Sortir du national-libéralisme Croquis politiques des années 2004-2012 , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2012

EAN13

9782811106911

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

iioo aatt
Jean-François Bayart DDiissppuutt Sortir du national-libéralisme Croquis politiques des années 2004-2012
SORTIR DU NATIONAL-LIBÉRALISME
Collection
dirigée par Jean-Pierre Chrétien
KARTHALA sur internet : http://www.karthala.com (paiement sécurisé)
© Éditions KARTHALA, 2012 ISBN : 978-2-8111-0691-1
Jean-François Bayart
Sortir du national-libéralisme
Croquis politiques des années2004-2012
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 PARIS
AVANT-PROPOS
Dans le bruit et la fureur de campagnes électorales suc-cessives, mais aussi de campagnes d’opinion parfois nau-séabondes, j’ai été amené à commenter l’actualité ou à prendre parti en tant que chercheur, en recourant aux outils de mon métier. J’ai décrypté l’information que nous livrent les médias, ou mes propres observations personnelles, à tra-vers le prisme de mes travaux scientifiques, et notamment de mes derniers ouvrages :L’Illusion identitaire(Fayard, 1996),Le Gouvernement du monde. Une critique politique de la globalisation(Fayard, 2004),Les Etudes postcolo-niales, un carnaval académique(Karthala, 2010) etL’Islam républicain. Ankara, Téhéran, Dakar(Albin Michel, 2010). C’est au fil de leurs pages que j’ai avancé le concept de national-libéralisme pour désigner la combinatoire entre la globalisation et l’universalisation de l’État-nation – une combinatoire dont la rétraction identitaire, sous les diffé-rentes formes de l’ethnoconfessionnalisme, du nationalisme, des problématiques de l’autochtonie, de l’ « invention de la tradition », a été l’expression politique paradoxale depuis le e XIX siècle. Mais ces notions savantes nous parlent bien de notre monde quotidien, des grandes questions politiques qui nous divisent, ou des petits faits qui défrayent notre existence. Les articles de presse que j’ai écrits ces dernières années sont partis de ce matériau journalier pour montrer en quoi il par-ticipait d’un mode de domination historiquement situé, celui du national-libéralisme. Un mode de domination que l’on
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LE NATIONAL-LIBÉRALISME
peut aussi bien problématiser dans les termes de Max Weber, d’Antonio Gramsci ou de Michel Foucault. Selon son choix, on parlera alors deHerrschaft, d’hégémonie ou de gouver-nementalité et de subjectivation. Pour autant, les textes que j’ai rassemblés dans cet ouvrage, à la suggestion de plusieurs de mes lecteurs, n’ont pas de prétention scientifique. Ils traduisent une forme d’en-gagement, bien que leur auteur ne se veuille pas intellectuel engagé, au sens traditionnel du terme. Néanmoins, ils répon-dent comme tels à un impératif professionnel. Dès lors que le chercheur est payé par le contribuable, il se doit d’assurer à son bienfaiteur un retour sur investissement : en bref, d’alimenter le débat public, en toute liberté d’esprit, et sans réserver les fruits de sa réflexion aux cénacles académiques, aux sphères politiques et administratives, au monde de l’en-treprise. Ainsi compris, le chercheur est un empêcheur de penser (et de « réformer ») en rond ; il est un intempestif, un emmerdeur, diront d’aucuns. A l’inverse du professeur qu’il est parfois, à certains moments de sa carrière, il fait fi de la « neutralité axiologique » chère à Max Weber, à ceci près que cette dernière était cantonnée, aux yeux du père fonda-teur des sciences sociales, à la relation d’autorité entre l’en-seignant et l’étudiant, et n’impliquait pas la retraite du savant dans sa tour d’ivoire, contrairement à ce que de mau-1 vaises traductions lui ont fait dire .
1. Max Weber,La Science, profession et vocation, suivi deLeçons wébériennes sur la science & la propagande, par Isabelle Kalinowski, Marseille, Agone, 2005, p. 22. Il s’agit du texte qui est généralement connu par les Français sous le titreLe Savant et le politique. Le terme de « neutralité axiologique » a été introduit dans l’œuvre de Max Weber par son premier traducteur en français, Julien Freund, au prix d’un gros contresens. La notion vient en fait des États-Unis et de l’instrumentalisa-tion de l’œuvre de Max Weber par Talcott Parsons, dans le contexte de la Guerre froide, comme le rappelle Isabelle Kalinowski. Le concept de Wertfreiheit, qu’est supposé restituer celui de « neutralité axiologique », se réfère en réalité à la « non imposition de valeurs », en particulier par l’en-seignant dans ses cours, donc dans un contexte de domination (Herrschaft), et s’oppose à la « propagande », politique ou religieuse.
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AVANT-PROPOS
Ce recueil de croquis politiques ne se veut ni exhaustif ni cohérent. Les articles qui le composent ont été rédigés au gré de mes compétences, de mes curiosités, de mes emporte-ments, et aussi de commandes de la part de tel ou tel titre avec lesquels j’ai l’habitude de collaborer. Je les ai regrou-pés en deux parties, consacrées respectivement à la société française et à la politique étrangère de la France. J’ai 2 recouru à la technique des « jeux d’échelles » , passant de la micro-ethnologie de la privatisation de l’espace public dans un quartier de Paris à l’étude des discours et des pratiques d’exclusion ethnoconfessionnelle dans la République fran-çaise et à l’analyse de la mise en œuvre dunew public managementdans la recherche et à l’université. J’ai borné ma critique de la diplomatie national-libérale aux domaines de l’Afrique et de l’Asie antérieure, qui me sont plus fami-liers que d’autres, sans m’interdire d’évoquer des questions « globales ». Le héros négatif de l’ensemble est un certain Nicolas Sarkozy. Mais n’allons pas croire qu’en ayant supprimé le symptôme nous sommes guéris de la maladie national-libé-rale. Et rien ne dit que le bon docteur Hollande ait fait le diagnostic juste des maux qui rongent la société française, tant la gauche socialiste a contribué, depuis les années 1980, à l’instauration de ce mode de domination politique, quitte à essayer de lui donner un « visage humain », comme on le dit du socialisme dans les années 1960. La seule justi-fication de la publication de cet ouvrage est d’inciter à en débattre, à l’occasion de cette nouvelle alternance.
2. Jacques Revel, dir.,Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expé-rience, Paris, Gallimard, Le Seuil, 1996. 7
LE NATIONAL-LIBÉRALISME
Le bilan de Nicolas Sarkozy : quand la réalité a dépassé l’appréhension 3 (avril 2012)
En avril 2007, j’avais rédigé une tribune exprimant mon rejet de la candidature de Nicolas Sarkozy, et mon refus de me prononcer en faveur de celui-ci au second tour si par malheur devait se reproduire la catastrophe électorale de 2002, car – concluais-je – « l’on ne choisit pas entre la peste brune et le choléra grisâtre. ». À l’époque, aucun journal français ne se hasarda à publier mon texte, jugé sans doute trop violent dans l’air confiné qui nous tient désormais lieu de liberté de la presse. Je recourus donc au procédé qui avait permis à d’illus-e tres prédécesseurs, depuis le XVII siècle, de contourner la cen-sure, officielle ou implicite, dans l’Hexagone en trouvant refuge intellectuel chez l’un de nos voisins où souffle un autre vent : en l’occurrence, la Suisse, dontLe Tempsm’accorda l’hospitalité, le 30 avril 2007, ce dont je ne saurais trop le remercier. Cette tribune, je l’ai souvent relue, en la trouvant décidé-ment très modérée au regard ce que nous a réservé le calami-teux quinquennat dont nous avons « maintenant » l’opportunité de pouvoir nous échapper. Je la publie à nouveau parce que l’enjeu politique est demeuré le même qu’il y a cinq ans. Certes, Madame Fille ne portera pas au second tour les couleurs du Front national. Mais les paroles et les actes de Claude Guéant et le centre de gravité que son maître présidentiel a choisi de don-ner à sa campagne, sous l’influence de son conseiller Patrick Buisson et de sa proprehybris, ont démontré que la candidature de Marine Le Pen était au fond superflue. Comme je l’écrivais en 2007, « le national-libéralisme est au libéralisme ce que le national-socialisme est au socialisme ». Par ailleurs – et j’y reviendrai ultérieurement – le bilan de Nicolas Sarkozy, du point de vue de laRealpolitik, est si consternant que l’incompé-tence dont je le créditais est aujourd’hui devenue une évidence.
3. Article publié inMediapart, 23 avril 2012. 8
AVANT-PROPOS
Ceux qui ont raillé la prétendue mollesse de François Hollande se voient désormais, selon leurs opinions, mortifiés ou rassurés. Et, faute d’avoir le talent de proposer une nou-velle version de la fable du lièvre et de la tortue, je lui subs-tituerai un ersatz sous forme de slogan électoral : surtout par gros temps, mieux vaut un capitaine de pédalo que le com-mandant duTitanic!
Pourquoi je ne me rallierai pas au national-libéralisme 4 (avril 2007)
Il est beaucoup de raisons de voter pour Ségolène Royal, si l’on est de gauche, et pour François Bayrou, si l’on est du centre ou de droite. Mais je ne me sens aucune corne pous-ser, qui pourrait m’amener à voter national-libéral. Le natio-nal-libéralisme est au libéralisme ce que le national-socia-lisme est au socialisme : une alouette de libéralisme, et un cheval de nationalisme. Le national-libéralisme, c’est le libé-ralisme pour les riches, et le national pour les pauvres. Nicolas Sarkozy est national-libéral. Sa démarche lou-voyante ne répond de façon moderne et constructive à aucun des problèmes qui se posent au pays. Son élection plongerait celui-ci dans une crise sociale qui bloquerait immédiatement toute réforme. Elle serait dangereuse pour les libertés publiques. Elle bafouerait les valeurs constitu-tives de la République française dont elle modifierait en quelque sorte l’équation génétique. Le programme économique et fiscal de Nicolas Sarkozy est libéral, son orientation en matière de politique étrangère est atlantiste et sioniste. Il déguise l’un et l’autre sous le cou-vert de l’appel à la nation. Il conçoit celle-ci de manière
4. Cet article a été publié inLe Temps[Genève], 20 avril 2007, dans une version abrégée. 9
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