Jean-Jacques Annaud, un cinéaste sans frontières , livre ebook

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Jean-Jacques Annaud s'est imposé comme le plus international de nos cinéastes. Son premier film La Victoire en chantant, primé aux Oscars, qui fait la satire de la vie coloniale pendant la première guerre mondiale, lui ouvre les portes d'Hollywood et va lui permettre d'accomplir ses projets les plus ambitieux comme La Guerre du Feu, Le Nom de la Rose ou L'Ours. Ce sont aujourd'hui Les Portes de Stalingrad qui s'ouvrent, après celles des monastères mystérieux, grâce à ce cinéaste historien et géographe, qui nous a menés au bout du monde, du Tibet en Afrique en passant par les Rocheuses.

Annaud a réussi à articuler la complexe relation entre les grands budgets et un message humaniste. Ses héros modestes sont invités à dépasser, dans un univers de symboles et d'archétypes, leurs propres limites. Et c'est leur confrontation avec le monde, un monde pluriel et ouvert, qui détermine leur maturation.


Cette étude comprend une approche de sa vie, de ses idéaux, de sa vision du cinéma. Nourrie d'entretiens avec Annaud et ses proches, elle permet de définir enfin ce cinéma périphérique et populaire qui a su s'imposer en dépit de nombreuses polémiques.

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Publié par

Date de parution

01 janvier 2001

Nombre de lectures

129

EAN13

9782876232051

Langue

Français

AVANT-PROPOS
Mars 2001 : l’odyssée de Jean-Jacques Annaud se poursuit. Enemy at the Gates, (L’Ennemi aux Portes) marque une nouvel-le étape dans la carrière de ce cinéaste pas comme les autres. Stalingrad, la bataille luciférienne qui a décidé du sort de l’histoire, devient le cadre ultime d’une lutte pour l’espace et la survie. Annaud filme comme personne l’histoire et la géographie du monde. Mais c’est un monde primordial enfoui dans notre inconscient collectif.La Guerre du Feuraconte l’apprentissage et la conquête du feu par l’homme de Néanderthal ;Le Nom de la Rose;dépeint la découverte du savoir moderne Sept ans au Tibetla rencontre de l’Orient mystique et de l’Occident conquérant.L’AmantetLa Victoiredécrivent aussi les ren-contres dramatiques de femmes et d’hommes dans des contextes souvent hostiles. Infatigable globe-trotter, le cinéaste s’est rendu dans tous les lieux du monde, les a filmés ou photographiés ; à l’heure où 9
la terre rétrécit et se mue en cabinet de curiosités, il célèbre l’odyssée d’un espace humilié. Annaud aime l’épopée humai-ne, celle qui arrache l’individu modeste à un environnement hostile. Annaud a deux ambitions. La première humaniste. Car c’est un cinéma de célébration des rites d’apprentissage à travers les lieux de l’histoire, une quête du sens dans le désert des mondes. Ce cinéma-monde est un cinéma visionnaire, entre déserts et monastères. La seconde commerciale ; Annaud vit à l’époque de la mon-dialisation, et comme de plus en plus de Français, il l’accepte et la vit bien. Dans un monde ouvert et multiculturel, son cinéma marque une rare capacité à mêler plan particulier et un plan universel. Venu de la banlieue parisienne, il a réussi à franchir tous les obstacles sociaux et culturels, à force de travail et de professionnalisme, et à imposer une présence française au sommet de la hiérarchie cinématographique mon-diale. Cet homme qui a connu toutes les réussites, toutes les reconnaissances – l’Oscar, les quatre Césars –, est par ailleurs un marginal. Un homme des marges du monde qui aime l’aventure, les paysages désolés, la technique la plus pointue, la recherche spirituelle. Annaud a réussi à imposer sa différence dans la tradition de ces Français marginaux qui se sont fait reconnaître d’abord par les Autres. Ce livre relate une rencontre avec l’homme, qui permet le découvrir et de l’apprécier et de comprendre les liens entre son 10
expérience personnelle et son œuvre cinématographique. Entre sa jungle intérieure, comme il aime à le dire, et sa tra-duction à l’écran.
La Victoire en chantant
PREMIÈRE PARTIE RENCONTRES AVEC UN HOMME REMARQUÉ
Travaux d’approche
J’ai pris contact avec Jean-Jacques Annaud, en 1999, à la suite d’un émerveillement cinématographique en trois dimen-sions,Les Ailes du Courage. Cet émerveillement était la conclusion d’une longue maturation de cinéphile. J’ai entendu parler d’Annaud pour la première fois en 1979. Un sujet de conversation traînait alors sur certaines lèvres, « une très bonne satire des milieux du football ». Je n’ai vu Coup de Têteque de nombreuses années plus tard, et, si le film ne s’insère pas dans l’univers d’Annaud, il est d’une étonnan-te actualité, à l’heure où tout un chacun déclare à tue-tête que les Français sont « champions du monde ! ». La vision deLa Guerre du Feuest, en revanche, un grand choc. On y fait le lien avec l’apprentissage de l’humanité dans 13
2001, Odyssée de l’espace, mais on y découvre aussi un monde d’épouvante, onirique, effrayant ; le monde des premiers hommes. Parallèlement, le public est étonné de la capacité du cinéaste à créer une superproduction internationale, à défier les Anglo-américains sur leur terrain privilégié : l’industrie spectaculaire qui recycle tous les rêves de l’être humain. Mais cetteGuerre du Feu,je l’ai aussi aimé pour sa construction, ses péripéties, mais également sa lenteur narrati-ve ; ce sont les débuts du montage MTV qui, en dépit de grandes qualités, va orienter un certain cinéma pour jeunes vers un conditionnement total. Le montage abrupt était l’art du cinéma totalitaire de l’entre-deux guerres, une manière de conditionner l’esprit, de penser à notre place. Annaud reprend une tradition plus classique, illustrée par Lean (Robert Bolt est, comme on le verra, le scénariste préféré d’Alain Godard). Il laisse aux plans le temps de se manifester, de nous habiter. Il prend son temps, en même temps que les péripéties abon-dent. Il évite la lenteur nihiliste d’un cinéma prétendument éli-tiste, et le conditionnement par la débauche de l’image, qui perd en sens ce qu’elle gagne en nombre. La dégénérescence du cinéma clipé en marketing sensoriel et en fast-food d’images, qui entraîne une obésité médiatique, devient systé-matique au début des années 80. Et ce même si de très bons films et de brillantes séries télé commeMiami Vicese récla-ment ouvertement de cette esthétique de la fascination, qui provient du cinéma de propagande totalitaire. Février 1982 : Annaud est courtisé par Brialy à la soirée des Césars. Son film est un triomphe dans le monde entier, il fait 4 millions d’entrées en France, et le bel homme bouclé cher à 14
Brialy reçoit le César du meilleur film et du meilleur réalisa-teur. Le même soir,Divaest récompensée de quatre Césars. C’est un triomphe aussi pour Beineix qui apporte une autre idée du cinéma. Un cinéma qui fait la fortune du spectateur, pas de la critique, mais qui est, en même temps, virtuose, habi-le, décalé, post-moderne comme on dit. L’année suivante voit les débuts du jeune Luc Besson. Et Spielberg, grâce àE.T., est consacré par lesCahiers du Cinéma.Au journal télévisé, Jean-Jacques insiste sur l’aspect français de son film ; les techni-ciens français ont fait des merveilles, même si les financiers n’ont pas été à la hauteur. Claude Berri rattrapera l’outrage. Ce qui compte, déclare-t-il dans une formule audacieuse : « ce n’est pas ce qu’un film coûte, mais ce qu’il rapporte ». En 1982, j’entends parler par un professeur d’université du Nom de la Rose, que je lirai plus tard au Népal. Je suis un fan d’Umberto Eco, de son vieux texteL’Œuvre Ouverte, publié en 1965, et qui constitue mon outil de référence pour l’art moder-ne. Je ne suis pas étonné, deux ans, plus tard, d’apprendre qu’Annaud mène à bien un fastueux projet d’adaptation – un palimpseste – du très intellectuel best-seller de l’humaniste italien. La vision duNom de la Rose: ilest aussi une confirmation est possible d’impliquer le public dans une problématique cognitive. De mêler habilement les genres, le film en costume, le polar, l’histoire d’amour, la métaphysique, le nominalisme et l’apprentissage des savoirs. La caricature du grand inquisiteur m’énerve toutefois (et Alain Godard me donnera raison bien plus tard) et la comparaison avecLa Guerre du Feus’impose à propos d’une question bien précise : Annaud nous prendrait-il 15
pour de bêtes ? car son monastère est un bestiaire. La réponse est oui. L’étonnant Ron Perlman – Salvatore le polyglotte qui parle toutes les langues et n’en parle aucune – devient l’icône du cinéma animalier d’Annaud. Il va poursuivre une carrière discrète dans le cinéma de Caro et Jeunet venus du dessin et de la culture de l’image flamboyante. Un autre élément nous a frappé dansLe Nom: le caractère européen du film, germano-italo-français. Acteurs, produc-teurs, techniciens, artisans conjuguent leurs talents dans cette superproduction de 20 millions de dollars qui rapporte quatre fois sa mise. Ce film remporte un succès énorme en Allemagne et en Italie, et il rappelle à l’Europe son passé millénaire, chré-tien et curieux des savoirs. Le fait qu’il soit tourné en anglais, lalingua franca– ouKoinè– contemporaine, ne me gêne pas. S’il est regrettable de ne parler que l’anglais à l’étranger, il est quand même bien utile que cette langue, depuis plus d’un siècle et demi, se soit imposée comme norme universelle. Annaud apparaît alors comme un capitaine d’industrie ciné-matographique qui réussit tout ce qu’il entreprend. Il est l’homme qui monte.Le Nom de la Rosereçoit le César du meilleur film… étranger. Dans une « société d’émetteurs » (Roland Barthes) où « la production libre est engorgée, affolée et comme éperdue » et où, « la plupart du temps, les textes, les spectacles vont là où on les demande pas » dans le cadre d’une « sorte d’éjaculation collective qui tourne aujourd’hui à l’apocalypse », le succès de l’émetteur Jean-Jacques est remar-quable. Le plus dur aujourd’hui n’est plus de réaliser un chef-d’œuvre – il y en a quinze par mois au cinéma – mais de répandre son information, son message. 16
Alors queLe Nom de la Rosea mis près de cinq ans pour se faire – Annaud prend en moyenne trois ans et demi pour faire un film –,L’Ourssort moins de deux ans après sur les écrans. C’est la ruée, la razzia deL’Ours. Annaud renoue avec sa vieille marotte, le contact hommes/bêtes, mais retrouve aussi la poésie barbare deLa Guerre du Feu, cette tentation sauva-ge, cette volonté de nous affranchir de l’espace artificiel moderne. Le film est un grand moment de liberté, qui contras-te avec la claustromanie du cinéma d’auteur. Le triomphe du Grand Bleula même année, lui aussi devenu un classique, marque cette volonté contemporaine de retrouver un monde plus pur dans des espaces limpides.L’Ourstourne aussi le dos au thème classique de la fraternité hommes/bêtes. Ils se croi-sent, s’apprécient, retournent dans leur monde. Encore récom-pensé aux Césars, Annaud est en outre reconnu par ses pairs comme le meilleur réalisateur français. Mais la plus grande réussite du cinéaste, c’est que dans la variété de l’œuvre, se maintient l’unité du propos. C’est ce qui est le plus dur à obte-nir, lorsqu’on se refuse à devenir unTypecast, un cinéaste spé-cialisé (dans la comédie, le film d’action, d’espionnage, etc.). C’est cet étiquetage qui a paralysé la carrière d’Édouard Molinaro, de son propre aveu, ou celle de Costa-Gavras. D’autres cinéastes tentent d’illustrer plusieurs genres avec plus ou moins de succès. MaisL’Oursmarque la limite de la tolérance accordée jusque-là à Annaud. Il est dans le collimateur de certains cri-tiques d’élite en tant que manipulateur, démagogue, grande prostituée de l’Apocalypse visuelle. C’estL’Amantqui va faire les frais de cette poussée d’adrénaline critique qui ne tolère 17
pas le succès, moins encore lorsqu’il se pare de l’aura d’intellectuel à la Duras.L’Amantoffre des moments magni-fiques, exceptionnels même ; mais qui auraient gagné à ne rien revendiquer sur le plan culturel. Duras dira d’ailleurs que son livre est une « merde », un roman de gare… (cité par Laure Adler). L’Amantmarque en tout cas une rupture d’Annaud avec le système français. Mortifié de n’avoir pas été sélectionné aux Césars pour tournage en anglais, il part pour l’aventure améri-caine, signe un contrat avec la Columbia alors rachetée par Sony. Au moment du tournage desAiles du Courage, une inter-view d’Annaud paraît dansPremière. Il attaque assez coura-geusement un petit monde nourri auxSOFICA, aux télévisions et au clientélisme ; il ne se revendique plus cinéaste français, mais Français qui fait du cinéma ; et il parle technique, public, respect du public et public encore. Cet entretien intervient au moment où une partie des élites françaises part à l’étranger, en Amérique ou à Londres, sous les quolibets de la presse ; plus grand exil depuis la révocation de l’Édit de Nantes et la Révolution, comme le rappelle un savant politique. Les propos de ce Français de l’étranger qui fait du cinéma interpellent. Mais je n’ai pas le temps de me rendre au Futuroscope pour apprécierLes Ailes du Courage. Deux ans plus tard, je vois à Bangkok :Sept ans au Tibet. Pas encore concerné par les polémiques qui font rage en France autour du film, j’y retrouve mes impressions de voyage au Ladakh et à Dharamsala, mes lectures de voyages initia-tiques en Orient. Je suis toutefois surpris par l’audace du pro-pos : c’est la première fois qu’un Autrichien de l’époque mau-18
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