214
pages
Français
Ebooks
2014
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
214
pages
Français
Ebooks
2014
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Publié par
Date de parution
07 novembre 2014
Nombre de lectures
0
EAN13
9782760634466
Langue
Français
Publié par
Date de parution
07 novembre 2014
Nombre de lectures
0
EAN13
9782760634466
Langue
Français
Mise en pages: Yolande Martel Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Boucher, Geneviève, 1980- Écrire le temps: les tableaux urbains de Louis Sébastien Mercier (Espace littéraire) Comprend des références bibliographiques. isbn 978-2-7606-3444-2 1. Mercier, Louis Sébastien, 1740-1814 – Critique et interprétation. 2. Temps dans la littérature. 3. Paris (France) – Dans la littérature. I. Titre. II. Collection: Espace littéraire. PQ2007.M6b68 2014 843’.5 C2014-941954-6 Dépôt légal: 3 e trimestre 2014 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2014 www.pum.umontreal.ca isbn (papier) 978-2-7606-3444-2 isbn (PDF) 978-2-7606-3445-9 isbn (ePub) 978-2-7606-3446-6 Epub: Folio infographie Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition et remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC). Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines de concert avec le Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
Remerciements
Ce livre est tiré d’une thèse de doctorat réalisée en cotutelle à l’Université de Montréal et à l’Université Paris-Sorbonne et soutenue en janvier 2010. Ma gratitude va d’abord à Benoît Melançon et à Michel Delon, dont les conseils éclairés et les lectures attentives m’ont permis de mener à bien ce projet. Tous deux ont été pour moi des modèles d’érudition et des sources inestimables de stimulation intellectuelle. Je tiens également à remercier Laurence Mall, Pierre Frantz et Ugo Dionne qui ont lu et commenté la première version de cet ouvrage, de même que Pierre Popovic dont les conseils bienveillants ont contribué, de près ou de loin, à la réalisation de ce travail. Ma reconnaissance va enfin à mes proches pour leur présence et leur soutien indéfectible, avec un merci tout spécial à Nicolas pour sa patience, son engagement constant et son énergie contagieuse.
Les recherches qui ont mené à la réalisation de cet ouvrage ont bénéficié de l’appui financier de nombreux organismes et institutions: le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, le Programme de soutien aux cotutelles de thèse du Consulat de France et du ministère des Relations internationales du Québec, la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université de Montréal et le Département des littératures de langue française de l’Université de Montréal.
Introduction
Si le xviii e siècle est le théâtre d’une révolution politique, scientifique et littéraire, il met aussi en branle une révolution temporelle. La valeur philosophique inédite qu’acquiert le présent pendant cette période d’optimisme et de croissance bouscule les imaginaires du temps et remet en cause les vieilles allégeances au passé. N’ayant plus à être subordonné à un passé glorieux enfoui dans des siècles lointains, le présent fascine les contemporains et devient un objet littéraire à part entière. On cherche à le décrire, à le comprendre, à saisir les rapports complexes qu’il entretient avec le passé et à imaginer son déploiement dans l’avenir.
À l’instar des Lesage, des Marivaux ou des Diderot qui, tout au long du siècle, ont injecté à la littérature une dose de réalisme, de plus en plus d’écrivains prennent le parti de la contemporanéité et s’attachent à décrire le monde qui les entoure en faisant fi des prescriptions classicisantes et en remodelant les canons esthétiques. Louis Sébastien Mercier (1740-1814) est sans doute l’un des plus importants représentants de ce courant. Prenant à bras le corps la vie parisienne du siècle finissant, son œuvre panoramique, composée du Tableau de Paris 1 (1781-1788) et du Nouveau Paris 2 (1798) dresse un portrait inédit de l’activité de la capitale et met au jour les multiples temporalités qui composent l’espace urbain. Ces deux œuvres, dont l’écriture s’étend sur dix-sept ans, donnent à voir une ville qui change à vue d’œil, une ville qui ne cesse de déborder de ses enceintes, une ville enfin qui, devenue le théâtre d’une grande révolution, se réinvente et réécrit son histoire.
Dès l’ouverture du Tableau de Paris s’affirme l’ambition de faire émerger un nouveau savoir sur Paris en peignant sa «physionomie morale». Mercier se défait des lunettes aveuglantes de l’habitude et, armé d’un regard perçant, il parcourt les rues de la capitale, observe les mœurs de sa population et tente de décrire, dans ses multiples rouages, le fonctionnement de la société. Il aborde la ville dans sa pluralité physique et morale, à travers de courts chapitres disposés de manière relativement désordonnée, souvent même aléatoire. L’immense succès commercial que connaît le Tableau dès sa première publication encourage Mercier à ajouter de nouveaux volumes aux deux volumes initiaux, de telle sorte que, d’année en année, l’œuvre prend de l’ampleur, jusqu’à compter douze volumes en 1788 3 . À l’affût des nouveautés et des scènes inédites, Mercier court littéralement après le temps. À une époque où la ville se transforme à un rythme effréné et où le temps semble s’accélérer, l’auteur tente désespérément de faire coïncider son livre avec l’état actuel de la capitale, ce qui le condamne à une réactualisation perpétuelle et l’oblige à ajouter sans cesse de nouveaux tableaux à ceux déjà parus.
Alors que Mercier, à la fin de 1788, croyait avoir brossé un tableau exhaustif de la vie parisienne, la Révolution arrive et modifie si radicalement le visage de la capitale que le Tableau tombe en désuétude: dès le mois de décembre 1789, à peine un an après la publication du douzième volume, Mercier décrète qu’il est entièrement à refaire 4 . Saisi par le tourbillon révolutionnaire, il suspend l’écriture de cette nouvelle œuvre pendant la phase extrême de la Révolution, puis reprend son projet vers 1796. Le Nouveau Paris paraît deux ans plus tard 5 . L’œuvre, qui dresse un panorama des nouvelles mœurs et fournit l’une des premières histoires de la Révolution, se présente d’emblée comme la suite actualisée, voire comme le substitut, du Tableau .
Mais, malgré une continuité indéniable, les enjeux moraux, politiques et esthétiques se déplacent d’une œuvre à l’autre. Pour Mercier, il existe un lien de consubstantialité entre le texte et son référent, Paris: cela implique que si Paris change, le texte doit également changer dans son style, sa forme et sa texture mêmes. Puisqu’une réalité nouvelle exige une langue nouvelle, Le Nouveau Paris ne peut reproduire la facture du Tableau : son ton, son style et sa rhétorique s’imprègnent du contexte ambiant. Dans l’avant-propos du Nouveau Paris , Mercier va jusqu’à conseiller aux jeunes auteurs de «fai[re] [leur] idiome, car [ils ont] à peindre ce qui ne s’est jamais vu 6 ». Comme la poétique, le traitement du temps connaît des inflexions majeures: dans cette œuvre postrévolutionnaire, les instances de l’axe temporel acquièrent un statut nouveau et font émerger des représentations inédites. Les thèmes, les formes et les tropes à travers lesquels s’exprimait la conscience temporelle sont remaniés en même temps que la visée de l’œuvre qui, en plus de décrire la ville nouvelle, cherche à esquisser une histoire de la Révolution et à comprendre les rouages complexes de cet événement inouï. Par leurs rapports de continuité et de rupture, le Tableau de Paris et Le Nouveau Paris nouent un réseau complexe de tensions temporelles et agissent comme une caisse de résonance des multiples configurations de la conscience historique.
À des degrés divers, on pourrait d’ailleurs dire que l’ensemble de l’œuvre de Mercier, qui s’étend sur les cinq décennies de transition entre l’apogée des Lumières et le début du romantisme, répond à des impératifs d’ordre temporel. La carrière du polygraphe s’inscrit effectivement sous le signe de l’innovation poétique et, à ce titre, elle soumet l’écrit aux exigences encore informulées de la contemporanéité.
Comme la plupart des auteurs de sa génération, Mercier pratique plusieurs genres – littéraires ou non – et embrasse une multiplicité de sujets et de disciplines. Après des débuts peu remarqués en poésie d’inspiration classique 7 , il publie en 1763 Le Bonheur des gens de lettres , un discours à travers lequel s’expriment des idées poétiques novatrices et dans lequel la fonction sociale de l’écrivain est affirmée avec force – conformément au discours des Lumières, l’écrivain est présenté comme un guide, un éclaireur 8 . À la fin des années 1760, Mercier se consacre au théâtre, genre avec lequel il connaîtra un succès honnête: dans toute sa carrière, il écrira une cinquantaine de pièces, dont les plus connues sont Jenneval , Le Déserteur, L’Indigent, Jean Hennuyeux, La Brouette du vinaigrier, La Destruction de la Ligue et Le Ci-devant noble 9 . La plupart de ces pièces s’inscrivent dans la lignée du drame bourgeois, dont il contribue, avec Diderot, à élaborer la théorie 10 . Durant la décennie 1770, il multiplie d’ailleurs les discours, souvent volontairement polémiques, sur la littérature, l’histoire et la science, genres qu’il pratiquera, avec un goût croissant pour la provocation, jusqu’à sa mort en 1814 11 . En 1771, il revisite le genre de l’utopie, inauguré par Thomas More, en créant, avec L’An 2440 , la première uchronie 12 . Dans cette œuvre, la perfection sociale n’est plus le résultat d’un déplacement spatial, mais bien d’un déplacement temporel: conformément à l’enthousiasme progressiste, c’est dans l’avenir que réside la promesse d’une société parfaite. Dans le genre narratif, outre ce roman, Mercier se livre surtout à l’écriture de courtes histoires, comme celles qui sont compilées dans ses Songes et visions philosophiques ou dans ses Fictions mor