l’intensité de la vie, il faut avoir appréhendé la douleur, la vraie.
Je dois tester Ava et je dois frapper fort !
— Ce que vous avez fait, tout votre book, c’est bon à jeter à la poubelle. C’est de la merde !
Elle rougit instantanément, le feu de la colère, de l’humiliation inonde son joli visage. Je pourrais être attendri, plus cool, plus respectueux, ça ne l’aiderait pas. Si elle veut des compliments, de la complaisance, qu’elle aille voir ailleurs. Elle a fait le choix de franchir les portes de mon école, c’est déjà courageux, ma réputation me précède. Elle devait savoir à quoi s’attendre. Je n’épargne personne, jamais. Qu’elle ait un joli minois et un corps que j’aimerais peut-être coucher sur le papier ne me rendront pas plus indulgent.
Je suis Tristan Delorme et je le resterai !
— Tout ce que je vous ai présenté ? s’étonne-t-elle d’une toute petite voix.
— Vous n’êtes pas prête ! répété-je durement.
— Si ! Si ! Je le suis ! Je veux apprendre avec vous, plus que tout, je le jure sur ce que j’ai de plus cher, insiste-t-elle suppliante.
Indifférent à ses jérémiades qui ont le don de me hérisser le poil, je lui tourne le dos, me place face à mon chevalet, enclenche ma playlist à fond, saisis mon crayon, ferme les yeux, inspire un grand coup et attaque une nouvelle création.
Je sens sa présence insistante, interdite, derrière moi. Son corps frêle est comme une ombre pesante qui parasite mon instinct créatif, comme du larsen dans mes écouteurs, agressif, dérangeant.
Si dans deux minutes elle n’a pas réagi, ne m’a pas surpris, je lui indique la direction de la sortie.
Qu’elle prenne la tangente et me foute la paix !
Au moment où je m’imagine qu’elle va rendre les armes, une pluie de confettis de Canson s’abat sur moi. Incrédule, j’attrape un de ces petits morceaux qui, tels des flocons de neige, parsèment maintenant mon jean. Quelques lettres de sa signature… Doucement, je me retourne, l’observe. Entre rage et détermination, elle me fixe, le menton haut, des larmes ruissellent sur sa peau de porcelaine, entraînant son mascara.
Ce noir qui farde ses joues, témoignant de sa peine, la rend encore plus belle, aussi forte que fragile. En cette seconde, elle a tout d’une muse, la pureté, la délicatesse et… le caractère. De cette souffrance naît mon admiration. Elle a eu le cran de détruire ses croquis, tous, pour me prouver qu’elle était prête au plus grand sacrifice tant elle a confiance en moi.
Aurais-je eu ce courage ?
Aurais-je pu placer mon destin entre les mains d’un type rencontré il y a à peine trente minutes ?
Pris ce risque sans être certain d’avoir gain de cause ?
Humm… Je suis trop fier pour ça, pas assez humble non plus. De tous mes étudiants, c’est la première qui me surprend à ce point. En général, ils s’énervent, se défendent, se battent en invoquant tout un tas d’arguments qui parfois arrivent à me convaincre. Jamais aucun d’entre eux n’a eu l’audace de détruire sans la moindre hésitation tout son travail.
Bon sang, qui est cette fille ?
Avec une lenteur calculée, j’enlève mes écouteurs,