Hôtel du bord mer , livre ebook

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Marie-Ève Gaspardin mène l’Hôtel du bord de mer, situé sur la péninsule gaspésienne, d’une main de maître. Si la jeune trentenaire s’investit corps et âme à l’ouvrage, c’est qu’elle espère succéder à son père dans l’entreprise familiale. Mais gagner la confiance de Rodolphe G. Gaspardin n’est pas une mince affaire, d’autant plus qu’il imagine depuis toujours son fils adoré, Joshua, à la tête de l’hôtel.


Qu’à cela ne tienne ! Marie-Ève est déterminée à lui prouver que la gestion de l’hôtel lui revient de droit.


Pourtant, la rencontre inattendue d’un voisin tout à fait charmant et une série de problèmes menacent de contrecarrer ses projets. Alors que sa famille est submergée par les tensions qui s’accumulent, Marie-Ève arrivera-t-elle tout de même à garder le cap ?

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Publié par

Date de parution

28 avril 2023

Nombre de lectures

140

EAN13

9782384830435

Langue

Français

Hôtel du bord de mer
Agnès Ruiz
 
 
 
1
Marie-Ève Gaspardin quitta la réception de l’Hôtel du bord de mer d’un pas pressé. Elle regrettait de laisser déjà la stagiaire seule, mais elle devait voir son frère Joshua, ou, en tout cas, essayer de le débusquer.
De toute façon, c’était encore la basse saison en ce début d’avril et il n’y avait pas foule. Mélanie serait sans doute capable d’enregistrer un client s’il se présentait à l’accueil. Elle n’était pas si gourde qu’elle le paraissait.
Marie-Ève ne l’avait pas aimée dès les premiers jours. Mélanie Boutin riait d’un rien, écoutait d’une oreille distraite les consignes, sauf quand c’était Joshua qui lui parlait. Quelle petite dinde ! s’énervait alors Marie-Ève en bouillant de l’intérieur.
C’était le premier emploi que la jeune fille occupait. Elle avait dix-huit ans et venait de laisser tomber le cégep au milieu de l’année, sans obtenir de diplôme. Trop de pression, avait-elle mentionné lors de l’entretien. Marie-Ève s’était dit que c’était une bonne raison pour lui refuser le poste à la réception de l’hôtel. Comment ferait-elle au cœur de l’été avec la clientèle qui se bousculerait et qui se montrerait parfois de mauvaise humeur ? Elle prétexterait trop de pression là encore et les laisserait en plan, en plein boom ?
Seulement voilà, son frère était venu cinq minutes avant la fin de l’entretien. C’était lui qui avait demandé à cette bécasse de Mélanie de postuler. Et bien sûr, il avait fait preuve de bienveillance, assurant qu’elle aurait le temps de se mettre en train avant la grosse saison pour apprendre le métier.
Irritée par son manque de clairvoyance, Marie-Ève n’avait rien pu faire pour le dissuader d’embaucher Mélanie. D’autant qu’il lui avait bien fait comprendre qu’elle serait en stage pendant six mois, une formation payée par le gouvernement, donc, cette somme ne sortirait pas de leurs poches. Marie-Ève avait convenu que ce n’était pas une mauvaise idée pour cette fois, même si elle répugnait à user de ce stratagème. Des saisonniers, ils avaient l’habitude, c’était autre chose. Là, de la main-d’œuvre presque gratuite, ça la mettait mal à l’aise, mais elle ne pouvait se permettre de faire la fine bouche. L’an dernier, leur chiffre d’affaires avait été décevant. L’hôtel devait se refaire une santé.
Marie-Ève supporterait donc Mélanie Boutin, ses rires, sa bonne humeur presque continuelle. Malgré tout, elle serait mal placée pour ne pas reconnaître que c’était un atout pour l’accueil. De toute façon, elle ne serait pas seule. Deux autres réceptionnistes seraient là pour gérer le gros de l’été. La période chaude à l’hôtel, et pas qu’à cause du soleil et de la forte saison. D’ici peu, le téléphone ne dérougirait pas, tout comme les courriels pour les réservations.
Marie-Ève ignora les ascenseurs et emprunta les escaliers. Elle avait lu dans un magazine que cela travaillait le fessier. Elle avait l’impression que son postérieur se ramollissait ces derniers temps. Autant profiter de ces superbes marches pour une petite remise en forme, mine de rien.
Elle imaginait l’hôtel grouillant de monde. La moitié des chambres était déjà réservée, dont plusieurs par des habitués. Elle avait fait de bonnes campagnes de promotion. Après tout, elle était la responsable des communications. Il était juste que ses études dans le domaine lui servent. Le fait de parler couramment anglais et espagnol l’aidait indéniablement pour relancer une clientèle parfois indécise sur ses prochaines destinations vacances.
La péninsule gaspésienne exerçait toujours un charme certain sur les différentes couches de la société locale ainsi que par-delà les frontières. Elle-même, native de la région, ne pouvait s’imaginer vivre ailleurs.
Les affaires reprenaient ! s’enthousiasma Marie-Ève en sautillant pour atteindre le premier palier à la moquette vermillon. Oubliant sa mauvaise humeur causée par les multiples questions insipides dont Mélanie l’avait accablée depuis le matin, elle continua à chercher son frère Joshua.
Il était de deux ans plus jeune qu’elle. Tout le monde s’accordait à le décrire comme un bel homme.
Il était grand, un mètre quatre-vingt, des cheveux bruns. Marie-Ève les jugeait trop longs, un peu négligés. Il affirmait au contraire qu’ils lui donnaient un air de mousquetaire du roi auquel les femmes ne restaient pas insensibles. Tant que Rodolphe G. Gaspardin n’y trouvait rien à redire, elle ne pouvait que se taire. Après tout, c’était à leur père avant tout, cet établissement. Marie-Ève et Joshua ne faisaient qu’apprendre le métier depuis leur plus jeune âge, avait-elle parfois l’impression.
Elle se souvenait des nombreux jeux qu’elle inventait dans les couloirs, enfant. Des remontrances aussi ! Par exemple, quand elle manquait de renverser une cliente en roulant trop vite avec son tricycle. Ou en poursuivant son frère Joshua lors de parties folles. L’hôtel était un véritable terrain de jeu, propice à l’amusement. Une mine inépuisable d’aventures plus intenses les unes que les autres.
Plus tard, elle avait rejeté l’endroit de toutes ses forces, lui reprochant d’être immuable, d’année en année. Un rythme ponctué par la basse saison et la haute saison. Elle avait voulu élargir ses horizons, s’enfuir, vivre autre chose de plus excitant.
Aujourd’hui, elle n’était pas toujours fière de ses choix d’alors. Elle évitait de trop s’y attarder. Sa période rebelle avait trop duré, selon elle, bien après sa majorité.
Maintenant, l’hôtel était devenu son lieu de travail, un endroit où elle se sentait bien, épanouie, et un établissement auquel elle donnait tout son temps. Elle s’y investissait comme personne. Bien plus que Joshua ! Elle en avait une conscience profonde. Cependant, elle se demandait parfois si leur père était du même avis.
Son frère pouvait se montrer étonnamment avenant, très amical, chaleureux. Un peu nonchalant aussi. Marie-Ève pensait souvent qu’il ne s’intéressait pas vraiment à l’entreprise familiale. Qu’il y travaillait en attendant, elle ignorait quoi. Peut-être de se décider à aller ailleurs. Qu’une occasion s’offre à lui sans qu’il risque de tout perdre. Joshua ne souffrirait pas de vivre sans le sou. Elle le savait. Et c’était sans aucun doute ce qui l’empêchait d’entamer les nombreux projets qu’il élaborait et dont elle avait été la confidente quand ils étaient proches. Combien de fois ne lui avait-elle pas répété qu’il devrait se lancer, vraiment, croire en lui ? Néanmoins, il regimbait, tergiversait, disait qu’il n’était pas encore prêt. Ou bien qu’il ne voulait pas causer de peine à leur père, qui avait tout mis dans cette affaire.
2
À vrai dire, Marie-Ève espérait que Joshua la laisserait s’occuper de l’affaire familiale. Elle ne le lui avait jamais dit. Prudente, elle estimait qu’elle ne devait pas dévoiler ses cartes trop vite et risquer la déconvenue. Dans le silence de sa chambre, elle se demandait parfois si les conseils qu’elle donnait à son frère quant à ses projets de partir ailleurs étaient sincères. Voulait-elle simplement l’éloigner et rester seule auprès de son père avec son jouet, l’Hôtel du bord de mer ?
Elle multipliait les audaces et les heures pour le convaincre qu’elle était celle qu’il fallait pour gérer l’établissement d’une main de maître. Son assurance n’était pas feinte, ses capacités non plus. Mais aussi et surtout, elle tenait à faire oublier ses erreurs passées, terribles, et qui avaient marqué à jamais les esprits au fer rouge. Trop souvent, cela revenait dans la conversation alors que le tout remontait à une quinzaine d’années.
Très jeune, elle était tombée amoureuse. Follement amoureuse. Elle n’avait rien dit à personne, pas même à sa mère, Laurette Gaspardin, qui s’inquiétait pourtant de la voir si peu. Et quand ça arrivait, elle lui reprochait son silence. Elles finissaient par se disputer toutes les deux. Dans les faits, Marie-Ève ne supportait pas que sa mère veuille s’immiscer dans sa vie privée. Elle estimait avoir le droit de garder son amour pour elle seule. Que le temps viendrait bien assez tôt où elle pourrait présenter à ses parents celui qui faisait battre son cœur. Elle n’avait alors que quinze ans. Elle en avait le double aujourd’hui et avait une fille.
Zoé fêterait ses quatorze ans dans un mois, songea Marie-Ève avec une certaine amertume. Elle s’en voulait toujours de ressentir autre chose que de la joie à cette période. Au début, elle pensait qu’elle s’habituerait, qu’elle franchirait ce cap. Sauf que ça ne passait pas. Pourtant, sa fille, elle l’aimait de tout son cœur. C’est simplement que James, son premier amour et le père de Zoé, l’avait quittée tout juste une semaine avant l’accouchement. Au tout début du mois de mai.
Dans cette période trouble, Marie-Ève avait tenté d’échapper à l’hôtel, qui l’étouffait, selon ses dires. Elle avait longtemps tourné le dos à sa mère et, il faut bien le reconnaître, au reste de sa famille. Puis, elle était revenue. Elle s’était faite toute petite, autant qu’il était possible avec son ventre énorme ! Elle se souvenait encore aujourd’hui de tous ces commentaires railleurs. Tout le monde lui disait qu’ils devaient être toute une tribu dans cette panse gigantesque. Elle riait pour masquer sa gêne et son désarroi. Peut-être étaient-ce tous ces mots, répétés jour après jour, qui avaient fait fuir James.
Non, bien sûr que non.
Nous étions dans une époque moderne, se persuadait Marie-Ève quand elle se demandait quelle était la raison véritable du départ précipité de James. Les échographies étaient précises. Il n’y avait qu’un bébé dans ce ventre en montgolfière. Tout allait on ne peut mieux, sauf son couple qui battait déjà de l’aile.
Avec le recul, Marie-Ève s’était rendu compte qu’elle s’était montrée trop optimiste. De nombreux indices indiquaient que James n’était pas celui qu’il lui fallait. Encore moins un bon père pour sa fille. D’ailleurs, il n’avait pas simplement fui à quelques kilomètres d’elle et de Zoé. Il était retourné vivre aux États-Unis,

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